En faisant campagne pour que Stephen Harper et son Parti conservateur
forme le gouvernement majoritaire aux élections du 2 mai, l'élite dirigeante
du Canada a révélé que son objectif est de ramener les travailleurs à des
conditions d'oppression de classe pires que celles qui ont existé durant la
majeure partie du 20e siècle.
Le Canada, comme les États-Unis et les autres grands pays industrialisés,
est à la veille d'assister à des luttes de classe explosives. Comme le
montrent les résultats des élections, la majorité de l'électorat s'oppose au
programme de réaction sociale de la bourgeoisie. Bien que les conservateurs
possèdent maintenant 54 pour cent des sièges à la Chambre des communes, ils
n'ont en fait obtenu l'appui que moins du quart de l'électorat.
Harper a obtenu ses votes sur la base d'une tromperie politique : celle
que le Parti conservateur, parti résultant de la fusion des
progressistes-conservateurs et de la droite dure du Reform Party et de
l'Alliance canadienne, est un parti modéré. Les avertissements lancés au
sujet des politiques de Harper ont été qualifiés de théories du complot
qu’il avait un « programme caché ».
La classe dirigeante canadienne ne cache pas le programme réactionnaire
de Harper. Au contraire, elle l'étale sans vergogne.
La grande entreprise canadienne réclame le démantèlement du système de
santé public universel du Canada, qui est supposément « non viable ». Selon
un rapport rendu public récemment, co-écrit par un ancien gouverneur de la
Banque du Canada et rapidement adopté par les médias de la grande
entreprise, le système d'assurance-maladie « souffre d'une maladie chronique
des dépenses ». En réduisant la prestation des services et en développant la
privatisation, la bourgeoisie veut faire passer la responsabilité de la
prestation des soins de l'État vers les individus et leur famille.
L'étendue des attaques qui sont préparées est révélée par les plans de la
bourgeoisie canadienne, mais aussi par les coupes semblables qui sont
annoncées internationalement. Dans toutes les vieilles puissances
industrialisées, la bourgeoisie a réagi au krach de 2008 et au
ralentissement économique mondial en tentant de détruire ce qui reste des
avantages sociaux que les travailleurs ont pu arracher à la grande
entreprise par d'immenses luttes sociales au cours du siècle dernier.
En Europe, la possibilité de l’effondrement de l'euro est de plus en plus
discuté, tandis que les sauvetages des banques réalisés à même les fonds
publics servent de prétexte à l'imposition de coupes sociales brutales sur
les travailleurs. Les travailleurs de la Grève auraient par exemple perdu 30
pour cent de leurs revenus à cause de ces coupes.
Aux États-Unis, après que des trillions de dollars ont été offerts aux
banques sans poser de question aux criminels de Wall Street, les deux partis
de la grande entreprise préparent des coupes sans précédent à Medicare et au
programme de retraites.
Le capitalisme canadien a le même programme et, de ce point de vue, ne
peut faire autrement s’il veut demeurer dans la course mondiale pour les
profits, les marchés et l’influence stratégique. Cela signifie, toutefois,
la fin de la période où le capital canadien pouvait se présenter comme plus
respectueux et civilisé que son cousin américain effréné.
Des changements de fond dans le système capitaliste propulsent la classe
dirigeante canadienne vers la réaction sociale et la guerre, dans le but
d’augmenter ses profits et maintenir les avantages stratégiques qui
découlent de ses liens étroits avec l’impérialisme américain.
L’impérialisme canadien a répondu à l’érosion de l’hégémonie mondiale
américaine par l’expansion et le réarmement des Forces armées canadiennes
(FAC). Les FAC jouent présentement un rôle de premier plan dans les guerres
contre l’Afghanistan et la Libye. Sous les ordres des sections les plus
puissantes du capital canadien, Harper a négocié un partenariat encore plus
étroit avec Washington en faisant du Périmètre de sécurité continental une
priorité.
