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Le boycott par la CGT des vœux présidentiels est une manœuvre cynique

Par Anthony Torres
29 janvier 2011

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Pour la première fois, Bernard Thibault ne s’est pas rendu cette année aux vœux que présente traditionnellement le président Nicolas Sarkozy aux syndicats, au patronat et aux associations. Alors que les autres syndicats répondaient favorablement à l’invitation, le premier secrétaire de la CGT a reproché à Sarkozy de ne pas avoir négocié la réforme des retraites l’année dernière avec les syndicats.

C’est une manœuvre cynique, ayant pour but de préserver un faux semblant de combativité syndicale face au gouvernement.

Une dépêche AFP remarque : « 2010 a été marquée par la mobilisation sociale unitaire pour s’opposer à la réforme des retraites fondées sur des bases injustes et inefficaces», la CGT note dans un communiqué que «c’est dans ce contexte que se présente la cérémonie habituelle des vœux de l’Elysée aux "forces vives" … La centrale de Bernard Thibault rappelle que «face à ce mouvement d’ampleur exceptionnelle de plusieurs mois» contre la réforme des retraites, «ce fut l’intransigeance du côté du président de la République et le dédain à l’égard des positions syndicales sur un choix de société qui a conditionné l’avenir pour des millions de salariés».

Ces objections de la CGT à la politique de Sarkozy sont complètement creuses, car ils ont démontré qu’ils n’ont aucune intention de mener une lutte sérieuse contre celle-ci. Après des mois de négociations des détails de la réforme avec Sarkozy et le patronat, ils ont appelé à des grèves quand ils craignaient d’être débordés par la colère des travailleurs. Cependant, ils n’avaient aucune intention de mener une lutte sérieuse contre les réformes.

Dans le contexte de la crise économique mondiale, la CGT se voue entièrement à la défense de la compétitivité du capitalisme français contre ses rivaux et au désendettement de l'Etat sur le dos de la classe ouvrière.

Quand les forces de l’ordre ont voulu briser les grèves des raffineries, la CGT a insisté pour dire que toute résistance devait être « symbolique ». Dès qu’il y avait une lutte qui menaçait vraiment la politique gouvernementale, elle a laissé tomber les travailleurs. Pourtant de larges sections de la classe ouvrière étaient contre la réforme des retraites, comme le montraient les sondages—71 pour cent des gens étaient contre la réforme, et 63 pour cent pour une grève générale.

La classe ouvrière a subi une lourde défaite, qui incombe à la trahison des syndicats et des partis de l’ex-gauche qui soutiennent toutes les initiatives des syndicats. Le problème central était l’absence d’une orientation révolutionnaire, défendue par un parti de masse, visant à mobiliser l’opposition des travailleurs pour renverser le gouvernement et lutter pour une politique socialiste. Sous ces conditions, la CGT a pu contrôler l’opposition ouvrière en encourageant des illusions sur la possibilité de négocier des accords avec Sarkozy.

La CGT sait très bien que la dictature des banques sur les taux d'intérêt des dettes nationales impose l'austérité partout en Europe et oblige les gouvernements à attaquer les acquis de la classe ouvrière et, en première ligne, les retraites.

Le résultat est que Sarkozy n’a rien lâché de ses attaques sociales. Les évènements montrent clairement que seule une perspective politique indépendante de la classe ouvrière est à même de défendre les acquis sociaux de la classe ouvrière sur une perspective socialiste et internationaliste, que seul le WSWS défend.

A présent, Thibault fait une opération de communication pour essayer de cacher la trahison des travailleurs par la CGT et ses alliés dans les partis de la « gauche » petite-bourgeoise, comme le Nouveau parti anticapitaliste (NPA). Totalement inefficace du point de vue de la mobilisation des travailleurs, cette manœuvre vise à maintenir ce qui reste du prestige de la CGT—alors que celle-ci se prépare à faire avaler davantage d’attaques sociales aux travailleurs.

La bourgeoisie prévoit que l’année 2011 verra l’accélération du programme d’austérité, avec la fin des 35 heures et la réforme de la santé.

Bernard Thibault ne s’opposera pas à ces réformes puisqu’il faut se rappeler qu’en 2008, en échange d’un renforcement de la CGT et de la CFDT sur les autres syndicats, la CGT avait aidé le gouvernement Sarkozy à faire passer une série de lois comme la fin de la semaine de 35 heures, les limites à la grève dans les écoles, ou la réforme des allocations chômage.

