Le Parti de l'égalité socialiste et l'IEES tiennent
conférence en Australie
Par notre correspondant
14 février 2011
La conférence tenue du 19 au 23 janvier à Sydney par le
Parti de l'égalité socialiste (PES - Australie) et l'Internationale
étudiante pour l'égalité sociale (IEES) a évalué l'aggravation de la crise
du capitalisme mondiale marquée par la montée des tensions géostratégiques
entre les grandes puissances et la montée des tensions de classes dans tous
les pays. Durant cet événement de cinq jours, l’accent a été placé sur les
implications révolutionnaires de la montée économique de l'Asie, et du
conflit entre Washington et Pékin.
Les membres du PES et de l'IEES en Australie, ainsi que des
délégations des sections du Comité International de la Quatrième
Internationale (CIQI) d'Europe, d'Amérique du Nord et du Sri Lanka, ont
participé à la conférence. Était également présent un contingent
significatif de sympathisants du CIQI venus de Nouvelle Zélande, des
Philippines, et de la Coré du Sud. Plusieurs rapports ont été donnés, suivis
de périodes de questions et de discussion.
Nick Beams, secrétaire national du PES, a donné le rapport
d'ouverture. Au cours de sa présentation exhaustive, Beams a expliqué que la
crise provoquée par le crash financier de 2007-2008 marque un tournant
fondamental dans ce que Léon Trotsky appelait la courbe de développement du
capitalisme.
«Trotsky a introduit ce concept au troisième congrès de
l'Internationale communiste en juin 1921 pour permettre de faire la
distinction entre les hauts et les bas du cycle d'affaires du capitalisme,
et les phases plus longues de développement du capitalisme qui peuvent
s'étendre sur plusieurs années et même plusieurs décennies. Cela aidait à se
concentrer avec plus de précision sur les tâches et perspectives du
parti...»
«Ce n'était pas difficile à démontrer», a expliqué Beams,
«que la transition d'une époque à l'autre, disons du boom au déclin ou
vice-versa, "provoque les plus grandes perturbations historiques", et que,
"dans bien des cas, guerres et révolutions se chevauchent aux frontières des
deux différentes époques de développement économique, c’est-à-dire à la
jonction des deux différents segments de la courbe capitaliste".
Aujourd'hui, nous sommes précisément à un tel tournant historique décisif où
les plus grandes perturbations historiques – luttes sociales et luttes de
classes, conflits politiques, guerres et révolutions – sont soit sur le
point de faire éruption ou les conditions y menant sont en gestation, et
nous devons nous y préparer en conséquence.»
Beams a évalué les derniers indices de l'effondrement du
capitalisme, s'attardant sur la crise économique telle qu'elle s'exprime aux
Etats-Unis, en Europe, et en Chine.
«Notre analyse a établi que le prochain grand pas dans le
développement du mouvement ouvrier devra nécessairement prendre la forme
d'une rébellion contre les organisations ossifiées du passé», a-t-il
insisté. «L'une des tâches cruciales de notre parti est de préparer cette
rébellion et de la diriger politiquement... Les développements politiques
trainent derrière les processus objectifs technologiques, économiques et
sociaux. Mais nous pouvons et devons anticiper que lorsque les
développements et les luttes politiques commencent, ils auront un caractère
combiné. Ce qui veut dire qu'ils ne passeront pas par une série d'étapes
prédéterminées, mais seront très rapidement confrontés à des tâches
décisives. Comme l'a appris à ses dépens le président tunisien, on peut être
en contrôle un jour et le lendemain être forcé de déguerpir. Mais pour la
classe ouvrière et les masses, de tels développements ne sont que le point
de départ – le début d'une nouvelle période de lutte qui doit soit se
conclure par le renversement complet de l'ordre ancien ou l'arrivée d'une
nouvelle forme d'oppression. La question de la direction est ici une
question décisive. La situation en Tunisie est l'expression initiale des
questions politiques complexes que la classe ouvrière aura à résoudre
partout.»
David North, secrétaire national du PES aux Etats-Unis et
président du comité de rédaction international du World Socialist Web Site,
a présenté un rapport détaillé en deux parties: «Retour sur la première
décennie du 21me siècle», qui a analysé les principales expériences
stratégiques de la classe ouvrière internationale au cours des dix dernières
années, et «Polarisation de la société américaine», qui a examiné les
implications politiques de l'énorme gouffre social et politique séparant la
vaste majorité de la population américaine d’une mince couche super-riche de
l'élite.
North a commencé par rappeler la couverture médiatique
soporifique à propos de la nouvelle période de paix et de prospérité du
début de la décennie. Il a ensuite présenté une description détaillée de
l'extraordinaire période de dix ans qui a suivi, marquée par la criminalité
politique, la guerre et le militarisme, la réaction sociale, les attaques
contre les droits démocratiques et la montée des inégalités sociales.
Résumant la décennie, North a cité l'évaluation faite par Karl Marx de la
période ayant suivi les révolutions de 1848 qui balayèrent l'Europe: «En
politique l'adoration du sabre; en morale, la corruption généralisée et un
retour explosif vers l'hypocrisie superstitieuse; en économie politique, la
manie de s'enrichir sans les efforts de la production – telles ont été les
tendances manifestées par la société [bourgeoise] durant son orgie
contre-révolutionnaire...»
Dans la deuxième partie de sa présentation, North s’est
concentré sur les changements dans les rapports de classe aux Etats-Unis de
1945 à la fin des années 70, et de la fin des années 70 à 2011. Il a
expliqué que durant la période d'expansion économique d'après guerre,
l'augmentation du revenu national était répartie de façon relativement
égale. Entre 1947 et 1979, par exemple, le revenu familial réel a augmenté
de 116 pourcent pour le 20 pourcent le plus pauvre de la société, alors
qu'il n'a augmenté que de 99 pourcent pour le 20 pourcent le plus riche.
