Les actions américaines sont montées en flèche dans la dernière heure
d'échanges mardi, après que le Federal Reserve Board se soit engagé à maintenir
son taux d'intérêt de référence à son niveau actuel variant de zéro à 0,25 pour
cent au moins jusqu'à la mi-2013.
La promesse de la banque centrale de garantir aux banques et aux sociétés
pendant au moins deux ans l'accès à des liquidités presque gratuitement,
combinée avec un pronostic de chômage de masse pour un avenir indéterminé et
l'assurance de la Maison-Blanche de procéder à de profondes coupures dans les
programmes sociaux, a déclenché une frénésie d'achats qui a propulsé l'indice
Dow Jones en hausse de près de 4 pour cent en une journée.
Le Dow Jones a gagné 429 points (+ 3,98 pour cent). Le Standard &
Poor's 500 a bondi de 53 points (4,74 pour cent) et l'indice Nasdaq Composite a
grimpé de 124 points (5,29pour cent).
La hausse vertigineuse du prix des actions, après les baisses massives de
lundi, reflète une anticipation avide de profits records et de progression des
salaires des PDG en dépit d'une aggravation de la crise de l'emploi et de la
détresse sociale croissante qui frappe des dizaines de millions de travailleurs.
Le communiqué publié par le Federal Open Market Committee (FOMC), le Comité fédéral du marché libre du Système fédéral de la Réserve des
États-Unis responsable de l'élaboration des politiques de la Fed, est en
fait une reconnaissance tacite de l'échec de ses politiques depuis le krach de
Wall Street en 2008 pour répondre aux causes sous-jacentes de la crise
économique. C'est également un désaveu des précédentes assurances selon
lesquelles le récent ralentissement aux États-Unis n'était qu'une « mauvaise
passe » et qu'une reprise économique était en cours.
L'évaluation de la Fed sur la conjoncture économique et son pronostic pour
les prochains mois sont uniformément sombres. La Fed admet que « cette
année, la croissance économique a été considérablement plus lente jusqu'à
présent par rapport à ce qu'avait prévu le Comité. Les indicateurs suggèrent
que l'ensemble des conditions du marché de l'emploi s'est détérioré ces
derniers mois, et que le taux de chômage a grimpé. Les dépenses des ménages
n'augmentent pas, l'investissement dans les structures non résidentielles est
encore faible, et le secteur du logement reste déprimé. »
Contredisant les assurances émises par la Fed lors de la précédente
réunion du FOMC à la fin de juin, et suggérant que la crise soit plus profonde
que précédemment indiqué, la déclaration de mardi poursuit : « les
facteurs temporaires... ne semblent expliquer qu'en partie la faiblesse récente
de l'activité économique. »
La Fed a bien précisé qu'elle revoyait à la baisse sa précédente estimation
de la croissance économique américaine. « Le Comité, poursuit la
déclaration, s'attend maintenant à un rythme un peu plus lent de la reprise
pour les trimestres à venir contrairement à ce qu'elle anticipait lors de sa
précédente réunion, et elle s'attend à ce que le taux de chômage ne diminue que
progressivement... Par ailleurs, les risques de perte en cas de baisse ont
augmenté compte tenu des perspectives économiques. »
Cette sombre projection quant à l'emploi a été renforcée dans un rapport
publié lundi par le Conference Board, qui a déclaré que l'indicateur de
tendance du marché de l'emploi avait diminué pour la troisième fois en quatre
mois, et que les employeurs ne pourraient créer que 100 000 nouveaux emplois
par mois pour le reste de l'année. Ce taux de création d'emplois n'est pas même
suffisant pour maintenir le rythme de croissance normal de la population en âge
de travailler.
Goldman Sachs estime maintenant qu'il y a une chance sur trois d'un retour
à une croissance négative aux États-Unis, ce qu'on appelle une « récession
à double creux ».
La citation du FOMC à propos des « risques de perte en cas de baisse
» est une référence oblique aux développements récents qui ont fait voler en
éclat toutes les affirmations selon lesquelles le marasme économique actuel
n'était qu'un problème temporaire. Ces développements comprennent notamment le
ralentissement marqué de la croissance économique aux États-Unis, en Europe et
en Asie, la propagation de la crise de la dette européenne à l'Italie et à
l'Espagne, et la première décote qui soit du crédit des États-Unis annoncée
vendredi par Standard & Poor's.
