L’accord élaboré par l’administration Obama et le Parti républicain pour
couper des trillions de dollars dans les dépenses sociales annonce une
nouvelle période de bouleversements sociaux et de lutte des classes aux
États-Unis.
Près de trois ans après l’effondrement financier déclenché par la
spéculation rampante qui a plongé les États-Unis et le monde entier dans une
dépression économique, la classe dirigeante qui est responsable de la crise
est en train de préparer le renversement de toutes les réformes sociales
gagnées au XXe siècle.
L’accord devenu loi suite à sa signature par Obama mardi impose
immédiatement des compressions de 900 milliards de dollars réparties sur dix
ans, précédant 1,5 trillion de dollars de compressions supplémentaires qui
devront être décidées d’ici la fin de 2011. Les subventions pour
l’éducation, le financement de l’aide alimentaire et énergétique, la
réglementation des entreprises, les soins de santé majeurs et les programmes
fédéraux de retraite sont tous sous le couperet.
Les données économiques récentes montrent clairement que la crise sociale
s’aggrave. L’économie est en stagnation. Des millions de personnes sont
confrontés à un chômage prolongé avec aucune fin en vue. Les gouvernements
des États et municipaux de partout aux États-Unis sont en faillite et
réagissent en fermant les écoles et en sabrant les soins de santé. Ces
coupes dans les dépenses fédérales ne feront qu’aggraver la crise.
L’Economic Policy Institute a publié un rapport lundi dans lequel on
estimait qu’un total de 1,8 million d’emplois seront perdus l’an prochain en
raison des compressions et de l’échec des mesures prises pour limiter
l’endettement et prolonger les prestations de chômage et exonérer les
travailleurs des charges sociales. Et ce n’est qu’un début. Obama a lui-même
déclaré avant de signer la législation qu’elle n’était simplement qu’« une
première étape importante pour nous assurer qu’en tant que pays, nous vivons
selon nos moyens ».
Les partisans libéraux d’Obama se sont embourbés dans la situation résultant
du débat sur le plafond de la dette. Même dans les conditions extrêmement
limitées du soi-disant « débat » de Washington, il est plus que notoire que
l’accord final donne au Parti républicain tout ce qu’il demandait. Obama a
en effet laissé tomber sa demande pour une « approche équilibrée »,
c’est-à-dire l’élimination de quelques allégements fiscaux pour les
sociétés, signant en dernière analyse une loi qui n’est plus qu’entièrement
constituée de compressions.
Le commentateur économique libéral Paul Krugman publiait lundi un essai dans
le New York Times déplorant la « reddition abjecte » d’Obama. Krugman
a souligné que le président avait pourtant plusieurs autres options que le
cours suivi, affirmant notamment qu’il aurait pu augmenter le plafond de la
dette l’année dernière alors que les démocrates contrôlaient les deux
chambres du Congrès, ou encore qu’il aurait pu menacer d’utiliser des
manœuvres juridiques pour contourner le plafond de la dette.
Joe Nocera, un autre chroniqueur du Times, écrivait mardi qu’« Obama
aurait dû jouer la carte du 14e amendement » afin d’élever le
plafond de la dette de manière unilatérale. « De façon inexplicable, il a
plutôt choisi un plan d’action qui maximise l’effet de levier des
extrémistes républicains ».
Il n’y a en fait rien d’« inexplicable » ou même de surprenant dans ce
résultat. Une ruse de base des chroniqueurs du Times, ainsi que de
leurs homologues du Nation et autres publications libérales et de
« gauche » est de laisser entendre qu’Obama a été en quelque sorte forcé ou
dupé de faire quelque chose qu’il ne voulait pas. Nocera dénonce les
« républicains du Tea Party [qui] ont mené le djihad contre le peuple
américain ». Krugman s’inquiète du fait que l’issue du débat sur le plafond
de la dette montre que « l’extorsion flagrante [par le Parti républicain]
fonctionne et ne vient pas avec un coût politique ».
En fait, la demande des républicains pour que toute augmentation du plafond
de la dette fédérale soit accompagnée de compressions dollar pour dollar
dans les dépenses sociales a été accueillie par l’administration Obama comme
une occasion de poursuivre une politique toujours plus à droite. Obama est
en effet allé encore plus loin que les républicains quand il a proposé que
la Sécurité sociale soit incluse dans les programmes devant être compressés
au nom de la réduction du déficit.
