Des milliers de personnes assistent aux obsèques du travailleur sri
lankais tué de la FTZ
Par nos correspondants
7 juin 2011
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Les funérailles de Roshen Chanaka Ratnasekera, qui est décédé des suites
de blessures reçues la semaine passée après que la police a attaqué la
manifestation de travailleurs de la zone de libre échange (FTZ) de
Katunayake, ont eu lieu samedi dans son village.
Une partie des obsèques
En dépit d’un énorme déploiement de soldats, environ 20.000 personnes –
dont de nombreux salariés de la FTZ – sont venus tout au long de la journée
pour rendre hommage au travailleur tué et en signe de protestation contre le
gouvernement. Les obsèques se sont déroulées à l’église Ste Augustine à
Galoluwa, à une cinquantaine de kilomètres de Colombo.
Roshen Chanaka Ratnasekera
Ratnasekera, qui avait tout juste 21 ans, est mort le 1er juin deux jours
après que la police a tenté de réprimer une manifestation de travailleurs de
la FTZ contre le projet de loi du gouvernement sur les retraites des
travailleurs du secteur privé. Il existe une écrasante opposition contre la
loi parmi les travailleurs qui seront obligés de cotiser dans un fonds de
pension et qui dans bien des cas ne recevront rien en échange.
L’ensemble de la FTZ de Katunayake où travaillent 40.000 salariés a été
paralysé lundi dernier après que la police a attaqué des travailleurs qui
protestaient dans l’une des régions du complexe industriel. La police a
attaqué les travailleurs au moyen de canons à eau, de gaz lacrymogène, de
bâtons en bois et de barres de fer et, à un moment donné, en tirant des
salves de balles réelles. Plus de 200 personnes ont été blessées, dont bon
nombre d’entre eux gravement.
Ratnasekera avait été blessé à la jambe. On l'avait laissé sans soins et
saignant pendant deux heures durant sa garde à vue aux côtés d’autres
travailleurs blessés avant d’être emmené à l’hôpital universitaire de
Ragama.
Le gouvernement du président Mahinda Rajapakse a été visiblement choqué
par les protestations à la FTZ en craignant que la mort de Ratnasekera ne
déclenche d’autres manifestations. Il a suspendu la loi sur les retraites en
attendant des pourparlers avec les partis d’opposition et les syndicats.
Des centaines de soldats ont été déployés le 2 juin à l’intérieur et
autour de la maison de Ratnasekera après que son corps a été rendu à sa
famille. La veille des funérailles, un juge avait émis une ordonnance
interdisant le déplacement de son corps à un endroit autre que l’église. Il
avait également interdit tout discours en ne permettant que des rites
religieux et une oraison funèbre prononcée par l’un des frères de
Ratnasekera.
Le jour des obsèques, l’ensemble du village a été placé sous ce qui
correspond à une occupation militaire. Des troupes et des commandos spéciaux
lourdement armées ont été positionnés tous les 10 mètres le long de la route
longue de 500 mètres et menant de la maison de Ratnasekera à l’église
catholique de Galoluwa. L’église elle-même a été entourée de personnel de
sécurité. Des soldats à moto ont patrouillé le secteur. Des officiers de
haut rang ont supervisé l’opération. Des officiers militaires et du
renseignement en civil étaient présents ainsi que des nervis du
gouvernement.
Vers 9 heures 45, l’armée est subitement arrivée à la maison de
Ratnasekera et a transporté son corps à l’église sans le consentement des
membres de la famille. Son frère Madushan Ratnasekera a expliqué : « J’étais
en train de prendre mon petit déjeuner. Lorsqu’on m’a dit que le corps de
mon frère allait être enlevé, j’ai été incapable de réagir. » Sa sœur a dit
au WSWS : « Je n’arrive pas à comprendre pourquoi ils ont enlevé son corps
si tôt. »
Les villageois ont été indignés par cet incident. Une jeune personne a
dit : « Ce n’est pas par hasard que les gens [dans le Nord] sont devenus des
terroristes vu qu’ils étaient certainement soumis à ce genre de chose. »
Elle faisait référence au traitement militaire des Tamouls durant
l’interminable guerre civile dans le pays.
Une autre personne a dit: « Après la mort, Prasanna Ranatunga [le
principal ministre de la province occidentale] a traîné par ici avec ses
laquais. Nous avons pensé qu’il allait y avoir des problèmes. Nous n’avons
pas eu l’occasion de rendre un dernier hommage à Chanaka. Le gouvernement,
l’armée et l’église l’ont fait collectivement. »
Madushan Ratnasekera a demandé à l’armée de ne pas positionner de soldats
armés près du cercueil à l’intérieur de l’église en disant que les collègues
de son frère de la FTZ devaient pouvoir être en mesure de rendre leur
hommage sans être inquiétés. Il a dit qu’il ne participerait pas à
l’enterrement si cette demande n’était pas satisfaite. Les soldats furent
retirés deux heures plus tard.
