Les partis de la « gauche » bourgeoise ont saisi l'occasion d'une
récente fusillade entre bandes rivales dans le nord de Paris devant une
école primaire pour demander l'intervention de l'armée dans certaines villes
de France. La pauvreté et les tensions sociales dans les banlieues ont
conduit à un grand nombre d'émeutes contre la police, notamment les émeutes
de masse de 2005 qui avaient été provoquées par l'électrocution de deux
jeunes fuyant la police dans la banlieue parisienne de Clichy-sous-Bois.
Le 1er juin, à Sevran, en banlieue nord, un jeune homme a été blessé par
balle et la classe d'une école primaire a été terrorisée par une balle
perdue qui a pénétré dans la salle de classe lors d'une fusillade devant
l'école. L'incident faisait suite à une série de tirs entre bandes rivales
de trafiquants.
Le lendemain, le maire Vert de Sevran, Stéphane Gatignon, ancien membre
du Parti communiste (PCF), a demandé au gouvernement de faire appel à
l'armée pour occuper le quartier comme « force de maintien de la paix. »
Gatignon a demandé au ministre de l'Intérieur d'envisager « dans certains
quartiers » une présence de l'armée 24h sur 24 avec une fonction « de force
d'interposition … pour faire cesser les règlements de compte et éviter les
risques de balles perdues et de tragédies. »
Il a reçu le soutien immédiat de Ségolène Royal, candidate malheureuse du
Parti socialiste, un parti du patronat, lors de l'élection présidentielle de
2007, remportée par le président conservateur actuel Nicolas Sarkozy. Elle a
déclaré dimanche dernier sur radio France Inter: «Le maire demande
l'intervention de l'armée, il a parfaitement raison. »
Elle a cherché à déborder Sarkozy par la droite: « On voit un ministre de
l'Intérieur ... qui a supprimé des milliers de postes de policiers... Moi
présidente de la République, je n'accepterai aucune zone de non-droit...
Nicolas Sarkozy est aux responsabilités, il doit continuer à agir, or
aujourd'hui il ne se passe rien ...Sur le thème central de la sécurité, on
n'a jamais vu un fiasco aussi dramatique. »
Royal fait campagne pour être désignée candidate PS à l'élection
présidentielle de 2012 sur les mêmes thèmes que lors de la campagne pour les
élections de 2007. Avec le PS elle avait rivalisé avec Sarkozy à qui serait
le candidat le plus patriotique et le garant le plus répressif du tout
sécuritaire, demandant que l'armée s'occupe des jeunes délinquants. Elle
avait aussi insisté pour que l'on chante l'hymne national, La Marseillaise, à
la fin de chaque meeting de campagne.
Les remarques de Gatignon et de Royal ont été l'occasion pour divers
politiciens du PS de lancer d'autres appels pour davantage de moyens pour la
police et les mesures sécuritaires. Ceci reflète la grande nervosité qui
règne parmi la classe dirigeante et dans l'Etat dans un contexte de
résistance de masse aux programmes d'austérité dictés par l'aristocratie
financière.
François Hollande, ancien premier secrétaire du PS et cherchant lui aussi
à être désigné candidat PS à l'élection présidentielle, a dit qu'il
comprenait la « détresse » du maire de Sevran mais qu'il ne soutenait pas le
recours à l'armée pour restaurer le calme. Néanmoins il a dit à l'AFP: «Ce
qu'il faut premièrement c'est faire faire intervenir très régulièrement les
forces de police, les stationner sur place. Deuxièmement, il faut qu'il y
ait une politique d'éradication de ces bandes et de ces trafics. »
Bien que Sarkozy ait massivement accru les pouvoirs de la police,
Hollande a déclaré que Sarkozy avait « visiblement abdiqué » dans le domaine
de la sécurité.
Jean-Jacques Urvoas, secrétaire national du PS à la sécurité a dit qu'il
s'opposait à une intervention de l'armée mais a proposé un plus gros
investissement dans la surveillance et les procédures judiciaires.
