Pour la première fois, Bernard Thibault ne s’est pas rendu cette année
aux vœux que présente traditionnellement le président Nicolas Sarkozy aux
syndicats, au patronat et aux associations. Alors que les autres syndicats
répondaient favorablement à l’invitation, le premier secrétaire de la CGT a
reproché à Sarkozy de ne pas avoir négocié la réforme des retraites l’année
dernière avec les syndicats.
C’est une manœuvre cynique, ayant pour but de préserver un faux semblant
de combativité syndicale face au gouvernement.
Une dépêche AFP remarque : « 2010 a été marquée par la mobilisation
sociale unitaire pour s’opposer à la réforme des retraites fondées sur des
bases injustes et inefficaces», la CGT note dans un communiqué que «c’est
dans ce contexte que se présente la cérémonie habituelle des vœux de l’Elysée
aux "forces vives" … La centrale de Bernard Thibault rappelle que «face à ce
mouvement d’ampleur exceptionnelle de plusieurs mois» contre la réforme des
retraites, «ce fut l’intransigeance du côté du président de la République et
le dédain à l’égard des positions syndicales sur un choix de société qui a
conditionné l’avenir pour des millions de salariés».
Ces objections de la CGT à la politique de Sarkozy sont complètement
creuses, car ils ont démontré qu’ils n’ont aucune intention de mener une
lutte sérieuse contre celle-ci. Après des mois de négociations des détails
de la réforme avec Sarkozy et le patronat, ils ont appelé à des grèves quand
ils craignaient d’être débordés par la colère des travailleurs. Cependant,
ils n’avaient aucune intention de mener une lutte sérieuse contre les
réformes.
Dans le contexte de la crise économique mondiale, la CGT se voue
entièrement à la défense de la compétitivité du capitalisme français contre
ses rivaux et au désendettement de l'Etat sur le dos de la classe ouvrière.
Quand les forces de l’ordre ont voulu briser les grèves des raffineries,
la CGT a insisté pour dire que toute résistance devait être « symbolique ».
Dès qu’il y avait une lutte qui menaçait vraiment la politique
gouvernementale, elle a laissé tomber les travailleurs. Pourtant de larges
sections de la classe ouvrière étaient contre la réforme des retraites,
comme le montraient les sondages—71 pour cent des gens étaient contre la
réforme, et 63 pour cent pour une grève générale.
La classe ouvrière a subi une lourde défaite, qui incombe à la trahison des
syndicats et des partis de l’ex-gauche qui soutiennent toutes les
initiatives des syndicats. Le problème central était l’absence d’une
orientation révolutionnaire, défendue par un parti de masse, visant à
mobiliser l’opposition des travailleurs pour renverser le gouvernement et
lutter pour une politique socialiste. Sous ces conditions, la CGT a pu
contrôler l’opposition ouvrière en encourageant des illusions sur la
possibilité de négocier des accords avec Sarkozy.
La CGT sait très bien que la dictature des banques sur les taux d'intérêt
des dettes nationales impose l'austérité partout en Europe et oblige les
gouvernements à attaquer les acquis de la classe ouvrière et, en première
ligne, les retraites.
Le résultat est que Sarkozy n’a rien lâché de ses attaques sociales. Les
évènements montrent clairement que seule une perspective politique
indépendante de la classe ouvrière est à même de défendre les acquis sociaux
de la classe ouvrière sur une perspective socialiste et internationaliste,
que seul le WSWS défend.
A présent, Thibault fait une opération de communication pour essayer de
cacher la trahison des travailleurs par la CGT et ses alliés dans les partis
de la « gauche » petite-bourgeoise, comme le Nouveau parti anticapitaliste (NPA).
Totalement inefficace du point de vue de la mobilisation des travailleurs,
cette manœuvre vise à maintenir ce qui reste du prestige de la CGT—alors que
celle-ci se prépare à faire avaler davantage d’attaques sociales aux
travailleurs.
La bourgeoisie prévoit que l’année 2011 verra l’accélération du programme
d’austérité, avec la fin des 35 heures et la réforme de la santé.
Bernard Thibault ne s’opposera pas à ces réformes puisqu’il faut se
rappeler qu’en 2008, en échange d’un renforcement de la CGT et de la CFDT
sur les autres syndicats, la CGT avait aidé le gouvernement Sarkozy à faire
passer une série de lois comme la fin de la semaine de 35 heures, les
limites à la grève dans les écoles, ou la réforme des allocations chômage.
