Le président américain Barack Obama a organisé mardi 20
décembre une cérémonie à la base aérienne d’Andrews dans l’Etat du Maryland
pour marquer la fin de la guerre en Irak et le retour du commandant des forces américaines
en Irak, le général Lloyd Austin. Ce dernier a déclaré, le président américain
approuvant de la tête, « Ce que nos troupes ont réalisé en Irak durant
près de neuf ans est vraiment remarquable. En collaboration avec nos partenaires
de la coalition et une équipe de civils dévoués, elles ont écarté un dictateur
brutal et donné la liberté au peuple irakien. »
Le maréchal Göring n’aurait pu mieux dire en parlant de
la « libération » de la Pologne.
Le départ des dernières troupes de « combat »
d’Irak ne marque en aucune manière la fin de l’intervention des
Etats-Unis dans ce pays. Il offre, toutefois, l’occasion d’évaluer
l’un des plus grands crimes de l’ère moderne. Quelles que soient
les invocations nauséabondes et hypocrites du « succès » et de la
« liberté », la guerre et l’occupation ont été une catastrophe
pour le peuple irakien et une tragédie pour la population des Etats-Unis.
Les statistiques donnent une idée de l’ampleur de la
destruction infligée par l’armée américaine :
• Selon des évaluations scientifiques réalisées en 2007,
plus d’un million d’Irakiens ont été tués du fait de
l’invasion et de l’occupation. Les Nations unies ont estimé
qu’en 2008, 4,7 millions de personnes, ou près de 16 pour cent de la
population, avaient été transformés en refugiés.
• L’infrastructure du pays, dont le réseau électrique, a été
dévastée. Selon le rapport 2010-2011 de la publication des Nations unies, State of the World’s Cities, le pourcentage de la population urbaine irakienne
vivant dans des bidonvilles, comme défini par le manque d’accès aux
nécessités de base comme le système sanitaire et l’eau, est passé de
moins 20 pour cent en 2003 à 53 pour cent en 2010.
• Le chômage réel est de l’ordre de 50 pour cent
et l’inflation dépasse 50 pour cent. Il y a un exode en masse des
médecins et d’autres professionnels (évalué à 40 pour cent par rapport à
ceux qui se trouvaient dans le pays avant la guerre) et le système
d’éducation est en ruine.
• L’Irak a connu une augmentation vertigineuse de
la mortalité infantile. Un rapport de 2007 évalue que 28 pour cent des enfants
souffraient de malnutrition chronique. Une agence gouvernementale irakienne a
rapporté que 35 pour cent des enfants irakiens étaient orphelins en 2007
(environ 5 millions d’enfants). Une génération entière a vu ses parents
tués ou disparus.
• Plus de 4.500 soldats américains ont été tués au cours
de la guerre et de l’occupation et plus de 30.000 ont été blessés. Ceci
n’inclut pas les dizaines de milliers de soldats qui quittent
l’Irak souffrant d’un traumatisme psychologique sévère.
• En termes de ressources, les guerres en Irak, en
Afghanistan et au Pakistan sont estimées avoir coûté quelque 4 milliers de
milliards de dollars, y compris les dépenses directes et l’impact à long
terme sur la santé et la croissance économique. Des centaines de milliards ont
été acheminés vers des entreprises sous-traitantes du secteur de la défense et vers
des profiteurs et, au moins 16 milliards de dollars ont tout simplement été
perdus ou volés.
La guerre en Irak a été une entreprise criminelle dans le sens
le plus profond du terme. Elle fut ‘vendue’ sur la base de
mensonges racontés effrontément à un public international au sujet « d’armes
de destruction massive ». Cela a été une guerre d’agression lancée
sans la moindre provocation et en dépit d’une opposition de masse aux
Etats-Unis et partout dans le monde. Elle a été un exercice de banditisme
international destiné à prendre le contrôle de l’un des pays du monde le
plus riche en pétrole au profit de compagnies pétrolières américaines tout en
renforçant la position des Etats-Unis au Moyen-Orient et en augmentant son
poids face à ses rivales parmi les grandes puissances.