La Fed n'offre pas de proposition pour résoudre la crise des emplois. Son
annonce politique majeure était qu'elle garderait le taux des fonds fédéraux de
référence variable de zéro à 0,25 pour cent « au moins jusqu'à la
mi-2013 ». C'est la première fois depuis que la banque centrale américaine
a réduit le taux des fonds fédéraux à près de zéro, en décembre 2008, qu'elle
donne un calendrier précis pour le maintien du taux en place. Dans le passé, la
Fed utilisait la phrase « pour une période prolongée », qui
signifiait pour au moins plusieurs mois.
La fixation d'un délai prolongé pour l'obtention d'un crédit illimité et
presque gratuit est un avantage énorme pour les banques, les fonds spéculatifs
et les spéculateurs de toutes sortes, qui sont maintenant sûrs que la Fed va
souscrire à de nouvelles bulles financières et à de nouvelles sources de
richesse pour l'élite financière. Cela ne fera toutefois rien pour soulager la
détresse des 25 millions d'Américains au chômage ou sous-employés, ou pour
renverser la croissance de la pauvreté, l'itinérance et la faim. De l'aveu même
de la Fed, cette politique même de pompage de crédit à bon marché dans le
système financier n'a pas réussi à stopper la croissance du chômage ou à lancer
une reprise sérieuse de la croissance économique.
Le FOMC a également indiqué sa volonté d'envisager une nouvelle série de
soi-disant « assouplissements quantitatifs », soit l'équivalent électronique
d'imprimer simplement des centaines de milliards de dollars pour acheter des
bons du Trésor et autres valeurs mobilières. Il déclare : « Le Comité va
examiner régulièrement la taille et la composition de son portefeuille de
titres et est prêt à ajuster ces participations, le cas échéant. »
C'est là une continuation de la politique du dollar bon marché que les
États-Unis mènent depuis le krach de Wall Street. Loin de s'attaquer aux causes
de la crise, cette politique les exacerbe en fait considérablement. La forte
baisse du dollar alimente en effet les tensions monétaires et commerciales à
l'échelle mondiale, alors que les États-Unis profitent du statut privilégié
qu'occupe le dollar en tant que monnaie de la réserve mondiale pour faire
grimper le prix relatif des exportations des pays rivaux et réduire les prix
des produits américains sur les marchés mondiaux. C'est là un moyen, basé sur
des considérations nationales à court terme, de décharger la crise du
capitalisme américain sur le reste du monde.
La chute du dollar qui s'accentue ne fait qu'aggraver le processus de
base au centre de la crise mondiale qui est le vaste déclin de la position
économique mondiale des États-Unis.
Le prix de l'or a atteint un nouveau sommet mardi à la suite de l'annonce
de la Fed. Les contrats à terme normalisés sur l'or prévus pour livraison en
décembre ont progressé de 29,80 $, soit de 1,7 pour cent, clôturant à 1 743 $
l'once à la division Comex de la New York Mercantile Exchange. Le prix de l'or
est en hausse de 13 pour cent depuis la fin de juin.
Le dollar a chuté de plus de 5 pour cent par rapport au franc suisse,
atteignant un plancher record pour la troisième session consécutive. La devise
américaine a maintenant chuté de 30 pour cent par rapport au franc suisse au
cours de la dernière année.
Le dollar a également chuté face à l'euro et au yen japonais. Tout juste
la semaine dernière, le plongeon continu du dollar a incité le Japon et la
Suisse à intervenir sur les marchés pour faire baisser le taux de change de leurs
monnaies. La dernière action de la Fed incitera certainement encore plus de
mesures du même genre, entraînant inexorablement de nouvelles dévaluations
compétitives et une guerre commerciale pure et simple.
Les mesures prises par la Fed, ainsi que par l'administration Obama, sont
entièrement axées sur la défense de la richesse de l'élite financière des
États-Unis. La politique de crédit bon marché et la baisse du dollar sont
calculées pour faire monter le cours des actions et les bénéfices des entreprises,
tout en ne faisant rien pour réduire de façon significative le chômage.
Le monde des affaires des États-Unis veut garder un chômage
élevé, en vue d'utiliser la détresse sociale qui en résulte pour forcer les
travailleurs à accepter des réductions radicales de salaires, et des coupes
dans leurs avantages sociaux et leurs conditions de travail. C'est la politique
délibérée de l'administration Obama et de l'establishment politique dans son
ensemble qui n'est rien de plus qu'une façade derrière laquelle l'élite
financière des entreprises exerce une dictature de facto.