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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le gouvernement allemand cherche à faire interdire le parti néo-fasciste NPD

Par Justus Leicht
19 décembre 2011

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En fin de semaine dernière, le gouvernement allemand a déclaré envisager à nouveau de faire interdire le parti néo-fasciste Nationaldemokratische Partei Deutschlands (Parti national-démocrate d’Allemagne — NPD). Le NPD ne peut être interdit que par la Cour constitutionnelle allemande et cette interdiction doit être requise par le Bundestag (chambre basse du parlement), le Bundesrat (chambre haute) ou le gouvernement fédéral.

Une demande similaire avait échoué en 2003. A l’époque, la Cour constitutionnelle avait classé l’affaire lorsqu’il était devenu évident qu’un grand nombre des fonctionnaires du parti étaient des agents des services de renseignement intérieur infiltrés au sein du NPD. Un grand nombre de propos servant à justifier l’interdiction avaient émané de personnes qui étaient à la solde des services de renseignement. La Cour avait justifié sa décision de prononcer la suspension de la procédure en disant que l’affaire était « une affaire d’Etat. »

Des appels pour l’interdiction du NPD sont toutefois devenus plus véhéments notamment depuis que la série de meurtres commis par le NSU a été découverte. Au moins dix immigrés vivant en Allemagne et une femme policier ont été assassinés au cours d’une période de plusieurs années au vue et au su des agences de sécurité. Le nombre des agents secrets infiltrés qui sont encore actifs au sein de la direction et des adhérents du NPD n’a pas diminué depuis 2003 mais au contraire augmenté pour atteindre 130.

Un grand nombre de personnes sont à juste titre indignées et inquiètes quant à l’ampleur et à la brutalité de cette terreur d’extrême droite. Mais, l’interdiction d’un parti, même d’un parti de droite, entraîne inévitablement une restriction radicale des droits démocratiques. Les agences gouvernementales se sont arrogées le droit de décider quels partis les citoyens peuvent ou ne peuvent pas avoir.

Les juges de la Cour constitutionnelle, non élus par le peuple et sans aucune légitimité démocratique, décideront si un parti est constitutionnel et autorisé ou s’il est inconstitutionnel, donc interdit. Une telle restriction des droits civiques renforce toujours la droite, donc les tendances autoritaires au sein de l’appareil d’Etat.

Heribert Prantl, l’actuel rédacteur en chef pour la politique intérieure du quotidien Süddeutsche Zeitung, est l’un de ceux qui réclame le plus fortement une telle atteinte au droit à la liberté d’expression et d’association. Il reconnaît ouvertement qu’une telle interdiction ne changerait rien au racisme et à la xénophobie. Il n’explique pourtant pas pourquoi le racisme, surtout à l’encontre des Musulmans, est depuis longtemps devenu chose convenable au sein de l’establishment allemand.

Le nom de Thilo Sarrazin – l’ancien ministre social-démocrate des Finances du gouvernement de la ville de Berlin et membre du directoire de la Bundesbank (Banque fédérale) qui a publiquement déclaré que les immigrés musulmans avaient une longue tradition d’unions incestueuses et de déficience intellectuelle d’origine génétique – ne figure pas une seule fois dans les commentaires de Prantl.

En fait, le racisme et le nationalisme, qu’encouragent certaines sections de l’élite dirigeante, et la privation de droits démocratiques comme l’interdiction des partis, sont deux faces d’une même médaille. Le même Etat, qui stigmatise les immigrés et promeut la discrimination à leur égard, est étroitement lié aux organisations droitières par ses agents infiltrés. Celui-ci se sert à présent du NPD pour créer un précédent qui sera ensuite utilisé contre la gauche et les opposants au capitalisme.

C’est là une expérience historique fondamentale que la restriction des droits démocratiques finit toujours par aboutir à un renforcement des sections droitières et conservatrices de la société en affaiblissant la classe ouvrière qui a autant besoin de la liberté et de la démocratie que de l’air pour respirer. L’histoire de la République de Weimar des années 1920 tout comme celle de l’Allemagne d’après-guerre le montre clairement.

Prantl rejette cette expérience historique. Il cite le juriste Hans Kelsen qui, à l’époque de la République de Weimar, mit en avant cette thèse que la démocratie « tolérerait également un mouvement conduisant à la destruction de la démocratie. » L’on doit rester fidèle à son drapeau même si le navire sombre, affirme Kelsen en ajoutant que même dans l’abîme on peut garder l’espoir que « l’idéal de liberté est indestructible et sera à nouveau passionnément ressuscité. »

Pranlt se réfère à cette thèse comme étant celle d’une « démocratie hara-kiri » et loue la constitution allemande qui, affirme-t-il, a renforcé la démocratie au moyen d’interdictions de partis et d’une prétendue défense de la dignité humaine.

La mauvaise foi de ces lignes est immense. La République de Weimar ne s’est pas effondrée parce qu’elle était trop libérale et démocratique ou parce que des libéraux et des gens de gauche bien-pensants ont empêché la répression de tendances antidémocratiques.