Toutes les atrocités pour lesquelles on se souviendra de la
guerre en Irak découlent du caractère impérialiste de cette guerre :
l’emprisonnement de masse et la torture d’Irakiens à Abou Ghraib et
dans d’autres prisons ; la démolition de Fallujah ; le massacre
de 24 civils à Haditha ; le viol et le meurtre d’une jeune fille de
14 ans et le massacre de sa famille à Mahmudiyah ; les meurtres routiniers
aux points de contrôle, lors de rafles nocturnes et suite aux bombes larguées d’avions
de chasse et aux missiles tirés et par des hélicoptères de combat.
La terrible confrontation de l’Irak avec l’impérialisme
américain est loin d’être terminée. L’ambassade des Etats-Unis en
Irak, la plus grande du monde, héberge 15.000 personnes. Les responsables de la
CIA et les mercenaires privés – qui ont joué un rôle majeur dans
l’occupation – resteront dans le pays. Des dizaines de milliers de
troupes américaines se trouvent encore dans la région, prêtes à être déployées
en cas de besoin.
Près de neuf ans après l’invasion, l’Irak est un
pays dirigé par un régime instable et de plus en plus autoritaire, et miné par
les luttes factionnelles qui menacent de dégénérer en une guerre civile
ouverte.
La guerre a aussi laissé ses marques dans la société
américaine et pas seulement en termes de dizaines de milliers de personnes
tuées ou blessées et de milliers de milliards de dollars gaspillés. La guerre a
joué un rôle non négligeable dans le pouvoir grandissant que l’armée
exerce sur la vie politique et dans le développement de l’appareil
militaro policier ; celui-ci représente un danger mortel pour les droits
démocratiques du peuple américain.
Alors que la guerre a été lancée et menée par le gouvernement
Bush, le rôle central pour frustrer et détourner l’attention de
l’opposition fut joué par le Parti démocrate et ses partisans de
« gauche ». A la veille de l’invasion, les Etats-Unis avaient
connu les plus importantes protestations anti-guerre depuis la guerre du
Vietnam, des centaines de milliers d’Américains se joignant aux millions
de personnes de par le monde qui s’opposaient à l’horreur
imminente.
Les tentatives répétées du peuple américain de mettre un terme
à la guerre furent bloquées par le Parti démocrate et culminèrent dans
l’élection d’Obama en 2008. Sa victoire était due en grande partie
au sentiment anti-guerre de masse auquel le candidat Obama avait cyniquement fait
appel.
Les groupes officiels « anti-guerre », après avoir
miné l’opposition organisée contre la guerre en la canalisant derrière la
campagne électorale des Démocrates en 2004 et en 2006, ont profité de la
victoire d’Obama pour mettre fin au mouvement de protestation. Toutefois,
loin de représenter une rupture avec la politique de Bush, le gouvernement
Obama l’a poursuivie dans les grandes lignes. Non seulement Obama a
maintenu l’occupation de l’Irak et de l’Afghanistan, il a encore
étendu la guerre au Pakistan et lancé une nouvelle guerre dans un autre pays
riche en pétrole, la Libye.
Les mêmes organisations qui avaient proclamé leur opposition à
la guerre en Irak ont soutenu l’invasion de la Libye. Ces organisations
et publications de la classe moyenne telles le magazine Nation ont
profité de l’élection d’Obama pour faire la paix avec
l’impérialisme.
Le retrait des troupes de combat d’Irak est le prélude à
de nouvelles guerres plus sanglantes encore. La crise capitaliste est entrée
dans une nouvelle phase qui entraîne des tensions grandissantes entre les principales
puissances. Des sections de la classe dirigeante aux Etats-Unis avaient
considéré l’occupation comme une initiative mal inspirée en détournant
les ressources et l’attention de menaces plus importantes émanant de
puissances régionales telles que l’Iran et des puissances mondiales
montantes tellesque la Chine.
La classe dirigeante américaine agira de manière tout aussi
impitoyable en attaquant les emplois et les programmes sociaux des travailleurs
à l’intérieur du pays qu’elle le fera internationalement pour faire
valoir ses intérêts.
Aux Etats-Unis, l’énorme réservoir de sentiment
anti-guerre devra à nouveau s’exprimer comme partie intégrante d’un
mouvement social et politique de la classe ouvrière contre le système
capitaliste.