Malgré des actions perturbatrices de la part de l’armée et de la police
dans la ville de Jaffna, occupée par l’armée dans le Nord du Sri Lanka, des
travailleurs, des jeunes et des femmes au foyer ont participé le 19 juin à
une réunion publique très suivie organisée par le Socialist Equality Party
(Parti de l’Egalité socialiste, SEP) sur « Les soulèvements au Moyen-Orient
et la théorie de la révolution permanente. »
Deux jours avant la réunion, des officiers de l’armée avaient ordonné à
la Société coopérative polyvalente de Jaffna de ne pas permettre au SEP
d’utiliser ses locaux bien qu’ils aient été réservés des semaines à
l’avance. Les gérants ont dit aux organisateurs que l’armée projetait de
tenir ce jour là une réunion dans cette salle. Lorsque des partisans du SEP
ont objecté en disant que le parti avait déjà payé pour la salle, les
gérants ont dit qu’ils ne pouvaient pas permettre la tenue de la réunion car
il pourrait y avoir des « perturbations ».
Les responsables n’ont pas précisé qui avait l’intention de perturber la
réunion mais ont mentionné qu’une attaque avait eu lieu contre une réunion
organisée par l’Alliance nationale tamoule (TNA), un parti tamoul bourgeois
le 15 juin dans une banlieue de Jaffna. La TNA a accusé l’armée de s’être
introduite dans sa réunion électorale tenue à l’occasion des élections
gouvernementales locales, attaquant les participants et les chassant. Le
commandant des forces armées de Jaffna a nié toute implication de ses forces
de sécurité, mais il est impossible que de telles attaques se produisent
dans le Nord et l’Est de Sri Lanka sans leur participation ou leur aide.
Le SEP a dû réserver le Weerasingham Hall, non loin de là, pour tenir sa
réunion. Lors d’une nouvelle tentative d'intimidation des partisans du
parti, des officiers de l’armée s’y sont rendus également pour photocopier
le formulaire du SEP de demande de location de la salle.
Il y a eu également harcèlement avant la réunion, durant la campagne de
deux semaines du SEP. Des milliers de tracts et d’articles du World
Socialist Web Site ont été distribués à Jaffna, à Chavakachcheri, à
l’université de Jaffna et dans plusieurs autres régions. Des escadrons de
l’armée et de la police ont relevé les noms, les adresses et les numéros de
carte d’identité des partisans du SEP. Des gros bras pro gouvernement et les
officiers de la police ont déchiré en plein jour les affiches du SEP.
Ces tentatives de bloquer la réunion du SEP reflètent les mesures d’Etat
policier en vigueur à l’encontre des gens ordinaires partout dans le Nord et
l’Est de l’île. Malgré les affirmations du gouvernement d’avoir « libéré »
les masses tamoules par une victoire sur l’organisation des Tigres de
Libération de l’Eelam tamoul (LTTE), ce qui l’a remplacée c’est une
occupation militaire permanente.
Présidant la réunion publique R. Sambandan, du comité central du SEP, a
dénoncé la tentative de l’armée de saborder la réunion. Il a précisé : « Les
forces de sécurité sont particulièrement sensibles au fait que les
jeunes et les travailleurs du Nord et de l’Est ne tirent les leçons des
soulèvements au Moyen-Orient. De telles protestations de masse pourraient se
propager jusqu’ici. Avec la défaite militaire du LTTE et la divulgation du
caractère réactionnaire de sa politique séparatiste, le peuple tamoul est à
la recherche d’une issue.
Prononçant le rapport principal, Nanda Wickremasinghe, qui fait également
partie du comité central du SEP, a décrit le soulèvement des travailleurs et
des jeunes en Tunisie et en Egypte au cours des deux premiers mois de
l’année. Il a dit que Mohammed Ben Ali et Hosni Moubarak, les dictateurs
respectifs de la Tunisie et de l’Egypte, avaient été chassés par des luttes
de masse mais qu'une nouvelle étape politique avait commencé.
« Il n’aura pas fallu beaucoup de temps pour que les travailleurs d'Egypte
se rendent compte qu’ils ont été trompés ; qu’aucun des droits démocratiques
et sociaux qu’ils avaient revendiqués ne s'étaient concrétisés, à savoir la
fin du régime d’urgence et de répression policière et militaire, un emploi
décent, le droit de s’organiser et la fin de la flambée des prix, » a-t-il
dit.
