La circonscription électorale de Ardwick où le SEP fait
campagne dans le cadre des élections locales, est un district en grande majorité
ouvrier, au Sud-Est du centre-ville de Manchester, avec environ 15.900
habitants. C'est là où je suis né et suis allé à l'école.
Historiquement, Ardwick a été le symbole des conditions
sociales désastreuses et de la lutte brutale pour la survie, imposées à de
larges couches de la classe ouvrière.
Durant la révolution industrielle du XIXe siècle, Ardwick
accueillait de nombreuses filatures et des usines, dont des briqueteries, des
usines chimiques, des chaudronneries et une usine de caoutchouc.
Dans son œuvre novatrice, La condition de la classe
ouvrière en Angleterre (1844), Frederick Engels indiquait qu'Ardwick à
cette époque faisait partie de ces villes dans lesquelles « la haute
bourgeoisie » vivait dans des « villas isolées entourées de jardins. » Ces
parties d'Ardwick étaient bien plus peuplées à l'époque, la zone autour
d'Ardwick Green accueillait de nombreux géorgiens et des maisons de style
Régence [la régence de George VI au début du XIXe siècle, ndt] appartenant à
des entrepreneurs et des marchands du secteur cotonnier. Cette couche riche
vivait à proximité d'une pauvreté généralisée.
L'essentiel de la population pauvre vivait dans des maisons
victoriennes mitoyennes qui ont été démolies entre les années 1950 et 1970,
pour être remplacées par des logements sociaux. Cependant, le déclin économique
d'Ardwick après l'effondrement de l'industrie textile ne s'est jamais arrêté.
Daisy Works, l'une des nombreuses anciennes filatures d'Ardwick
De 1975 à 1985, l'Est de Manchester a perdu près de la
moitié de ses emplois. Les quelques grands employeurs qui y sont restés après
la fin du textile – comme Great Universal Stores qui a employé jusqu'à
3000 personnes et la compagnie de services à distance ICL/Fujitsu – ont
fermé au cours des dix dernières années.
De nos jours, Ardwick et d'autres parties de Manchester son
affligées d'une pauvreté et d'une inégalité sociale endémiques. Comme à
l'époque d'Engels, cette pauvreté côtoie des sections de la ville remarquables
pour leur richesse et leur opulence. Les résidents d'Ardwick peuvent voir de
leur fenêtre le centre ville de Manchester tout proche et ses gratte-ciels
rutilants, dont l'hôtel de luxe Beetham Tower de 47 étages.
Le loft situé tout en haut de cet immeuble appartient à son
architecte, Ian Simpson, qui l'a acheté pour 3 millions de livres (3,4 millions
d'euros), D'autres appartements du centre ville, comme le 1 à Deansgate, se
sont vendu jusqu'à 1,5 million de livres chacun. Des magasins de luxe comme
Louis Vuitton et Armani y ont fleuri, à côté du nouveau salon du coiffeur à la
mode Nicky Clarke, qui demande 500 livres (566 euros) ou plus pour une coupe à
ses clients fortunés.
De tels niveaux d'inégalité sont le produit des deux
dernières décennies durant lesquelles le conseil municipal dirigé par le Parti
travailliste a fait la promotion de Manchester comme le lieu où la finance
internationale devait investir. Une étude du Financial Times en 2009 sur
l'économie de la région de Manchester a établi que, « la région de cette ville
génère la moitié de la plus-value totale nette (PVT) du Nord-Ouest, une mesure
de la création de richesses, avec un PVT de 54 milliards de livres (61,3
milliards d'euros) en 2007, c'est la plus importante économie à l'échelle d'une
ville après Londres. »
MIDAS, l'Agence d'investissement intérieur de Manchester, se
vante que les faibles salaires contribuent à des économies sur les coûts de
fonctionnement de 30 pour cent comparé à Londres et au Sud-Est de l'Angleterre.