Une longue tribune de Sarkozy dans Le Monde d'avril 2008, intitulée
« Pour des syndicats forts » louait la réforme en question et définissait la
logique de sa collaboration avec les syndicats : « … j'ai l'intime
conviction que, pour expliquer et mener à bien les réformes dont notre pays
a besoin, nous devons le faire en partenariat étroit avec ceux qui
représentent les intérêts des salariés et des entreprises... »
Toujours dans le même article il fait une allusions indirecte à des coupes à
grande échelle partiellement repoussées par des grèves massives en 1995 et
2006, il écrivait : « Notre histoire sociale est suffisamment jalonnée de
projets menés à la hussarde, sans concertation, et qui se sont soldés par de
retentissants échecs, pour qu'on en finisse une bonne fois pour toutes avec
l'idée d'un Etat qui serait seul à même de savoir ce qui est bon pour notre
pays. »
Il a opposé cette méthode à sa propre collaboration étroite avec les
syndicats : « Juste après l'élection présidentielle et avant même de
rejoindre l'Élysée, j'ai tenu à recevoir les organisations syndicales et
patronales pour les écouter et recueillir leurs positions sur les premières
actions que je comptais entreprendre. Depuis, je continue à recevoir très
régulièrement chacun de leurs représentants. Je les connais bien, nous avons
parfois des divergences, mais notre dialogue est toujours franc. »
Revenant sur la réforme de retraite des régimes spéciaux de 2008, Il
ajoutait : « Je pense par exemple à la réforme des régimes spéciaux de
retraite, qui a pu être menée à bien à l'automne grâce à une intense période
de concertation au niveau national et des négociations dans chacune des
entreprises concernées. »
Alors qu’il écrivait cette tribune, Sarkozy développait les concessions
proposées par la CGT et la CFDT dans la Position Commune, et qui ont ouvert
la voie à la fin de la semaine de 35 heures et à davantage d’attaques contre
les retraites.
Comme le disait le WSWS le 29 juillet 2008 dans l’article intitulé « Fin
de la semaine de 35 heures en France : la victoire était garantie à Sarkozy
par les syndicats et les partis "de gauche" » : « Le dernier événement qui
met en évidence cette « position commune » a été la réforme de la
représentativité syndicale sur laquelle se sont mis d’accord récemment le
MEDEF (la principale organisation patronale française), la CGT et la CFDT
(Confédération française démocratique du travail). Cette réforme de la
représentativité (les critères légaux déterminant quels syndicats peuvent
négocier des accords valables au niveau des branches et des entreprises)
accroîtra dans le paysage syndical français le poids des syndicats plus
importants comme la CGT et la CFDT, donnant à l´Etat une bureaucratie plus
centralisée et plus efficace pour faire la police dans la classe
ouvrière. ».
La CGT et le gouvernement avaient maintenu officiellement la semaine de
travail des 35 heures mais avaient mis en place une loi autorisant que des
accords sur des heures supplémentaires soient négociés sur chaque lieu de
travail. Les travailleurs peuvent travailler jusqu’à 48 heures par semaine,
les heures supplémentaires sont payées avec 10 pour cent de majoration au
lieu de 25. Certaines des mesures les plus draconiennes de cette loi
réduisent les vacances et le temps de repos. La loi supprime le temps de
repos accordé automatiquement aux salariés qui travaillent plus que le
nombre standard d'heures supplémentaires. Les salariés payés au forfait
jours, et non à l'heure, - généralement du personnel qualifié – peuvent se
voir demander de travailler jusqu'à 282 jours par an, au lieu de 218
actuellement.
Le gouvernement souhaite maintenant mettre fin aux 35 heures initialement
mises en place par le PS. Pour cela le gouvernement a le soutien d’une large
section du PS. Le magazine Le Point du 19 janvier 2011 dans l’article
intitulé « 35 heures : accord UMP-PS » indique que Manuel Valls appelle à
« déverrouiller les 35 heures ».
Bernard Thibault et la CGT jouent un rôle central dans la mise en place des
réformes que veut mettre en place la classe capitaliste sous l’ère de
Nicolas Sarkozy. Le boycott des vœux du président par Bernard Thibault a
pour but de donner une image combative de la CGT pour tenter de rester
crédible auprès des masses et de sa base syndicale, pour préparer les
trahisons à venir.