Cependant, durant les trente dernières années la croissance des inégalités
sociales a atteint des proportions sans précédent. North a présenté une
série de graphiques et de statistiques soulignant les différents indices de
cette polarisation de classe. Alors que le salaire des travailleurs stagne
depuis les années 1970, la part du revenu des super-riches a atteint un
niveau jamais vu depuis la fin des années 1920. North a insisté sur le
niveau qu'a atteint la concentration des richesses tout au sommet, non
seulement pour le 1 pourcent le plus riche de la population, mais encore
plus pour le 0,1 et le 0,01 pourcent le plus riche.
Avec la série de statistiques et de graphiques, North a
illustré le déclin de la position sociale de la classe ouvrière américaine,
y compris la montée du chômage de longue durée, la diminution du salaire
minimum, l'augmentation de la pauvreté, et l'accélération du coût de
l'éducation et des services de santé. Il a souligné l'absence quasi complète
de grèves, et a expliqué que les syndicats avaient joué le rôle central dans
la suppression de la lutte des classes. North a poursuivi en expliquant que
l'absence de mouvements sociaux à grande échelle durant les trois dernières
décennies est une aberration dans la longue histoire de vives luttes de
classe des Etats-Unis, et a clairement fait comprendre que des soulèvements
sociaux sans précédent allaient émerger prochainement.
En conclusion de son rapport inspirant, North a cité
Trotsky: «La tâche stratégique consiste à aider les masses, à adapter leur
mentalité politique et psychologique à la situation objective, à surmonter
les préjugés traditionnels des travailleurs américains, et à adapter [leur
mentalité] à la situation objective de la crise sociale de tout le système.»
Le lendemain, Peter Schwarz, membre dirigeant du Partei für
Soziale Gleichheit (Parti de l’égalité socialiste - Allemagne) et secrétaire
du CIQI, a donné un rapport intitulé « La crise du capitalisme européen et
la perspective des Etats Unis socialistes d'Europe». Schwarz a présenté avec
beaucoup de détails l'énorme déséquilibre économique au sein de l'Union
européenne et la réapparition de conflits acrimonieux entre les élites
dirigeantes nationales rivales qui menacent la survie de l’UE et de la
monnaie européenne, l'euro. Ces développements soulignent l'incapacité de la
bourgeoisie européenne d'unir politiquement le continent sur une base
progressiste.
Schwarz a passé également en revue les mesures d'austérité
imposées à travers le continent et la montée de la résistance de la classe
ouvrière. «La crise actuelle a, bien entendu, de profondes racines
économiques», a-t-il expliqué. «Ce serait une erreur, cependant, de
considérer l'évolution et le développement de la crise actuelle comme étant
seulement le résultat automatique de l'opération de lois économiques
aveugles. Les lois de l'économie ne s'articulent pas indépendamment des
classes sociales et des intérêts sociaux. Elles sont le résultat de la
confrontation continue des forces sociales vives... La présente crise – le
cycle à la hausse des taux d'intérêts, l'aggravation de la crise de
l'endettement et les budgets d'austérité – est la forme économique d'un
processus essentiellement social: l'assaut sans relâche mené par
l'aristocratie financière internationale contre le niveau de vie et les
conquêtes sociales passées de la classe ouvrière.»
Schwarz a présenté la seule alternative viable – une lutte
unifiée de la classe ouvrière pour les Etats-Unis socialistes d'Europe en
tant qu'élément de la lutte pour le socialisme mondial.
Après Schwarz, le correspondant du WSWS John Chan a fait une
présentation exhaustive sur «La montée de la Chine et ses contradictions
explosives». Il a examiné plusieurs aspects de la transformation de la
situation internationale produite par la montée de l'influence économique et
stratégique globale de Pékin et sa rivalité de plus en plus féroce à l'égard
des Etats-Unis et de ses autres compétiteurs. Les dépenses militaires de la
Chine ont été multipliées par 5 au cours de la dernière décennie, a expliqué
Chan, et en 2009 elle est devenue pour la première fois un exportateur net
d'investissements directs étrangers. La Chine fait maintenant partie des
quelques pays avec un flux sortant de tels investissements qui s’élève à
plus de 100 milliards $. Le conférencier a fourni des détails sur la vaste
expansion de la classe ouvrière chinoise, citant l'exemple de Foxcomm qui
planifie accroître sa force de travail à 1,3 millions, ce qui en ferait le
plus important employeur privé de tous les temps.
La conférence de Chan était une importante introduction à la
seconde moitié de la conférence, qui s’est concentrée sur les implications
de la montée de la Chine et du déclin historique du capitalisme américain
pour différentes parties de l'Asie orientale.
Keith Jones, secrétaire national du Parti de l'égalité
socialiste du Canada, a parlé de «la poudrière sud-asiatique». Il a souligné
que bien qu’ayant enregistré une croissance économique record de plus de 9
pourcent dans les dernières années, l'Inde demeure caractérisée par des
retards immenses. La montée en puissance de l'Inde sur la scène mondiale ne
fait qu'accentuer les tensions internes. Jones a également examiné la crise
des partis staliniens. Ces derniers ont été, avec le parti du Congrès,
a-t-il expliqué, les plus loyaux représentants des «intérêts nationaux»
c’est-à-dire des intérêts de la bourgeoisie indienne. Maintenant, cependant,
ils perdent des postes dans les Etats du Kerala et du Bengale-occidental
après avoir orchestré une série d'attaques brutales contre la classe
ouvrière et la paysannerie.
Jones a conclu son rapport en explorant la signification
historique de la récente déclaration en appui au CIQI produite par le groupe
pakistanais Voix marxiste (