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  WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le premier ministre britannique attise les sentiments anti-musulmans

Par Julie Hyland
12 février 2011
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Le premier ministre britannique David Cameron s’est servi de son discours prononcé le week-end dernier à Munich en Allemagne devant la conférence sur la sécurité pour réclamer un « changement radical » (« sea-change ») dans la lutte contre le terrorisme « fait maison » (« home-grown ») en Grande-Bretagne.

Les remarques du dirigeant Tory sont profondément antidémocratiques. Elles signalent qu’il a l’intention de se joindre à la campagne droitière anti-musulmans qui est menée par l’ensemble des gouvernements d’Europe dans une tentative de diviser la classe ouvrière face à la dévastation sociale à la guerre impérialiste.

Les expériences de la Grande-Bretagne, a dit Cameron devant la conférence, montrent que « l’Europe doit se réveiller et regarder ce qui se passe au sein de nos propres pays » – en particulier que la « plus grande menace » ce sont « les attaques terroristes dont certaines sont malheureusement perpétrées par nos propres concitoyens. » Cameron a dit que la menace venait « en grande majorité de jeunes gens qui s’adonnaient à un Islam totalement pervers faussement interprété. »

Les causes premières d’un tel soutien, a-t-il dit, n’étaient ni l’exclusion sociale ni l’hostilité envers « la politique étrangère occidentale. » C’était le résultat du « multiculturalisme d’Etat » qui avait « encouragé différentes cultures à vivre isolées les unes des autres et à l’écart des idées dominantes. » Il a exigé que « l’identité soit renforcée à l’intérieur du pays…Franchement, nous avons bien moins besoin de cette tolérance passive de ces dernières années et bien plus de libéralisme, actif et musclé. »

La référence faite par Cameron à la « tolérance passive de ces dernières années » ne pourrait être plus cynique. Durant les 13 années de son gouvernement, le Parti travailliste (Labour) a mené des guerres en Sierra Léone, dans l’ancienne Yougoslavie, en Afghanistan et en Irak. Toutes ont été menées sous le prétexte de ce qui avait été présenté à l’origine comme une « politique étrangère éthique », puis, de façon plus explicite, comme un « interventionnisme libéral » –en invoquant précisément de manière hypocrite les « valeurs occidentales » auxquelles Cameron recourt à présent.

Sous le prétexte d’accompagner « la guerre contre le terrorisme, » le gouvernement travailliste a introduit des restrictions draconiennes sur les libertés civiles. Ciblant les Musulmans en particulier, ces mesures comprennent l’imposition de mesures de contrôle (assignation à domicile effective) à l’encontre de gens qui n’ont jamais été accusés d’aucun délit. Une grande partie de cette politique a été poursuivie sans grand changement par l’actuelle coalition gouvernementale entre les conservateurs Tory et les Libéraux démocrates.

Cameron a qualifié de vision extrémiste une « hostilité envers la démocratie occidentale et ses valeurs libérales » – comme si la conduite des gouvernements britanniques successifs à l’intérieur et à l’extérieur du pays n’avait pas dégoûté des millions de personnes de leurs invocations creuses de la démocratie et de la liberté. En effet, le discours de Cameron a foulé au pied de tels principes.

Il a jeté les bases pour imposer un test décisif aux organisations politiques ; dorénavant, a-t-il dit, les subventions gouvernementales et la collaboration avec les groupes musulmans seront déterminées par la question de savoir si oui ou non ils respectent les « valeurs libérales ». Ceux qui échouent devraient se voir refuser l'accès aux institutions financées publiquement, dont les universités.

En premier lieu, la conception de Cameron du « libéralisme musclé » – qu’il oppose à une société fondée sur la « tolérance passive, » où l’Etat « dit à ses citoyens, tant que vous obéissez à la loi, nous vous laisserons tranquilles » – est l'antithèse d'une démocratie authentique.

Cameron avance la conception que les citoyens doivent non seulement faire ce qu’on leur dit, mais croire en ce qui leur est dit. L’Etat, comme il l’a formulé, doit « promouvoir activement…certaines valeurs » définissant la Grande-Bretagne « comme une société : être à sa place ici signifie croire en ces choses. » Autrement dit, le 10 Downing Street [résidence du premier ministre] doit avoir le droit de dire ce qui constitue un crime de la pensée.

La « laïcité » et les « valeurs libérales » sont utilisées comme le mantra avec lequel les gouvernements partout en Europe cherchent à attiser la xénophobie et à justifier des mesures d’Etat policier.