L’élite dirigeante sait bien qu’il y aura opposition à son programme. Les
journaux canadiens, par exemple, ont publié de nombreux commentaires qui se
plaignent du soutien populaire pour l’assurance-maladie. En réponse, le
Globe and Mail, le journal de référence au Canada, a loué Harper pour
son entêtement, soit sa volonté de défier l’opinion publique et de fouler
aux pieds les droits démocratiques.
L’exemple le plus important de l’entêtement de Harper a été le recours
aux pouvoirs arbitraires de la gouverneure générale non élue en décembre
2008 afin d’éviter de subir la défaite suite à un vote de défiance et d’être
remplacé par une coalition dirigée par les libéraux. Le Globe,
propriété de David Thomson qui serait la dix-septième personne la plus riche
au monde, et toutes les sections les plus puissantes du capital canadien ont
soutenu ce coup constitutionnel afin d’empêcher la venue au pouvoir d’un
gouvernement qui ne leur convenait pas.
Ce programme fait qu'une collision est inévitable entre la classe
dirigeante et la classe ouvrière et place les luttes révolutionnaires à
l’ordre du jour politique.
À cet égard, la provocation d’État organisée par le gouvernement Harper
lors du sommet du G20 en juin dernier à Toronto, où la police a arrêté sans
motif des centaines de personnes et où des manifestants pacifiques se sont
faits violemment attaqués, prend un nouveau sens. L’allié de Harper, le
maire de Toronto Rob Ford, se prépare à utiliser des briseurs de grève afin
d’adopter à toute vapeur ses plans de privatisation. Dans les pages des
quotidiens torontois, on discute des préparatifs pour faire face à des
protestations de masse « comme ceux qu’on a vu en France ».
Le problème politique central auquel fait face la classe ouvrière est
l’absence de direction politique. Dans cette élection, l’hostilité populaire
envers le programme de Harper a pris la forme d’un vote de protestation non
négligeable pour le NPD, un parti social-démocrate. Il a été catapulté de la
quatrième place vers l’opposition officielle, gagnant 64 sièges
additionnels, incluant 57 au Québec, où il n’avait jusqu’aux élections,
qu’un seul député.
Le NPD est, cependant, un récipiendaire complètement indigne du
mécontentement politique grandissant dans la classe ouvrière. Le NPD, parti
de la bureaucratie syndicale, est un instrument pour réprimer politiquement
la classe ouvrière.
Comme les partis sociaux-démocrates partout dans le monde, le NPD a,
depuis longtemps, rejeté son programme réformiste. Il y a un peu plus de
deux ans, il était prêt à jouer le rôle de partenaire junior dans une
coalition menée par les libéraux. Cette coalition s'engageait, dès le début,
à continuer la guerre en Afghanistan et à mettre en oeuvre le programme de
baisses d’impôt aux entreprises de Harper en étant « financièrement
responsable ».
Dans son programme électoral pour les élections qui viennent d’être
complétées, il a promis d’équilibrer le budget dans le même échéancier que
les conservateurs, il n’a pas proposé d’augmenter les impôts sur les riches
et il a proposé de maintenir le niveau actuel des dépenses militaires, qui
sont à leur plus haut niveau, en termes réels, depuis la Deuxième Guerre
mondiale.
La classe ouvrière au Canada et partout dans le monde est en train d’être
projetée dans la lutte et va se battre courageusement et avec ténacité. Mais
si elle veut aller de l’avant et éviter les défaites qui auront des
conséquences encore plus grandes que les revers des trois dernières
décennies, elle doit bâtir une nouvelle perspective basée sur la
reconnaissance des intérêts communs entre les travailleurs du monde entier
et sur un rejet du système capitaliste de profit.
Le Parti de l’égalité socialiste du Canada se donne comme tâche
fondamentale de lutter pour cette perspective dans la classe ouvrière. Les
nombreuses luttes de la classe ouvrière contre les fermetures d’usines et
les coupes sociales doivent être fusionnées dans un mouvement politique
indépendant de la classe ouvrière consacré à porter au pouvoir un
gouvernement ouvrier, au Canada et internationalement, qui établira la vie
économique en fonction des besoins humains et non du profit.