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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Brassage médiatique autour de l’élection de Marine Le Pen à la tête du Front National

Par Olivier Laurent et Alex Lantier
01 février 2011
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Marine Le Pen, fille de Jean-Marie Le Pen--le fondateur du Front national (FN) d'extrême-droite— a été élue présidente du parti le 16 janvier dernier, obtenant les deux tiers des suffrages exprimés par les adhérents. Cette dernière élection et le discours d'investiture ont fait l'objet d'une couverture médiatique sans précédent pour l'extrême droite française, avec notamment la retransmission en direct du discours sur les chaînes d'information.

La place accordée au FN dans les grands médias français a commencé à s'accroître après la défaite du mouvement de grèves d’octobre 2010 contre la réforme des retraites. Celles-ci ont été trahies par les syndicats et des partis de « gauche », qui ont négocié la réforme avec le président Nicolas Sarkozy.

La perspective de pouvoir passer des accords avec l'UMP aurait décidé la majorité des membres du FN à privilégier la "jeune" Marine Le Pen face à son rival Bruno Gollnisch. Cet espoir est partagé par une partie de la droite « républicaine » : après les élections régionales de mars 2010, Thierry Mariani, député UMP du Vaucluse, déclarait que l'électorat de droite était « toujours en attente en matière d'immigration, de sécurité et de patriotisme ». D'après un sondage récent, 40 pour cent des sympathisants de l'UMP seraient favorables à une alliance avec le FN.

Le programme de ce parti reste aussi chauvin et violent que par le passé. Dans un chat avec Le Monde, Marine Le Pen a soutenu la récente loi restreignant la liberté de la presse en Hongrie et la « préférence nationale » dans les services sociaux—le principe de refuser des services sociaux aux immigrés. Elle a refusé de se démarquer de l’antisémitisme notoire de son père, qui a maintes fois nié le génocide des juifs pendant la Deuxième guerre mondiale, prétendant qu’elle n’avait aucune indication que son père soit antisémite.

Mais Marine Le Pen a su profiter d'un mouvement général de toute la classe politique française vers la droite pour présenter un profil rajeuni que véhiculent les grands médias et les personnalités politiques bourgeoises. Ségolène Royal, ex-candidate du PS à l'élection présidentielle de 2007, explique avec une pointe de respect que Marine Le Pen « a éliminé toutes les caricatures de son père […] C'est une candidate plus crédible, plus dangereuse […] dans sa force de conviction. »

Marine Le Pen a aussi tenté de s’associer au populisme nationaliste de Jean-Luc Mélenchon, du Parti de Gauche (PG), allié au Parti Communiste Français (PCF) dans le Front de Gauche. Elle a commenté : « M. Mélenchon, dont je rappelle qu’il a été vingt et un ans au Parti socialiste, a découvert récemment les ravages de la mondialisation. Je me félicite de cet éclair tardif de lucidité. Nous pouvons donc, sur un certain nombre de sujets, partager un même constat ».

Un sondage récent évalue le score de Marine Le Pen à la prochaine élection présidentielle de 2012 à 16,5 pour cent (Institut français d'opinion publique). Ceci pourrait lui permettre d'accéder au second tour, comme son père l’avait fait en 2002, provoquant une crise politique et de larges manifestations. Ces scores restent cependant inférieurs au cumul des voix d'extrême-droite en 2002—16,86 pour cent pour Jean-Marie Le Pen et 2,34 pour cent pour Bruno Mégret, soit 19,2 pour cent au total.

L'augmentation des intentions de vote pour le FN ne signifie pas qu'il y ait un véritable soutien populaire pour son programme politique. C'est le virage à droite que la classe politique française dans son ensemble a entrepris qui a créé l’atmosphère politique malsaine, dans laquelle Marine Le Pen peut tenter de « rajeunir » le néo-fascisme.

Ce que les commentateurs français appellent le "spectre du 21 avril 2002" est un moyen de taire un fait indéniable : la présence du FN au second tour de cette élection ne fut pas simplement le résultat de la multiplication des candidats (ils étaient 15). C’était la désillusion envers le gouvernement PS-PCF-Verts dirigé par Lionel Jospin. En 5 ans de pouvoir, celui-ci avait engagé des réformes libérales et de privatisation des services publics, il avait déclaré qu'il "n'y pouvait rien" quand des entreprises licenciaient en masse après avoir fait des bénéfices records. Jospin avait aussi envoyé des troupes françaises participer à l'invasion de l'Afghanistan commencée en 2001.