L'afflux d'investissements n'a fait qu'entraîner un niveau
encore plus grand de polarisation sociale. Le rapport du Financial Times
ajoutait, « cependant, 15 pour cent de la force de travail n'a aucune
qualification et le chômage, actuellement à plus de 6 pour cent, augmente plus
vite dans le Nord-Est que partout ailleurs dans le pays. »
D'après le recensement de 2007 des villes manquant le plus
des divers services publics, Manchester est la quatrième ville la plus en
manque d'Angleterre. La majorité de sa population vit dans une zone appartenant
aux 10 pour cent des districts les plus pauvres du pays. Dans une étude de
2007, menée par le Centre pour l'organisation urbaine sur 56 villes, Manchester
a été classée comme la ville la plus inégale, devant Londres. Ce rapport
mesurait des facteurs comme le niveau de revenu, le taux d'emploi, l'éducation,
le niveau de formation, les problèmes de santé, de handicap et le crime. Il
commentait, « à moins d'un mile (1,6 km) de la gare rénovée de Piccadilly à
Manchester, il y a des poches de chômage endémique où le marché de l'immobilier
est décevant. »
Logements sociaux abandonnés dans la zone de West Gorton à Ardwick
Ardwick fait partie du 1 pour cent des zones les plus
pauvres de l'Angleterre, avec un haut niveau de chômage et de pauvreté
infantile, un faible niveau d'éducation, de santé et un grand manque de
services publics. Un rapport du conseil municipal de l'année dernière
indiquait, « Il y a des niveaux très élevés de chômage avec plus de 2800
personnes sans emploi dont près de 1400 touchent soit des indemnités pour
handicap soit des indemnités de chômage. »
Le taux de chômage officiel à Ardwick en avril 2010 était de
6,9 pour cent et de 10,1 pour les hommes. Cependant, la proportion des
"économiquement actifs" sans emploi était de 16,5 pour cent. 13,3
pour cent touchent le revenu minimum.
Beaucoup d'autres ont des emplois au SMIC et certains
gagnent moins que ce minimum. En 2009 une enquête de la BBC avait établi qu'une
usine de vêtements de Ardwick payait certains ouvriers entre 3 et 3,5 livres de
l'heure (3,4 à 4 euros), pour des durées de travail de 12 heures par jour.
Les statistiques officielles révèlent des niveaux de
pauvreté infantile qui donnent le vertige. Le Service des statistiques sur
la pauvreté infantile pour les conseils municipaux a établi en 2007 que 27 des
33 districts de Manchester faisaient partie des 10 pour cent les plus pauvres
d'Angleterre. Vingt districts étudiés dans la région du Grand Manchester
avaient des niveaux de pauvreté infantile de 79 pour cent ou pire. Les quatre
districts de Manchester ayant le niveau le plus élevé de pauvreté infantile
étaient Bradford (99 pour cent), Harpurhey (99 pour cent), Hulme (99 pour cent)
et Ardwick (98 pour cent).
Magasins fermés à West Gordon, Ardwick
En mars 2009, sur les 6665 logements occupés d'Ardwick, 2627
foyers (39,4 pour cent) étaient exemptés de la taxe d'habitation et 2839 (42,6
pour cent) touchaient des aides au logement. Le nombre d'enfants à l'école
primaire recevant les repas gratuits en 2010 était de 50 pour cent. Pour les
enfants au collège, ce nombre est encore pire : 51,8 pour cent.
La réussite scolaire est très faible. Seulement 18,8 des
jeunes en âge d'aller à l'université avaient validé 5 matières nécessaires
(dont les mathématiques et l'Anglais) en 2009. Comparé à un taux déjà faible de
23,9 pour tout Manchester et 49,8 en Angleterre.
Le résultat d'une telle misère sociale sur le niveau général
de santé et l'espérance de vie est sensible. Dans un sondage des résidents en
2007, 25 pour cent des gens d'Ardwick ont déclaré n'être « pas en bonne santé.
»
L'espérance de vie à Ardwick (73,2 ans) est plus faible que
la moyenne de l'Angleterre (79,9 ans) ou de Manchester (76,2 ans).
