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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Une loi française interdirait la négation du génocide turc des Arméniens

Par F. Dubois
30 décembre 2011

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Le vote par l’Assemblée nationale le 22 décembre d’une loi pénalisant la négation publique du génocide arménien a déclenché une crise diplomatique majeure entre la France et la Turquie. Dans les jours qui ont précédé le vote de la loi, le gouvernement turc s’est efforcé de faire pression pour empêcher ce vote, et a réagi avec véhémence la loi une fois passée.

L’Etat turc, quant à lui, interdit de qualifier de génocide les massacres perpétrés contre les Arméniens sur le territoire de l’ancien empire Ottoman en 1915.

Une enfreinte à la nouvelle loi française est à présent passible d’un an de prison et d’une amende de 45.000 euros.

L’initiative de cette loi revient au gouvernement du président Nicolas Sarkozy. Celui-ci avait publiquement enjoint à la Turquie, lors d’une visite dans la capitale arménienne Erevan, au mois d’octobre, de reconnaître le génocide arménien, le « négationnisme n’étant pas acceptable ». Valérie Boyer, députée UMP d’une circonscription de Marseille à fort pourcentage arménien, avait ensuite introduit le projet de loi au nom du gouvernement.

Une majorité de parlementaires n’a pas assisté à la discussion préalable au vote. La loi n'a finalement été votée que par une cinquantaine de députés sur 577, tant de la majorité que de l’opposition, une dizaine de députés des deux bords votant contre.

Le Parti socialiste et le Parti communiste  ont voté avec le gouvernement en faveur de la loi. Celle-ci reprend une loi très similaire votée par l’Assemblée nationale en 2006, sur initiative du PS. Celle-ci fut finalement rejetée au Sénat en mai 2011, l’UMP et le gouvernement y étant opposés.

Des historiens qui s’étaient déjà opposés à une telle loi, ont de nouveau exprimé leur hostilité à la loi actuelle. Ils s’inquiètent en particulier de ce qu’elle représente une attaque contre la liberté de recherche et la liberté d’expression et ils s’opposent à ce que l’Etat bâillonne ainsi les historiens. L’historien français Pierre Nora qui s’oppose au vote de la loi au nom de la liberté des historiens est cité dans Le Monde.

Cette loi est profondément réactionnaire. Elle permet à l’impérialisme français de s’ériger hypocritement en autorité morale, alors qu’il mène une offensive sanglante dans le monde islamique—avec des guerres en Libye et en Afghanistan, et une intervention en Syrie menée avec les Etats-Unis et la Turquie. Elle facilite également, par le biais d’un pouvoir de censure antidémocratique consenti à l’Etat, la division de la classe ouvrière sur des bases ethniques.

Un des calculs, plus ou moins avoué, de Sarkozy est, dans le cadre de la campagne pour l’élection présidentielle d’avril et mai 2012, de s’attirer le vote arménien.

Sarkozy cherche sa réélection alors que son gouvernement devient de plus en plus impopulaire. Son incapacité d’apporter une quelconque solution à la crise économique et ses attaques à répétition contre le niveau de vie, les emplois et les droits civiques tout comme sa défense des intérêts du capital financier ont provoqué l’hostilité d’une majorité dans le pays. Il est mené dans les sondages par le Parti socialiste et talonné par le Front national néo-fasciste. 

Sarkozy s’est aussi systématiquement opposé à une entrée de la Turquie dans l’Union Européenne. La négation d’un génocide que la nouvelle loi punit et place sur le même plan que la Shoah, constitue un obstacle à une adhésion de la Turquie à l’Union Européenne. 

Comme l’a avoué l’ex-ministre UMP et véhément défenseur de la loi, Patrick Devedjian, « C'est un acte politique : au moment où la Turquie veut entrer dans l'Union européenne, et apparaître comme un pays qui défend les droits de l'homme, cette loi permet de révéler l'attitude de la Turquie sur la scène internationale et montre bien que la Turquie n'est pas le pays des droits de l'homme ».