Une longue tribune de Sarkozy dans Le Monde d'avril 2008, intitulée « Pour des syndicats forts » louait la réforme en question et définissait la logique de sa collaboration avec les syndicats : « … j'ai l'intime conviction que, pour expliquer et mener à bien les réformes dont notre pays a besoin, nous devons le faire en partenariat étroit avec ceux qui représentent les intérêts des salariés et des entreprises... »

Toujours dans le même article il fait une allusions indirecte à des coupes à grande échelle partiellement repoussées par des grèves massives en 1995 et 2006, il écrivait : « Notre histoire sociale est suffisamment jalonnée de projets menés à la hussarde, sans concertation, et qui se sont soldés par de retentissants échecs, pour qu'on en finisse une bonne fois pour toutes avec l'idée d'un Etat qui serait seul à même de savoir ce qui est bon pour notre pays. »

Il a opposé cette méthode à sa propre collaboration étroite avec les syndicats : « Juste après l'élection présidentielle et avant même de rejoindre l'Élysée, j'ai tenu à recevoir les organisations syndicales et patronales pour les écouter et recueillir leurs positions sur les premières actions que je comptais entreprendre. Depuis, je continue à recevoir très régulièrement chacun de leurs représentants. Je les connais bien, nous avons parfois des divergences, mais notre dialogue est toujours franc. »

Revenant sur la réforme de retraite des régimes spéciaux de 2008, Il ajoutait : « Je pense par exemple à la réforme des régimes spéciaux de retraite, qui a pu être menée à bien à l'automne grâce à une intense période de concertation au niveau national et des négociations dans chacune des entreprises concernées. »

Alors qu’il écrivait cette tribune, Sarkozy développait les concessions proposées par la CGT et la CFDT dans la Position Commune, et qui ont ouvert la voie à la fin de la semaine de 35 heures et à davantage d’attaques contre les retraites.

Comme le disait le WSWS le 29 juillet 2008 dans l’article intitulé « Fin de la semaine de 35 heures en France : la victoire était garantie à Sarkozy par les syndicats et les partis "de gauche" » : « Le dernier événement qui met en évidence cette « position commune » a été la réforme de la représentativité syndicale sur laquelle se sont mis d’accord récemment le MEDEF (la principale organisation patronale française), la CGT et la CFDT (Confédération française démocratique du travail). Cette réforme de la représentativité (les critères légaux déterminant quels syndicats peuvent négocier des accords valables au niveau des branches et des entreprises) accroîtra dans le paysage syndical français le poids des syndicats plus importants comme la CGT et la CFDT, donnant à l´Etat une bureaucratie plus centralisée et plus efficace pour faire la police dans la classe ouvrière. ».

La CGT et le gouvernement avaient maintenu officiellement la semaine de travail des 35 heures mais avaient mis en place une loi autorisant que des accords sur des heures supplémentaires soient négociés sur chaque lieu de travail. Les travailleurs peuvent travailler jusqu’à 48 heures par semaine, les heures supplémentaires sont payées avec 10 pour cent de majoration au lieu de 25. Certaines des mesures les plus draconiennes de cette loi réduisent les vacances et le temps de repos. La loi supprime le temps de repos accordé automatiquement aux salariés qui travaillent plus que le nombre standard d'heures supplémentaires. Les salariés payés au forfait jours, et non à l'heure, - généralement du personnel qualifié – peuvent se voir demander de travailler jusqu'à 282 jours par an, au lieu de 218 actuellement.

Le gouvernement souhaite maintenant mettre fin aux 35 heures initialement mises en place par le PS. Pour cela le gouvernement a le soutien d’une large section du PS. Le magazine Le Point du 19 janvier 2011 dans l’article intitulé « 35 heures : accord UMP-PS » indique que Manuel Valls appelle à « déverrouiller les 35 heures ».

Bernard Thibault et la CGT jouent un rôle central dans la mise en place des réformes que veut mettre en place la classe capitaliste sous l’ère de Nicolas Sarkozy. Le boycott des vœux du président par Bernard Thibault a pour but de donner une image combative de la CGT pour tenter de rester crédible auprès des masses et de sa base syndicale, pour préparer les trahisons à venir.

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