Alors que le gouvernement conservateur du Canada et les médias de la
grande entreprise répètent que la « reprise économique » est là, les
derniers chiffres de Statistique Canada sur le chômage jettent une toute
autre lumière sur la situation précaire à laquelle font face les jeunes
travailleurs et étudiants.
À 13,9 pour cent, le taux de chômage pour les travailleurs âgés de 15 à
24 ans continuait en mai d’être environ le double de la moyenne nationale.
Pour les jeunes de 20 à 24 ans, 15 pour cent des étudiants se retrouvaient
au chômage lors du premier mois suivant la fin des cours collégiaux et
universitaires.
Un communiqué de presse du gouvernement conservateur a présenté la faible
diminution de ces chiffres par rapport à ceux du mois de mai de l’an dernier
en termes élogieux. Mais si on prend les chiffres d’août 2007 à titre de
comparaison, donc juste avant l’effondrement systématique de l’économie
capitaliste qui a balayé la planète, le taux de chômage des jeunes a en fait
augmenté de 27,5 pour cent (passant de 10,9 pour cent à 13,9 pour cent), et
celui des étudiants a presque doublé (passant de 7,7 pour cent à 15 pour
cent).
Les statistiques gouvernementales sur le chômage ne tiennent compte que
des jeunes qui sont restés dans la population active (c’est-à-dire qui
recherchent activement un travail) et partant, ne racontent donc qu’une
partie de l’histoire. Ainsi, la proportion de jeunes dans la population
active a diminué, passant de 67,0 pour cent qu’elle était en août 2007, à
64,5 pour cent en mai 2011. Cela même alors que le nombre de jeunes a
augmenté de plus de 120 000 durant la même période. Une couche importante de
jeunes, découragés par des années de rejet de la part des employeurs, s’est
résolue à demander l’aide de leurs parents ou à emprunter de l’argent pour
subsister.
En conjonction avec cet exode du marché du travail, la proportion de
jeunes fréquentant l’école à temps plein est passée de 58 pour cent en 2009,
à 63 pour cent en 2010. Face à des perspectives sombres sur le marché du
travail, les jeunes travailleurs se tournent vers l’éducation
postsecondaire. La douloureuse contradiction que ces jeunes rencontrent
rapidement est que, tout comme leurs possibilités de gagner un revenu se
sont taries, le coût de l’éducation postsecondaire a considérablement
augmenté.
Les droits de scolarité ont augmenté de 4 pour cent l’année dernière,
soit deux fois plus que le taux d’inflation, passant d’une moyenne nationale
de 4 942 $ pour l’année universitaire 2009-2010, à 5 138 $ pour l’année
2010-2011. Ce sont les étudiants du système d’éducation postsecondaire
ontarien qui ont payé les droits les plus élevés, avec une moyenne de 6 307
$, suivis par ceux du Nouveau-Brunswick, où les droits sont en moyenne de
5 516 $. En 1999, les droits de scolarité étaient en moyenne de 2 591 $, et
ils ont presque doublé depuis.
L’écart se creusant entre les revenus des étudiants et le coût de
l’éducation a conduit à une explosion de l’endettement étudiant. Entre 1995
et 2005, avant même le début de la récession actuelle, la proportion
d’étudiants devant emprunter pour financer leurs études est passée de 49
pour cent à 57 pour cent. Au cours de la même période, la proportion
d’étudiants emprunteurs ayant terminé leurs études avec une dette de plus de
25 000 $ est passée de 17 pour cent à 27 pour cent.
La situation apparaîtra encore plus sombre une fois que les chiffres
auront été mis à jour pour inclure les années qui ont suivi la crise
économique. Par exemple, on sait déjà que le Programme canadien de prêts aux
étudiants du gouvernement fédéral comptait 20 000 étudiants à temps plein de
plus pour l’année universitaire 2008-2009 par rapport à 2006-2007 (soit une
augmentation de près de 6 pour cent).
Actuellement, plus de deux millions de Canadiens ont contracté des prêts
étudiants. Lorsqu’on additionne ces prêts qui sont dus au gouvernement
fédéral, aux provinces et aux grandes banques, on arrive à un total de plus
de 20 milliards de dollars. Le montant des prêts dus au gouvernement fédéral
est actuellement de 14 milliards de dollars, croissant en moyenne de 1,2
million de dollars par jour.
Sur ce total, 149,5 millions de dollars sont considérés comme
irrécupérables en raison d’une incapacité absolue de l’emprunteur
d’effectuer des paiements. Ce nombre, aussi grand soit-il, ne reflète
toujours pas cependant le véritable impact de la récession. Selon la loi,
les prêts étudiants ne peuvent être comptabilisés dans une faillite
personnelle. Ils deviennent donc ainsi « irrécupérables » pendant les sept
années suivant la fin des études.
L’augmentation des coûts supportés par les étudiants aux études
postsecondaires est un résultat direct des politiques d’austérité menées par
les gouvernements libéraux de Chrétien et de Martin pendant les années 1990.
Cette tendance s’est accrue depuis sous le gouvernement conservateur de
Stephen Harper. Entre 1995 et 1997, le gouvernement libéral fédéral a
agressivement effectué des compressions dans les paiements de transfert
d’Ottawa aux provinces pour l’éducation postsecondaire (ainsi que pour les
soins de santé et la lutte à la pauvreté) au nom d’un budget équilibré.
Le plus récent budget présenté par le gouvernement conservateur
majoritaire propose des transferts de paiement pour l’éducation
postsecondaire qui, si l’on tient compte de l’inflation, sont de 800
millions de dollars inférieurs au niveau de financement de 1992-1993. Tout
cela au moment même où les inscriptions dans les universités et les collèges
augmentent massivement.
En conséquence, une proportion toujours plus grande des budgets de
fonctionnement des universités provient directement des droits facturés aux
étudiants. En 1987, les droits de scolarité représentaient 16,7 pour cent
des revenus des universités; en 2007, ce chiffre était passé à 34,2 pour
cent. Au cours de la même période, la proportion des revenus universitaires
provenant du financement gouvernemental est passée de 81,4 pour cent à 57,1
pour cent.
Avec le gouvernement conservateur fédéral et les gouvernements
provinciaux de toutes allégeances qui, partout au Canada, s’engagent auprès
de l’élite capitaliste de leur circonscription à éliminer les déficits
budgétaires en procédant à des réductions massives des dépenses publiques,
il est certain que cette tendance exécrable va continuer.
Chassés de la population active, compressés par le coût croissant de
l’éducation, écrasés par la dette, les étudiants et les jeunes travailleurs
du Canada font l’expérience directe de la réalité de cette reprise
économique : la prospérité pour l’élite dirigeante, l’austérité pour la
classe ouvrière.
(Article original anglais paru le 29 juin 2011)