Les
travailleurs de l'usine PSA Citroën-Peugeot, Sevelnord, de Hordain dans la
région du Nord-Pas de Calais ont fait une grève d'une journée le 7 juillet et 1
200 personnes ont manifesté à Valenciennes contre le projet de fermeture de
l'usine en 2015.
La
divulgation, suite à une fuite, de documents internes ont révélé que PSA a
l'intention de fermer trois de ses usines. Cela provoquera la perte de 2 800
emplois dans l'usine Sevelnord qui appartient conjointement à PSA/FIAT et de 3
600 emplois à l'usine d'Aulnay-sous-Bois, dans le département ouvrier de
Seine-Saint-Denis au nord de Paris. Le projet envisage le maintien de Sevelnord
s'il y a une aide suffisante de l'Etat. La troisième usine en ligne de mire est
l'usine Peugeot de Madrid qui emploie 3 100 travailleurs.
Selon
le site Médiapart qui a eu accès à ces documents ces fermetures font partie de
la stratégie de Philippe Varin, nommé à la tête de PSA en juin 2009, pour faire
face à «une concurrence mondiale sans
entraves ni barrières où le salarié français et européen est opposé
frontalement au travailleur indien, slovaque ou turc. » L'objectif de Varin est de faire de PSA un acteur mondial « doté d'une production la
moins coûteuse possible afin de résister à la concurrence. grâce au
'compactage' des usines et à l'adaptation des effectifs. »
Les
syndicats calculent que la fermeture de Sevelnord ne va pas uniquement supprimer
les 2 800 emplois de l'usine mais 10 000 autres dans les entreprises de
fournisseurs de pièces détachées et de sous-traitants de la région. Depuis 2008
déjà, les travailleurs du secteur automobile de la région sont passés de 58 000
en 2008 à moins de 50 000 en 2010 et cela devrait chuter encore de 20 à 25 pour
cent.
L'usine
automobile Renault de Douai, non loin de là, va réduire sa main-d'oeuvre de 5
500 à 4 000. Durant les 50 dernières années, la région a vu la
fermeture de l'industrie minière du charbon. Elle porte encore le traumatisme
de la perte de 7 000 emplois dans l'industrie sidérurgique avec les
licenciements successifs puis la fermeture d'Usinor à la fin des années 1970 et
au début des années 1980.
A
la manifestation de jeudi il y avait des délégations de plusieurs usines
locales, dont bon nombre de l'industrie automobile tels Renault Douai,
Faurecai, Toyota, Thyssen Krupp, Mercedes et Lisi Automotive. Ils ont été
rejoints par une délégation de 10 travailleurs d'Aulnay qui ont dit au WSWS que
les syndicats de leur usine n'avaient appelé qu'à un arrêt de travail
symbolique d'une heure ce jour.
Dominée
par la CGT (Confédération générale du travail), proche du Parti communiste
français (PCF), l'atmosphère était morne dans la manifestation. La banderole
CGT du contingent de Sevelnord en tête de manifestation donnait le ton: «Usinor
hier, Sevelnord aujourd'hui. 1 emploi direct supprimé, 4 indirects
supprimés. »
La section locale des jeunesses du PCF
distribuait des tracts reflétant le nationalisme économique des staliniens et
s'opposant à la production « à l'étranger où la main-d'ouvre se rémunère
d'une poignée de cailloux, » et déclarant que « en prétextant
s'aligner sur la concurrence étrangère, les grands patrons détruisent notre
économie, puisque nous sommes contraints d'acheter à l'étranger. »
On
ne voyait nulle part dans ces tracts staliniens l'idée que le regain des luttes
de classes en Chine et dans le Maghreb puisse conduire à une lutte contre les
fermetures d'usine et les bas salaires conjointement avec leurs frères et
soeurs de classe en Europe et aux Etats-Unis.