En fait, depuis 1922, il existe une soi-disant Loi pour la Défense de la République qui permet l’interdiction et la dissolution d’organisations hostiles à l’Etat et la poursuite judiciaire de propos séditieux. L’évènement déclencheur de l’introduction de cette loi a été l’assassinat du ministre des Affaires étrangères de l’époque, Walther Rathenau, par un membre de l’extrême-droite. L’assassinat avait donné lieu à des manifestations de masse et même à une grève de 24 heures appelée par le Parti social-démocrate (SPD) et le Parti communiste (KPD). Dans un discours célèbre, le chancelier Joseph Wirth (un membre du parti conservateur Deutsche Zentrumspartei (en abrégé, le « Centre » n.d.t.), avait déclaré à l’époque au parlement : « Le voici l’ennemi qui injecte son venin dans les blessures d’un peuple… Et il ne fait pas de doute que cet ennemi est à droite. »

Toutefois, la Loi pour la Défense de la République fut alors utilisée exactement dans le sens contraire car pour les juges, les procureurs, les policiers et une grande partie des élites politiques, militaires et économiques, le principal ennemi se trouvait essentiellement dans le mouvement ouvrier. Les innombrables pogromes, matraquages et meurtres perpétrés par le mouvement nazi grandissant étaient rarement punis et le cas échéant de façon bénigne, alors que les partisans de la gauche et les socialistes dont les propos, impopulaires aux yeux de l’establishment, étaient sanctionnés par des peines de prison.

L’appareil d’Etat qui durant sa lutte contre la classe ouvrière et la démocratie avait contribué à la montée de Hitler – et ce, à l’aide de la loi pour la Défense de la République – a servi son règne de terreur durant 12 ans pour finalement être repris, en grande partie inchangé, par la République fédérale d’Allemagne d’après-guerre.

Là aussi, l’adversaire de l’Etat demeura la classe ouvrière. Dès 1950, le nouveau gouvernement d’Allemagne de l’Ouest s’en prenait avec virulence aux soi-disant « tendances communistes ». En 1952, le gouvernement du chancelier Konrad Adenauer (Union chrétienne démocrate, CDU) demanda l’interdiction du Sozialistische Reichspartei (Parti socialiste du Reich, SRP) d’extrême droite qui fut imposée plus tard cette année. La demande d’interdiction du SRP fut suivie trois jours après à peine par une demande d’interdiction du KPD (Parti communiste). Ici, le processus s’éternisa jusqu’en 1956, lorsque la Cour constitutionnelle se plia à la volonté d’Adenauer.

Cette interdiction légitimait l’emprisonnement, la perte d’emploi et une interdiction de toute activité politique non seulement à l’encontre de milliers de membres effectifs et présumés du KPD mais contre quiconque prenait fait et cause pour une politique marxiste et socialiste. Dans certains cas, les peines de prison étaient imposées par des juges qui avaient fait exactement la même chose sous le régime hitlérien, mais cette fois ils le faisaient officiellement, en faveur d’une « défense de la démocratie. »

L’affirmation de Prantl selon laquelle l’interdiction du KPD fut imposée parce que la « démocratie du début des années 1950 était jeune et inexpérimentée » en Allemagne de l’Ouest est fausse. Ce qui était jeune ou plus exactement, fraîchement rénové, ce n’était que la façade. Derrière elle se trouvait une classe dirigeante très expérimentée et prête à tout pour se dresser contre la classe ouvrière. L’interdiction du SRP nazi ne fut que le prélude pour pouvoir une fois de plus tout mettre en oeuvre contre « l’extrémisme de gauche. »

Les références à la « protection des victimes » et à « l’assèchement de l’environnement intellectuel » ne sont pas des arguments valides pour justifier l’interdiction d’un parti politique. Ce n’est pas la liberté des partis politiques qui a empêché les autorités policières d’arrêter les meurtriers du NSU. Il est à présent bien connu que le groupe terroriste fasciste disposait d’un vaste réseau de partisans dans une mouvance de droite massivement infiltrée et surveillée par la police et les agences de renseignement intérieur. Néanmoins, le groupe fut en mesure de poursuivre ses activités des années durant. A ce jour, il n’est toujours pas clair si et dans quelle mesure les services de sécurité ont eu des liens directs avec les terroristes de droite.

Quant aux pyromanes intellectuels, ils ne se trouvent pas uniquement dans les permanences du NPD. Les procureurs d’Etat ont refusé de poursuivre en justice Thilo Sarrazin – qui suscite l’admiration du NPD – pour incitation à la haine raciale. La chancelière Angela Merkel a déclaré publiquement, « le multiculturalisme a totalement échoué. » Une tribune est également fournie en permanence, même sur les chaînes de la télévision publique, au journaliste Henryk Broder qui a accusé l’Europe de « capituler » devant l’islam et qui a été plusieurs fois cité avec approbation dans le manifeste du terroriste de droite norvégien, Anders Breivik. L’« environnement intellectuel » du racisme méprisant pour le genre humain n’est pas seulement créé par le NPD mais, dans une mesure bien plus dangereuse, par les représentants de l’establishment au sein des médias et de la politique.

De plus, l’insistance constante sur l’existence d’un lien entre le NPD et le NSU et qui sert à présent à justifier l’interdiction de ce parti n’est qu’un prétexte. Conformément aux critères de la Cour constitutionnelle, les actes de violence ne pourraient justifier une interdiction que pour autant qu’il puisse être prouvé que ceux-ci ont été préparés ou planifiés par le parti dans son ensemble et pas « simplement » par des responsables individuels.

L’ancien juge de la Cour constitutionnelle, Siegfried Bross, qui avait été impliqué dans les procédures antérieures engagées à l’encontre du NPD, a même été plus direct. Dans un entretien avec le journal taz, il a dit que la véritable raison de l’interdiction était purement politique : « Selon la Cour constitutionnelle des années 1950, un parti doit être interdit s’il adopte ‘une attitude combative agressive à l’encontre de l’ordre existant’. »

En d’autres termes, il ne s’agit pas de défendre les travailleurs ou les commerçants turcs contre le racisme et la violence – cela ne nécessite pas une interdiction du NPD. Ce qui doit être établi – comme en 1922 et en 1952 – c’est un précédent pour défendre « l’ordre existant » contre « une agitation combative ». L’interdiction du NPD pourrait ainsi rapidement être suivie par l’interdiction d’un parti socialiste.

 (Article original paru le 15 avril 2011)

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