Les travailleurs de la FTZ qui se sont rendus à l’église ont dû longer
des rangées de soldats armés. Après le départ de la foule endeuillée, ils
ont été repositionnés le long de la route pour empêcher qu’elle ne se
rassemble.
Environ 5.000 personnes ont assisté au service funéraire. Tout en restant
prudent dans ses remarques, le prêtre qui a assuré l’office a clairement dit
que la situation était extraordinaire. « Je ne peux permettre à personne de
parler lors de ces obsèques en raison de l’ordonnance judiciaire à
l’exception d’un discours d’enterrement d’un membre de la famille. Il n’est
permis qu’aux amis du village de Chanaka de déposer sa dépouille mortelle
dans la tombe, » a-t-il dit.
Madushan Ratnasekera ne s’est exprimé que très brièvement en remerciant
tous ceux qui ont soutenu sa famille lors de ces funérailles. Après la
messe, le cercueil de Ratnaserkera a été enterré dans le cimetière de
l’église.
Les commandos devant l’église
La forte présence militaire lors des funérailles est une mise en garde
sévère quant aux méthodes qui seront utilisées contre d’autres protestations
des travailleurs. Alors que les syndicats ont déclaré que la décision de
suspendre le projet de loi était une « victoire », le gouvernement est
manifestement en train de planifier une offensive dirigée contre la classe
ouvrière.
Le directeur général du Centre des médias pour la sécurité nationale
(Media Centre for National Security), Lakshman Hulugalle, a dit samedi à la
presse que le Service de renseignement civil (National Intelligence Bureau,
NIB) était en train de rassembler des informations à partir des vidéos, des
appels téléphoniques et des textos pour « identifier les bandes organisées »
qui avaient été actives durant les affrontements de ces dernières semaines
entre les travailleurs de la FTZ et la police.
La mort de Ratnasekera et l'attaque brutale de la police à Katunayake ont
provoqué des protestations des travailleurs dans d’autres zones de libre
échange.
Des travailleurs protestant dans la zone de libre échange
Un millier de travailleurs ont participé vendredi à un piquet de grève à
la FTZ de Biyagama dans une des banlieues de Colombo. Les travailleurs
d’Ansell Lanka, d’Agio Tobacco et de Telado Wheel y ont pris part. Ils ont
scandé des slogans en brandissant des pancartes faites maison pour condamner
le meurtre de Ratnasekera et l’attaque de la police contre les travailleurs
de la FTZ à Katunayake.
Un travailleur d’Ansell Lanka a dit au WSWS: « C’était une attaque
brutale. Le gouvernement ne doit pas échapper à une punition en rejetant
simplement la faute sur la police. Ce que le gouvernement a montré dans
cette attaque c’est qu’il ne laissera pas les travailleurs protester
pacifiquement pour leurs droits. »
Il a rappelé que la police avait déjà attaqué une manifestation pacifique
des travailleurs d’Ansell en 1994. Un travailleur, Premaratne, était mort
suite à des blessures infligées par les balles de la police.
« Nous ne croyons pas à l’annonce du gouvernement de retirer la loi sur
les retraites, » a-t-il dit. « Il la soumettra plus tard. Il agit
conformément aux instructions du FMI [Fond monétaire international]. Nous
nous battrons jusqu’à ce que la loi soit supprimée. » Il a critiqué le fait
que les syndicats divisent les travailleurs. « Tous les travailleurs doivent
s’unir sous une seule bannière contre les attaques du gouvernement et pour
la défense de leurs droits, » a-t-il ajouté.
La manifestation de vendredi avait été organisée par le syndicat Free
Trade Zone and General Services Workers Union (FTZGSWU). Le dirigeant
syndical, Anton Marcus, a dit : « Nous lutterons jusqu’à ce que cette loi
soit mise en échec. Pour créer des conditions normales, le gouvernement
devrait accepter de ne pas punir les travailleurs qui manifestent, de payer
un plein salaire sans retenue pour les jours de grève, de punir ceux qui ont
attaqué les travailleurs et d’accorder des compensations aux travailleurs
blessés et à la famille de Ratnasekera. »
Loin de lutter pour mettre en échec le projet sur les retraites, les
syndicats ont annulé les manifestations contre la loi et se ruent à présent
pour contrôler le mouvement des travailleurs qui a éclaté au mépris de leurs
instructions. Marcus et son syndicat réclament des négociations au
gouvernement qui ouvriront la voie à un accord traitre et réintroduiront la
loi après de légères modifications.
Des travailleurs qui défilent à Ja-Ela
Vendredi dernier aussi, environ 500 travailleurs du site industriel
d’Ekala à Ja-Ela ont manifesté contre la violence policière et le meurtre de
Ratnasekera. En faisaient partie des travailleurs jeunes, principalement des
jeunes femmes, des entreprises Politex, Polimate, John Keels, Singer, Elfish
et Loadstar Tire. Malgré les avertissements des officiers de l’armée, ils
ont défilé du site industriel pour se rendre à la ville de Ja-Ela en
scandant des slogans devant le poste de police local.
(Article original paru le 6 juin 2011)