Wickremasinghe a expliqué: « Le commandant en chef Mohammed Hussein
Tantawi qui a succédé à Moubarak, est un homme qui est soutenu par les mêmes
forces réactionnaires. Il opère en tant qu’agent de l’impérialisme
américain. Les travailleurs se sont mobilisés par milliers pour appeler à
une « deuxième révolution. »
« Ceci confirme la théorie de la révolution permanente développée par
Léon Trotsky: Ce n'est que si la classe ouvrière prend le pouvoir et
accomplit les tâches socialistes que les masses seront pas en mesure
d’obtenir des droits démocratiques. »
Cette leçon est directement essentielle à la lutte pour les droits
démocratiques des gens de langue tamoule au Sri Lanka, a expliqué
Wickremasinghe. Après des décennies de politique séparatiste, dirigée par
des organisations tamoules bourgeoises dont le TNA et le LTTE, les gens ont
été plongés dans la misère et dans une impasse politique.
Wickremasinghe a dit que les soulèvements au Moyen-Orient avaient entamé
une nouvelle période d’une offensive révolutionnaire internationale de la
classe ouvrière, la force sociale capable d’assumer la direction des masses
opprimées. Il a dit que depuis l’effondrement de l’Union soviétique, du fait
de la trahison de la bureaucratie stalinienne, bien des gens ont exclu toute
perspective que la classe ouvrière n’apparaisse sur le devant de la scène.
L’intervenant a fait référence à une remarque faite la veille par le
député TNA Suresh Premachandran lors d’une réunion publique à Jaffna.
Premachandran avait dit que la répression contre les Tamouls pouvait se
résoudre par l’intervention de la « communauté internationale », notamment
les Etats-Unis.
Wickremasinghe a indiqué que ces grandes puissances avaient soutenu la
guerre de Rajapakse. S’ils critiquaient à présent le gouvernement c’était
pour renforcer leurs propres intérêts stratégiques et économiques. Il a
ajouté que le TNA dépendait des puissances capitalistes et était en train de
négocier avec le gouvernement pour préserver les privilèges de l’élite
tamoule. En rejetant cette ligne capitaliste, les travailleurs aussi bien
tamouls, cinghalais que musulmans devaient s’unir par-delà les clivages
ethniques pour se tourner vers la classe ouvrière internationale.
Wickremasinghe a précisé que la seule issue était la lutte pour un
gouvernement ouvrier et paysan sous forme d’une République socialiste du Sri
Lanka et de l’Eelam comme partie intégrante de l’Union des républiques
socialistes d’Asie du Sud dans une lutte pour le socialisme international.
Il a pressé les travailleurs et les jeunes à adhérer au SEP pour lutter pour
cette perspective.
Durant la campagne du SEP, il y a eu des débats sur le lien entre les
expériences de la guerre civile, les soulèvements au Moyen-Orient et la
réaction politique brutale du gouvernement sri lankais aux protestations
contre le projet d’un plan de retraite qui avaient éclaté parmi les
travailleurs de la zone de libre échange (FTZ).
Un étudiant de l’université a dit: « C’est juste que les travailleurs
descendent dans la rue contre le régime oppressif. Ceci prouve que seule la
classe ouvrière est capable de mener la lutte contre le gouvernement
Rajapakse. Nous condamnons l’attaque contre les travailleurs de la zone de
libre échange et le meurtre du jeune travailleur ainsi que le fait que
d’autres travailleurs ont été blessés. Les travailleurs en Egypte nous ont
montré l’exemple. »
Rasik, un travailleur musulman, a aussi condamné l’attaque contre les
travailleurs de la FTZ. Il a souligné : « Vous êtes les seuls à parler de
vouloir unir la classe ouvrière au-delà des divisions religieuses et
nationales. Tout comme au Moyen-Orient, ici aussi la classe ouvrière devrait
s’unir contre le régime oppressif. Avant je soutenais l’UNP [un parti
bourgeois de droite]. Il a été responsable du meurtre de centaines de
personnes durant les émeutes de 1983 [anti-tamouls]. Après, ça j’ai quitté
l’UNP. Je ne soutiens aucun parti maintenant. Tous les vieux partis sont
pareils. Votre programme m’a donné de l’espoir. »
(Article original paru le 1er juillet 2011)