Le
mensonge selon lequel on peut défendre les emplois en assurant aux patrons
qu'ils peuvent faire les profits les plus élevés en exploitant la main-d'oeuvre
locale fait partie de l'assujettissement de la CGT et de ses alliés politiques
à la bourgeoisie française. Ce n'est qu'en rompant avec ces organisations
pro-capitalistes et en construisant des organisations de la classe ouvrière qui
soient indépendantes, et en menant une lutte sur une perspective socialiste et
internationaliste que les travailleurs peuvent défendre leurs emplois, leur
lieu de travail et leurs droits sociaux.
Les
remarques des travailleurs durant la manifestation reflétaient le
mécontentement grandissant de la classe ouvrière envers la bureaucratie
syndicale et leurs alliés politiques, envers leur perspective nationaliste et
la série de défaites qu'ils ont supervisée en Europe et internationalement.
Les
travailleurs étaient d'accord pour dire que les mesures d'austérité brutales
imposées par les banques en Grèce, avec la collaboration active du gouvernement
social-démocrate de George Papandreou et impliquant des baisses de salaire de
30 pour cent, menaçaient aussi les travailleurs en France.
Le
WSWS a interviewé Jean-Noël, membre du mouvement jeunesse du PCF, qui étudie la
carrosserie en lycée professionnelet espère trouver du travail dans
l'industrie automobile quand il finira le lycée l'an prochain. « Dans la
situation actuelle, ça va être difficile, » a-t-il dit. Il a dit ne pas
croire que cette journée d'action résoudrait quoi que ce soit et s'est opposé à
l'idée qu'il faut renoncer aux emplois contre des indemnités de licenciement
comme l'avait fait la CGT à l'usine de pneumatiques Continental de Clairoix.
« On doit se battre pour faire cesser toutes les fermetures, » a-t-il
dit.
Des
membres du PCF qui accompagnaient Jean-Noël ont protesté quand les reporters du
WSWS ont fait remarquer que le Parti communiste grec et ses alliés dans les
syndicats avaient limité la lutte contre les coupes sociales à quelques grèves
peu efficaces d'une journée sans aucune perspective politique, contribuant
ainsi à maintenir Papandreou au pouvoir.
Patrick
Patrick
de l'usine Lisi Automotive qui produit des boulons pour l'industrie automobile
a dit qu'il ne serait pas immédiatement affecté par la fermeture de Sevelnord,
mais « Si toutes les grosses entreprises ferment, ce sera catastrophique.
Les patrons nous traitent comme si nous étions des outils et rien de
plus. » Il a dit qu'il était complètement opposé à ce qu'on monte les
travailleurs des différents pays les uns contre les autres.
Il
a ajouté, « On ne devrait pas tout baser sur la nation, c'est tomber dans
le piège du Front national [parti néo-fasciste.] Ce dont on a besoin c'est d'un
salaire minimum mondial. Les syndicats devraient faire de cette revendication
une lutte dans toute l'Europe. Je reconnais que Bernard Thibaut [dirigeant de
la CGT] a fait des compromis... C'est vrai, il n'y a aucune banderole de
solidarité avec les travailleurs grecs et espagnols. Il devrait y en avoir. Les
actionnaires et les banques dirigent tout. Il faut que ce soit une lutte
internationale. »
Daisy
Daisy,
au chômage depuis un an après six ans comme travailleur social a dit: « Si
c'est juste des manifs, on ne peut pas gagner. Il faut bloquer l'économie, ne
pas laisser les syndicats tout arrêter comme ils l'ont fait avec les
raffineries en 2010. C'est vrai, la CGT a collaboré avec la police pour forcer
le retour au travail quand l'économie commençait à être bloquée.. La lutte a
été détruite par les dirigeants syndicaux, pas par la base. »
A
la réponse que les syndicats n'étaient pas un instrument de lutte pour la
classe ouvrière et qu'il était nécessaire de construire de nouvelles
organisations de lutte des classes qui soient indépendantes des syndicats et de
l'ex-gauche, elle a dit: «Il faut renverser le gouvernement et pas
qu'en France. Les gens idéalisent Chavez au Vénézuela, mais rien n'a vraiment
changé. On doit tout démonter pour construire. On est en train de revivre
Usinor en 1979. Cela me touche. Beaucoup de gens de ma famille ont perdu leur
emploi et ils ont dû partir.»