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WSWS : Nouvelles et analyses : Afrique et Moyen-Orient

La Tunisie forme un gouvernement d'union dominé par le parti dirigeant

Par Chris Marsden
19 janvier 2011

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Le gouvernement d'union nationale annoncé par le premier ministre Mohamed Ghannouchi est une réunion de l'ensemble des factions de l'élite dirigeante tunisienne contre la classe ouvrière, les étudiants et les paysans.

Le gouvernement a été hâtivement formé par Ghannouchi, allié clé du président destitué Zine El Abidine Ben Ali, sous un prétendu mandat que lui a conféré une autre figure loyale à Ben Ali, le président par intérim Fouad Mebazaa, l'ancien président du parlement.

Le gouvernement est dominé par les dirigeants au plus haut niveau du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) de Ben Ali. Les anciens ministres de la Défense, des Affaires étrangères, de l'Intérieur et des Finances ont tous conservé leurs postes. Ghannouchi reste premier ministre, un poste qu'il occupe depuis 1999.

Ceux-ci ne sont que les figures les plus en vue. Un article du journal britannique The Guardian a remarqué : « D'autres figures connues existent aussi. L'une d'entre elles se trouvait à la gauche du premier ministre, Mohamed Ghannouchi, au moment où il annonçait qu'il allait prendre provisoirement le pouvoir (pour être réprouvé plus tard par la cour constitutionnelle). Il s'agit d'Abdallah Kallel, ancien ministre de l'Intérieur accusé de torture et de violations des droits de l'homme et qui est recherché par un tribunal suisse. Il est actuellement le président de la chambre des conseillers. »

Ghannouchi a fait quelques promesses de réforme pour que son gouvernement d'union prenne quelque distance de Ben Ali en promettant que tous les partis politiques seraient autorisés à fonctionner librement, que les prisonniers politiques seraient libérés et que la censure des médias cesserait avec l'abolition du ministère tunisien de l'information.

Il compte avant tout sur les partis d'opposition bourgeois pour présenter l'exécutif, dominé par le RCD, sous des couleurs démocratiques.

Trois personnalités en vue de l'opposition ont été nommées comme ministres au bas de l'échelle hiérarchique. Najib Chebbie, fondateur du Parti démocratique progressiste (PDP) a été nommé ministre du développement. Ahmed Ibrahim de l'ancien parti stalinien Ettajdid deviendra le ministre de l'Enseignement supérieur. Mustapha Ben Jaafar du Forum démocratique du travail et des libertés a été choisi comme nouveau ministre de la santé.

Immédiatement après l'annonce, Ahmed Bouazzi du Parti démocratique progressiste a insisté à la BBC, « Ce n'est pas réaliste de dissoudre le parti dirigeant. Nous pouvons avancer avec ce gouvernement et même descendre à nouveau dans la rue si cela ne marche pas. »

Autre preuve de loyauté au précédent régime, le Parti communiste ouvrier de Tunisie (PCOT) maoïste et le mouvement El Nahda islamiste ont tous deux été exclus du nouveau gouvernement.

Le dirigeant d'El Nahda, Sheik Rachid al-Ghannouchi, a néanmoins remarqué, « Si à l'avenir nous étions invités à participer au gouvernement, nous envisagerions la proposition. »

La forme du gouvernement est une insulte à tous ceux qui sont descendus dans la rue pour voir Ben Ali destitué. Au moment même où les tractations et le marchandage avaient lieu à huis clos, des manifestants qui revendiquaient la fin de la dictature du RCD étaient attaqués.

A Tunis, des manifestants s'étaient rassemblés autour du quartier général du RCD pour protester contre la formation d'un gouvernement d'intérim comprenant des ministres du RCD. « Avec notre sang et notre âme nous somme prêts à mourir pour les martyres, » ont-ils scandé. « Dégage RCD ! Dehors le parti de la dictature ! »

Lorsqu'ils se sont dirigés vers le bâtiment du ministère de l'Intérieur, la police anti émeute a tiré en l'air et a fait usage de canons à eau et de gaz lacrymogènes contre la foule. Des rassemblements ont eut lieu à Sidi Bouzid, une ville du centre de la Tunisie et aussi tout près dans la ville de Regueb.

La police et les forces de sécurité sont sous le contrôle direct de la direction du RCD. L'armée se serait tenue en retrait au moment où l'assaut avait lieu à Tunis. La veille, la police avait été impliquée dans des échanges de tirs avec l'armée qui avait déjà assuré le nouveau gouvernement de sa loyauté.