En tentant de canaliser le mécontentement social en favorisant la montée du FN, les médias reprennent une stratégie inventée par le PS sous la présidence de François Mitterrand. Celui-ci avait demandé à la télévision publique que Jean-Marie Le Pen soit plus médiatisé, pour semer la dissension à droite. A l’époque, Mitterrand entamait la liquidation de larges sections du tissu industriel en France—dans les secteurs minier, sidérurgique, et automobile—notamment dans le Nord et dans l’Est. C’est à cette époque que le FN, fondé en 1973, avait commencé à percer dans les sondages.

La percée actuelle de Marine Le Pen se situe avant tout dans le contexte du début de la quatrième année d’une crise économique mondiale déclenchée par les faillites sur Wall Street en 2008. Depuis lors, les gouvernements européens—de droite en Allemagne et en France, ou social-démocrates en Espagne, ou en Grèce—mènent de dures attaques sociales contre les travailleurs.

Toutes les luttes sociales ont été trahies et sabotées par des forces se réclamant de la « gauche ». Les syndicats et leurs défenseurs politiques—comme le PCF ou le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) en France—insistent pour dire que la seule perspective possible est de négocier les réformes avec les gouvernements et les banques.

En France, les syndicats ont négocié un plan automobile qui a produit une vague de délocalisations et de fermetures d’usine. Ils ont préparé une réforme des retraites, contre lesquelles ils ont cyniquement organisé des grèves d’un jour—visant non pas à renverser le gouvernement, mais à canaliser le mécontentement social contre le gouvernement avec lequel ils avaient négocié les réformes.

Lorsque les travailleurs ont réagi par des grèves dans la durée, notamment lors des grèves portuaires et pétrolières d’octobre 2010, les syndicats ne se sont pas opposés à la répression des grèves par la police. Ils ont insisté pour dire que toute résistance devait être « symbolique ».

La suppression des revendications populaires et de la lutte des classes produit inévitablement des conséquences réactionnaires. Excédées par le pillage social mené par la haute bourgeoisie, les couches plus arriérées de la population sont tentées par une politique réactionnaire et nationaliste. En cela, elles sont encouragées par les traditions nationalistes et chauvines véhiculées par des forces politiques comme le PCF et le PS.


Tout au long de la dernière décennie, le PS et ses alliés politiques ont refusé de se démarquer du discours sécuritaire qu’utilisait Sarkozy pour préparer sa campagne électorale en 2007. A l’époque, Royal proposait d’envoyer les jeunes délinquants dans des camps dirigés par l’armée.

A partir de l’été 2009, Sarkozy a travaillé avec le PS et le PCF pour préparer une loi interdisant la burqa, projet lancé par le député PCF André Gérin. La campagne violente de Sarkozy contre les Roms à l'été 2010 a continué dans cette voie, consistant à justifier le renforcement de l'appareil répressif par la défense des valeurs « républicaines ».

Si la gauche bourgeoise s'était permise quelques critiques hypocrites de Sarkozy sur les Roms, elle s'était surtout engouffrée dans l’hystérie sécuritaire. François Rebsamen, sénateur et maire de Dijon, avait déclaré que « le PS n'est pas la Ligue des droits de l'homme ». Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon, a demandé à Sarkozy d'arrêter de stigmatiser les Roms parce que si l’opposition populaire au gouvernement montait, « on ne va plus pouvoir procéder à aucune expulsion. »

La confluence grandissante entre le néo-fascisme et les traditions nationalistes des partis de la « gauche » française officielle souligne l’importance centrale de l’internationalisme prolétarien défendu par le WSWS.

Ceci confirme le jugement apporté par le WSWS (voir La crise de la dette grecque signale une nouvelle étape de la lutte des classes) sur la nécessité de construire des sections du Comité international de la Quatrième Internationale à travers l’Europe, comme réponse du prolétariat à la crise économique : « La tâche la plus urgente à laquelle est confrontée la classe ouvrière — en Grèce, en Europe et partout dans le monde — est la construction d’un nouveau parti politique révolutionnaire, basé sur les principes du socialisme international. Le Comité international de la Quatrième Internationale, est la seule organisation politique qui cherche à organiser et à unifier la classe ouvrière dans la lutte contre l’exploitation capitaliste, la pauvreté et la guerre ».

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