En raison de l'effondrement de la production industrielle en
Grande-Bretagne, ne nombreuses zones parmi les plus peuplées, y compris
Manchester, son particulièrement dépendantes de l'emploi dans le secteur
public.
Usine désaffectée à Ardwick
La dépendance vis-à-vis des emplois du secteur public à
Ardwick est énorme, avec plus de 50 pour cent des travailleurs employés dans la
santé, le travail social ou l'éducation. De nombreux salariés à Ardwick
travaillent dans le grand complexe hospitalier central de Manchester situé dans
le district et employant 8000 personnes. Les deux principales universités de la
ville, employant plus de 15 000 personnes, sont également situées dans cette
zone et sont d'importants employeurs des résidents de Ardwick.
Une grande partie de ces emplois dans la santé et
l'éducation sont condamnés à disparaître, résultat des coupes budgétaires du
gouvernement conservateur-libéral. L'hôpital réduit ses dépenses de 30 millions
de livres chaque année. On estime que jusqu'à 1400 emplois pourraient être
perdus au cours des quatre prochaines années.
Le conseil municipal de Manchester, depuis longtemps
contrôlé par le Parti travailliste, impose 109 millions de livres de réductions
des dépenses cette année, et ce sera encore plus, 170 millions, en 2012-13.
Ardwick est représenté au conseil municipal par trois conseillers, tous
travaillistes, dont Bernard Priest qui est adjoint aux finances et aux
ressources humaines du maire de Manchester. En raison de la colère générale générée
par ces restrictions, lorsque Priest a fait passer le budget municipal à la
mairie de Manchester, ce fut sous les invectives du public dans les gradins,
avec la police prête à intervenir.
Un ancien supermarché, maintenant à l'abandon
Ardwick n'a que quelques services sociaux de base, aucune bibliothèque,
ni de piscine, d’agence pour l'emploi, ni même un supermarché sur place.
Les restrictions imposées par le conseil municipal vont détruire ce qu'il reste
des services sociaux dans cette zone, et surtout les services aux enfants et
jeunes. Les services de "Sure Start" [sorte de crèche/planning
familial, ndt] sont menacés par ces coupes. Cela inclut un nouveau centre
installé dans un bâtiment où se trouve déjà une école primaire, qui accueille
40 enfants de 6 mois à 5 ans dans sa crèche.
Parmi les autres installations menacées dans le district, il
y a les centres de Bushmoor, Brunswick Church et Daisy Bank.
Le centre Sure Start de Bushmoor à Ardwick
La fermeture du centre de loisirs de Stockport Road à
Ardwick est déjà prévue. Utilisé sept jours sur sept par les habitants, il
offre un grand nombre d'activités, dont le badminton, le basket, le foot à
cinq, le netball et le volley. Le centre pour les jeunes Ardwick A6 dans
Wilson Street est également menacé de fermeture en raison d'une coupe de plus
d'un quart du budget du Manchester Young Lives Charity qui gère le
service.
(Article original paru le 16 avril 2011)
Les candidats du Parti de l'égalité socialiste
à Manchester et Sheffield
Robert
Skelton, 41 ans, né à Manchester et vivant à Ardwick. Aux élections
législatives de 2010, Robert s'était déjà présenté sous la bannière du PES dans
la circonscription de Manchester Central, qui comprend Ardwick. Actif dans
la politique socialiste depuis 1988, il écrit régulièrement pour le World
Socialist Web Site, couvrant les luttes des travailleurs dans toute
l'Europe. Il a été employé dans un centre d'appels, un entrepôt et dans le
support informatique, avant de s'occuper à plein temps d'un proche dépendant.
Simon Walker, 41 ans, né à Sheffield et
vivant à Walkley. Actif dans la politique socialiste depuis 1994, il écrit pour
le World Socialist Web Site sur les questions britanniques et
internationales. Simon a un doctorat en urbanisme obtenu à l'Université de
Sheffield Hallam. Il a enseigné la sociologie et la géographie humaine aux
universités de Leeds, Huddersfield et Sheffield Hallam.