François Asensi, député PCF de la circonscription, a accompagné le
ministre de l'Intérieur Claude Guéant vendredi lors de sa visite du
quartier, la Cité Montceleux, où des coups de feu avaient été tirés. Il n'a
fait aucune référence à l'armée mais a demandé que « la police bénéficie des
moyens adaptés à son action pour démanteler les réseaux mafieux liés à la
drogue. » Il a aussi réclamé l'installation de caméras de surveillance.
Ces remarques montrent clairement le soutien unanime de l'establishment
politique pour une intensification majeure de la répression policière contre
la classe ouvrière. Il faut noter que les gouvernements sociaux-démocrates
de Georges Papandreou en Grèce et de José Luis Zapatéro en Espagne ont déjà eu
recours à l'armée pour forcer respectivement les chauffeurs routiers et les
aiguilleurs du ciel en grève à reprendre le travail.
Remarquablement absente des déclarations du PS et du PCF est la référence
aux conditions de vie abominables dans les banlieues. La politique
d'austérité du gouvernement PS du président François Mitterrand et du
premier ministre Pierre Mauroy, initiée en 1983, se poursuit de façon bien
plus exacerbée aujourd'hui. Trois décennies de négligences par des
gouvernements de droite comme de gauche font que dans les cités
défavorisées, le taux de chômage des jeunes s'élève à 40 pour cent dans le
contexte d'un taux de chômage global désastreux de 20 pour cent pour les
moins de 25 ans.
A l'automne 2005, la classe dirigeante avait imposé l'état d'urgence
pendant trois mois à l'initiative du président Jacques Chirac et avec le
soutien de tous les partis de la « gauche » bourgeoise. Ceci inclut la LCR,
précurseur du NPA d'Olivier Besancenot, qui avait refusé de demander que les
CRS se retirent des cités. (voir
France : la LCR, parti "d'extrême gauche" refuse de prendre position sur la
répression policière, )A l'époque, le maire PS de Noisy-le-Grand avait
réclamé l'intervention de l'armée.
L'UMP au pouvoir a refusé de déployer l'armée à la demande de Gatignon.
Guéant a dit: «Dans un Etat démocratique,
c'est à la police républicaine, sous le contrôle de la justice, de rétablir
la sécurité. » Il a néanmoins ajouté: « La lutte sera impitoyable contre les
voyous. »
Eric Raoult de l'UMP, qui faisait partie de la commission parlementaire
qui a préparé la loi interdisant la burqa a répliqué à l'attaque Vert-PS-PCF:
« Dans une démocratie, c'est à la police de
ramener l'ordre, pas à l'armée. » Il a accusé Gatignon
d'irresponsabilité et de « jouer avec le feu » avec des déclarations
« dignes de l'extrême-droite. »
Marine Le Pen, dirigeante du Front national néofasciste, a profité de la
campagne droitière du PS pour essayer de légitimer ses propres déliresantidémocratiques. Elle a exprimé sa sympathie pour Gatignon disant
qu'il avait raison de comparer ce que sa ville est devenue à Chicago, c'est
à dire à l'époque où Chicago abritait le gangster Al Capone durant les
années 1920.
Elle a demandé des emprisonnements de masse: «En France il y a … 20 000
types à mettre en prison. Il y a 50 000 places de prison en France … Il
faudrait 90 000 places de prison. »
Elle a décrit Sevran comme «Le symbole de
l'échec dramatique du sarkozysme, une politique de communication sans action
… les voyous et les dealers font la loi dans un nombre croissant de
quartiers et n'ont rien à craindre d'un Nicolas Sarkozy et d'un Claude
Guéant. » Elle a regretté la suppression de 19 000 postes dans la
police depuis 2006.
Arrivant à point nommé, un rapport rendu par le député UMP Eric Ciotti à
Sarkozy et publié mardi, recommande un programme d'urgence de construction
de prisons pour atteindre 80 000 places d'ici 2018 et permettre des
condamnations longues. Il propose aussi un service civique pour les jeunes
délinquants.