L’embardée vers la droite de l’administration qui a suivi les élections de
mi-mandat de 2010 se poursuit donc, celle-ci ayant déjà entraîné
d’importantes pertes pour le Parti démocrate. Les démocrates se sont en fait
servis des résultats des élections comme une justification pour étendre les
réductions d’impôts octroyées par Bush pour les riches et lancer une
campagne de réduction budgétaire qui atteint maintenant un nouveau sommet
avec la législation adoptée cette semaine.
Krugman conclut sa chronique avec cette observation inquiète : « Ce que les
républicains ont réussi à imposer remet en question tout notre système de
gouvernement ». Certes, son analyse de la relation entre les républicains et
Obama est erronée, mais ses préoccupations sont bien justifiées. L’ensemble
du système politique et social aux États-Unis est en effet discrédité aux
yeux du peuple américain.
Des millions de personnes ont investi leurs espoirs dans l’élection d’Obama,
qui a été présenté comme une solution de rechange progressiste à la réaction
sociale et au militarisme des années Bush. Ils viennent maintenant de
découvrir que sa campagne a été une fraude, et qu’il a été mis au pouvoir
par la même oligarchie financière qui avait soutenu Bush dans le but de
poursuivre des politiques encore plus à droite contre les travailleurs.
La classe ouvrière se trouve à un carrefour historique. Les travailleurs et
les jeunes commencent à comprendre qu’il est impossible de changer quoi que
ce soit au sein du système politique actuel. Bien avant que ces compressions
ne soient pleinement mises en œuvre, la classe ouvrière va commencer à
répliquer.
Pour que ces luttes soient couronnées de succès toutefois, les travailleurs
doivent tirer les conclusions politiques nécessaires. Il ne peut y avoir de
solution à la crise sans commencer par comprendre que la racine du problème
est le système capitaliste, en vertu duquel l’économie est subordonnée aux
exigences de profit des grandes banques et des grandes sociétés.
Ce système est défendu impitoyablement, tant par les démocrates que les
républicains. Les résultats des discussions autour du plafond de la dette ne
font que démasquer de façon dévastatrice tous ceux qui ont promu l’illusion
que le président Obama pouvait être poussé à gauche. Le débat a démontré que
les sections les plus puissantes de l’élite financière et des entreprises
exercent leur mainmise sur l’ensemble du système politique.
Par ailleurs, l’attaque sur les travailleurs aux États-Unis fait partie d’un
processus international. Nul doute que les compressions budgétaires d’Obama
encourageront la classe dirigeante de tous les pays à accroître son propre
assaut. Mais l'allié indispensable de la classe ouvrière américaine est
justement la classe ouvrière internationale.
La contre-révolution sociale dirigée par la classe dirigeante qui se dévoile
pose la nécessité de sa contradiction, c’est-à-dire la révolution sociale.
La question fondamentale reste toujours celle de la direction politique. Le
Socialist Equality Party des États-Unis a expliqué le caractère de classe et
la logique des politiques de l’administration Obama depuis ses débuts. Nous
avions prévu que les mesures prises par la classe dirigeante conduiraient à
la résurrection des luttes de la classe ouvrière aux États-Unis.
Cette analyse a été confirmée. Il est temps maintenant de construire un
mouvement socialiste de masse. Dans les semaines et les mois à venir, le SEP
va intensifier son travail parmi toutes les sections de la classe ouvrière
de tous les coins des États-Unis, qu’il s’agisse des travailleurs des
manufactures qui ont vu leurs salaires et avantages décimés, des enseignants
qui sont licenciés par milliers et qui sont transformés en boucs-émissaires
de la crise de l’enseignement public, des employés des services publics qui
ne gagnent pas assez pour arriver, des jeunes de la classe ouvrière écrasés
par les dettes, ou encore des chômeurs qui se retrouvent avec aucune
perspective d’emploi.
Nous sommes sûrs que, sur la base d’un programme socialiste révolutionnaire,
nous gagnerons la direction des luttes qui éclateront. Un tel combat,
cependant, nécessite la participation active de tous ceux qui comprennent la
nécessité du socialisme. Il est maintenant temps de prendre la décision de
rejoindre le Parti de l'égalité socialiste.