L’annonce du vote a déclenché une crise diplomatique majeure avec la Turquie. Le gouvernement et les médias turcs ont réagi avec agressivité à l’annonce du vote. Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan a menacé la France de sanctions économiques et politiques, du gel de la coopération militaire et d’isolement diplomatique au Moyen Orient.

L’initiative de Sarkozy a provoqué l’incompréhension et l’ire de nombreux politiciens bourgeois et ce, jusque dans son propre gouvernement. Le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé (UMP) a été cité ainsi par l’hebdomadaire Marianne : « Cette proposition de loi est intellectuellement, économiquement et diplomatiquement une connerie sans nom. On n’a pas à se lancer dans un concours des génocides. Tout ça pour tenter de récupérer les voix des Français d’origine arménienne. C’est ridicule  » !


L’autre candidat UMP à la présidence et rival de Sarkozy au sein du parti gouvernemental, l’ancien premier ministre Dominique de Villepin, a qualifié le vote de la loi d’« erreur »  et lancé l’avertissement, le 25 décembre, sur la station de radio Europe 1: « Soyons prudents. On ouvre des querelles qui nous font régresser et pas progresser ».

Qu’une partie des représentants du grand patronat s’inquiète publiquement n’est pas surprenant. Les cinq dernières années ont vu un net rapprochement avec la Turquie, et un fort développement des investissements français dans ce pays et la Turquie est devenue un important marché d’exportations. La France, qui possède 11.5 milliards d’investissement directs en Turquie, y a exporté pour 6,3 milliards d’euros, et a acheté pour 5,4 milliards d’euros d’importations en 2010.

Les constructeurs automobiles français contrôlent un cinquième du marché turc, et les banques françaises y ont de forts intérêts.

Alors que l’impérialisme français intervient en Syrie—où il dépend en partie de la Turquie pour y arriver—l’initiative de Sarkozy semble très mal venue à d’importantes parties de la bourgeoisie française.

La France a établi une collaboration étroite avec la Turquie pour intervenir dans la guerre civile qui prend de l’ampleur entre le régime alaouite d’Assad et le Conseil national syrien et l’Armée syrienne libre. Une intervention de l’impérialisme en Syrie est à voir dans le contexte plus large d’un affrontement politique et potentiellement militaire avec l’Iran.

Des revendications de plus en plus pressantes de la part de puissances impérialistes, y compris la France, se font entendre pour une intervention militaire en Syrie. Il y a quelques jours, Bernard Valero, porte parole du ministère des Affaires étrangères a appelé le Conseil de sécurité des Nations unies à voter une « résolution ferme qui exige la fin de la répression ».

Selon l’hebdomadaire Le Canard Enchaîné, et le quotidien turc Milliyet, l’Armée syrienne libre est entraînée par des militaires britanniques et des agents des services de renseignements français. L’ASL appelle depuis plusieurs semaines à des « frappes aériennes étrangères  (Le Monde 24 novembre). La France s’est engagée aux côtés de la Turquie  pour l’établissement d’une « zone tampon » entre la Turquie et la Syrie.

Le Sénat français doit à présent examiner la proposition de loi voté par l’Assemblée. Le sénateur UMP Roger Karoutchi a indiqué hier qu’elle n’était toujours pas inscrite à l’ordre du jour du Sénat, ajoutant qu’elle le rendait « mal à l’aise ». Selon Karoutchi, le Sénat pourrait décider d'inscrire la proposition de loi à l’ordre du jour le 10 janvier, auquel cas le Sénat l’examinerait au mois de février.

Zeynep Necipoglu de la Chambre de commerce française en Turquie (CCFT) a annoncé que la CCFT engagerait « une action déterminée auprès des sénateurs afin de les sensibiliser … aux importants dommages que (cette initiative) est susceptible de provoquer ». Selon elle, ceci pourrait permettre à la classe politique française d’ « agir pour que la proposition de loi puisse être rejetée par le Sénat ».

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