En cela, l’islamophobie joue un rôle identique en Europe à celui joué par l’antisémitisme durant les premières années du 20ème siècle. Elle fournit une cible approuvée par l’Etat pour la haine et la paranoïa tout en permettant à l’élite dirigeante de poursuivre ses guerres et sa politique financière, au moment où elle s’apprête à criminaliser l’opposition politique ou les croyances religieuses.

La France, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas, l’Autriche et la Suisse ont tous soit adopté une loi interdisant le port du voile en public, soit sont en train de le faire. En effet, la chancelière Angela Merkel a anticipé en octobre dernier les remarques de Cameron lorsqu’elle a déclaré que les efforts entrepris pour ériger une société multiculturelle en Allemagne avait « totalement échoué» et qu'il était nécessaire que les immigrés en fasse plus pour s’intégrer.

La classe dirigeante est tout particulièrement soucieuse de préparer de telles démarches dans une situation où elle mène une attaque sans précédent contre la classe ouvrière. Après avoir mis des milliards d’euros à la disposition des banques pour leur renflouement partout sur le continent et pour soutenir la monnaie commune, les gouvernements européens font payer à la classe ouvrière la facture en imposant des coupes drastiques dans les dépenses publiques, en réduisant les salaires et en licenciant des millions de travailleurs.

Le gouvernement de coalition de Grande-Bretagne qui est déterminé à appliquer les mesures d’austérité les plus dures depuis les années 1930, sait que cela va provoquer une opposition massive. La culture de la xénophobie est destinée à étouffer une telle opposition en divisant les travailleurs au travers de lignes raciales, religieuses et nationales. A cet égard, les dirigeants britanniques n’ont pas besoin de recevoir de leçons de l’Europe. A la manière du discours d’Enoch Powell « Des fleuves de sang » (« Rivers of Blood ») prononcé en 1968, Cameron cherche dans l’arsenal du Parti Tory une vieille arme fiable.

Ce n’est pas qu’une simple coïncidence que le discours de Cameron cadre avec la toute première manifestation organisée par la Ligue de défense anglaise (English Defence League, EDL) qui a rassemblé 3.000 personnes. L’EDL se donne l’allure d’un courant issu de la « base » et érigé contre la menace de l’extrémisme islamique et de ses conséquences pour les « valeurs démocratiques » de la Grande-Bretagne. En vérité, elle se compose principalement de « football hooligans » et de fascistes ayant des liens avec l’extrême droite partout en Europe et qui ont contribué à mener la propagande anti-musulmans.

C’est le rebut du genre humain que la bourgeoisie encourage en consacrant les premières pages des journaux à leur manifestation et en invitant leur porte-parole à l’émission « Newsnight » de la BBC.

L’élite dirigeante peut aussi compter sur le soutien des anciens de « gauche » et des libéraux passés défenseurs des guerres d’agression néocoloniales, tel Nick Cohen. Il était l’un des responsables du « Manifeste de Euston » qui avait défendu l’invasion américaine de l’Irak au motif de promouvoir les « valeurs occidentales » par un changement de régime. Ecrivant dans le Guardian, Cohen a félicité Cameron d'être « prêt à prendre fait et cause pour des principes élémentaires » dans son discours « quasiment parfait. »

Les déclarations de Cohen indiquent le deuxième objectif qui se trouve dans les remarques de Cameron: la légitimation de nouvelles guerres. Tout comme Tony Blair avait justifié l’invasion illégale de l’Irak comme étant une « guerre pour la démocratie », Cameron prépare le terrain pour de nouvelles interventions encore plus sanglantes au Moyen Orient, dans le Caucase et en Afrique.

L’élite dirigeante de Grande-Bretagne, comme d’ailleurs, est ébranlée par les soulèvements populaires de masse en Egypte, en Tunisie et partout dans la région contre les régimes militaires autoritaires sur lesquels l’impérialisme a compté pendant des décennies pour réprimer la population. De plus, elle considère avec inquiétude le soutien des travailleurs pour la lutte des masses égyptiennes et tunisiennes – craignant à juste titre qu’elle annonce une lutte unifiée de la classe ouvrière internationale contre l’impérialisme et le système de profit capitaliste.

Le virage à droite de la bourgeoisie européenne et la description de l’« extrémisme islamique » comme étant « la plus grande menace pour notre sécurité » sont conçus comme une frappe préventive contre un tel développement.

(Article original paru le 9 février 2011)

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