Le magazine Times a rapporté que l'armée « essayait d'extirper des milliers de miliciens bien armés et loyaux au dictateur chassé du pouvoir. » Le magazine a cité des reportages disant que « 3.000 des 6.200 gardes présidentiels bien armés de Ben Ali [n'avaient] toujours pas été arrêtés. »

Un climat de tension extrême régnait dimanche soir, notamment après l'arrestation de l'ancien chef de la sécurité présidentielle, Ali Seriati. Mais lundi, après l'annonce du nouveau gouvernement, l'armée a donné carte blanche aux forces de sécurité pour faire face aux protestations de l'opposition. C'était tout à fait dans l'esprit de la déclaration de Ghannouchi selon laquelle pour le nouveau gouvernement, « Notre priorité c'est la sécurité. »

Le journal Al Ahram, fondé par le gouvernement égyptien, a commenté qu'inclure l'opposition était la rectification nécessaire d'une erreur politique faite par Ben Ali. Il écrit que « la plus grosse erreur » commise par Ali a été « la neutralisation de l'opposition en Tunisie au point que lorsque les émeutes ont débuté. il n'y avait pas de chef à qui parler ou avec qui négocier pour mettre fin aux manifestations. »

Mettre fin aux manifestations c'est la tâche qui a été assignée au Parti démocratique progressiste, au mouvement Ettajdid et au Forum démocratique du travail et des libertés. L'élite dirigeante tunisienne peut compter sur le soutien de toutes les puissances impérialistes dont les paroles de soutien à des protestations démocratiques ne valent rien.

L'éditorial du Guardian cité ci-dessus a signalé en parlant de l'ancienne puissance coloniale de la Tunisie : « Le premier prix de l'hypocrisie éhontée va au président Nicolas Sarkozy qui a déclaré en serrant les dents que la France se tenait aux côtés du peuple tunisien. Et s'il vous plaît, oubliez le discours tenu par la ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, à l'Assemblée nationale peu de temps après que les autorités à Tunis eurent annoncé la mort de 21 civils tués par balle par la police. Un discours dans lequel elle offrait à la Tunisie l'assistance de la police anti émeute française. »

Le reste de l'Union européenne et les Etats-Unis sont tout aussi coupables. Un élément significatif ayant catalysé la colère qui couvait contre le régime Ben Ali a été la révélation par WikiLeaks de dépêches américaines soutenant le régime de « la Famille » malgré la reconnaissance de l'ampleur de sa corruption.

Confrontée à la chute de l'ancien allié de Washington, la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton a invité instamment le nouveau gouvernement à rétablir rapidement l'ordre et a salué sa « volonté de travailleur avec les Tunisiens de l'ensemble du spectre politique. » Les Etats-Unis vont se « tenir aux côtés de la Tunisie », a-t-elle promis.

Il y a peu de chance que les platitudes démocratiques de Ghannouchi et de Mebazaa amadouent qui que ce soit et encore moins que la position dominante du RCD ne suscite pas d'opposition.

L'Independent a cité Habib Jerjir du Syndicat régional des travailleur de Tunis qui a indiqué comment le nouveau gouvernement sera observé dans la rue. « Il [le RCD] est sorti par la porte de derrière et il revient par la fenêtre, » a-t-il dit. « Nous ne pouvons pas avoir de milices dans les rues et dans le gouvernement. »

La Tunisie demeure politiquement aussi instable et socialement aussi polarisée qu'avant. La même chose vaut pour le reste du Maghreb et le Moyen-Orient en général.

Les retombées éventuelles des événements tunisiens continuent de préoccuper les régimes arabes qui dirigent des pays où la pauvreté et le chômage sont tout aussi endémiques. Un homme s'est immolé par le feu devant le parlement égyptien au Caire lundi, rappelant le geste de Mohamed Bouazizi âgé de 26 ans, qui avait focalisé la colère populaire en Tunisie. Il y a eu au moins quatre incidents similaires en Algérie et un en Mauritanie.

La question cruciale qui se pose aux travailleurs et aux jeunes est la nécessité d'adopter la stratégie révolutionnaire de la révolution permanente, élaborée initialement par Léon Trotsky. Les régimes bourgeois en Afrique, au Moyen-Orient et dans ce qu'on appelle les pays « en voie de développement » sont inextricablement liés aux principales puissances impérialistes. Ils opèrent à la fois comme des exploiteurs directs et comme gendarme régional pour les grands groupes et investisseurs mondiaux dont les exigences prédatrices signifient l'appauvrissement des travailleurs et des paysans pauvres. Il ne peut y avoir de « renouveau démocratique » sous aucune des factions de la bourgeoisie nationale.

Seule une lutte politique indépendante de la classe ouvrière pour le socialisme rassemblant toutes les sections opprimées de la société offre une voie pour aller de l'avant.

Avec leur constante invocation du danger d'une « contagion » révolutionnaire, les élites dirigeantes reconnaissent elles-mêmes que le mouvement populaire en Tunisie fait partie d'une lutte plus large de la classe ouvrière au Moyen Orient et de par le monde. La classe ouvrière ne peut se limiter à une perspective nationale. La lutte en Tunisie doit être consciemment liée aux luttes des travailleurs et des peuples opprimés des pays capitalistes avancés ainsi que des anciens pays coloniaux. La question cruciale soulevée par l'établissement d'un mouvement révolutionnaire international contre le capital mondialement organisé est la construction de sections du Comité international de la Quatrième Internationale.

 

(Article original paru le 18 janvier 2011)

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