Les défilés du 1er mai 2011 ont enregistré en France une baisse de
soutien avec 120.000 personnes défilant dans le pays contre 350.000 l’année
dernière selon le syndicat CGT (Confédération générale du Travail).
Cela représenta une motion de censure de la part des travailleurs à
l’encontre des partis de l’ex « gauche » et des syndicats, notamment après
leur isolement et leur trahison des grèves en octobre dernier contre la
réduction des droits à la retraite du président Nicolas Sarkozy.
Les défilés furent avant tout marqués par l’influence politique
grandissante du Front National (FN) néo-fasciste, à la fois dans les
sondages et surtout parmi le personnel de la bureaucratie syndicale et des
ex partis de « gauche ». Marine Le Pen, la nouvelle dirigeante du FN et la
fille de l’ancien chef du FN Jean-Marie Le Pen, a conduit à grand renfort
médiatique son premier rassemblement de 1er mai devant la statue
de Jeanne d’Arc, place des Pyramides à Paris. Le FN a rapporté que 20.000
personnes avaient suivi le cortège tandis que la police a dit que 3.600
personnes avaient été présentes à ce rassemblement néo-fasciste.
Un sondage IFOP du 26 avril a trouvé que 36 pour cent des ouvriers
voteraient pour le candidat du FN en 2012 – plus du double que pour le Parti
socialiste (PS) à 17 pour cent et que pour Sarkozy à 15 pour cent. Les
dernières élections cantonales de mars ont confirmé un mécontentement massif
à l’encontre des partis politiques traditionnels, atteignant un taux
d’abstention de 54 pour cent. Le FN avait fait passer son score à 15 pour
cent.
Le FN fasciste passe dans les sondages pour être en mesure d’éliminer au
premier tour des élections présidentielles de 2012 le président droitier
Nicolas Sarkozy. Ce cas de figure permettrait à la candidate FN, Marine Le
Pen, de faire face au second tour au probable candidat du Parti socialiste,
Dominique Strauss-Kahn (DSK), l’actuel directeur du Fonds monétaire
international (FMI).
Sarkozy était devenu président en 2007 en obtenant 40 pour cent des votes
du FN grâce à sa propagande droitière qui promettait d’augmenter le pouvoir
d’achat avec le slogan « travailler plus pour gagner plus » (par la
défiscalisation des heures supplémentaires) et une politique
anti-immigration. Après avoir imposé à plusieurs reprises des coupes
sociales contre la classe ouvrière et le chômage et le sous-emploi
atteignant 5 millions, Sarkozy a chuté à 28 pour cent dans les sondages. Il
s’agit du niveau de popularité le plus bas jamais atteint par un président
en France depuis la création de la Cinquième République en 1958.
Lors du défilé du 1er mai, la réponse du secrétaire général de la CGT,
Bernard Thibault, à l’influence du FN a été d’expliquer que le FN opposait
les travailleurs français aux travailleurs immigrés ce qui « offre une
division au patronat et c’est dans ce sens qu’il est un des alliés
principaux du patronat pour maintenir le système en place. »
Thibault a révélé sa propre faillite politique en approuvant le programme
du PS pour les élections présidentielles de 2012 comme sa propre réponse au
FN. C’était, a-t-il dit, « un effort pour présenter un programme qui se veut
incarner des alternatives à ce qui se fait aujourd’hui. » Il a cyniquement
lancé cet appel tout en sachant que le PS ignorera son programme une fois au
pouvoir : « … au fil du temps, des mois, des débats internes aux partis, les
programmes annoncés à l’instant ne seront pas forcément à l’ordre du jour du
rendez-vous. »
L’accusation d’aider la bourgeoisie à diviser la classe ouvrière par le
racisme est tout aussi dévastatrice qu’elle soit dirigée contre la CGT et
ses partisans de l’ex « gauche » – le Parti Communiste français (PCF) et le
Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) – ou le FN. Ils ont soutenu les
tentatives de Sarkozy de diviser les travailleurs selon des lignes ethniques
et religieuses. Ils n’ont mené ni grève ni campagne contre l’interdiction
anti-démocratique de la burqa et le port du foulard dans les écoles en
affirmant lutter pour la « laïcité ».
Les partis de l’ex « gauche » n’ont pas non plus protesté lorsqu’en 2009
la CGT a recouru aux CRS pour expulser de la Bourse du Travail qu’ils
avaient occupé des travailleurs sans papiers en grève – au prétexte qu’ils
empêchaient les syndicats de travailler et de défendre les travailleurs.
C’est le camouflage d’une politique raciste au moyen de slogans
soi-disant de gauche par les syndicats et les partis bourgeois de « gauche »
qui a permis à Marine Le Pen de présenter sa propre politique raciste sous
la bannière de la « laïcité » et des « valeurs républicaines. » Selon un
sondage, 54 pour cent des sympathisants du parti droitier au pouvoir, l’UMP
(Union pour un mouvement populaire), ont dit être « en osmose » avec le FN
-- c’est-à-dire éprouver une certaine sympathie pour ce parti.
La dirigeante nouvellement élue du FN, Marine Le Pen, est présentée dans
les médias comme étant plus préoccupée par les questions « sociales » que
son père Jean-Marie qui, en tant que dirigeant du FN, était connu pour ses
propos racistes et pour lesquels il était régulièrement condamné par les
tribunaux.
Marine Le Pen a essayé de se draper du manteau de la respectabilité en
excluant du FN des membres qui ont fait publiquement le salut nazi.
Alexandre Gabriac, un candidat du FN aux élections cantonales à Grenoble a
été exclu contre l’avis de Jean-Marie Le Pen, après être apparu sur une
photo en train de faire le salut nazi.
Plus récemment, le FN a commencé par recueillir un soutien significatif
des syndicats et des milieux de l’ex « gauche » eux-mêmes. Cela incluait de
façon très publique un bureaucrate syndical régional de la CGT de l’Est de
la France et qui est un ancien membre du NPA. (Voir : Le cas de Fabien
Engelmann en France: syndicaliste, néo-fasciste, ex-militant de LO et du NPA
)
Et, dernièrement, un candidat FN aux élections cantonales et membre de la
CFDT (Confédération française démocratique du Travail), Daniel
Durand-Ducaudin, fut menacé d’expulsion par son syndicat pour son soutien du
Front national. Ancien membre de la Légion étrangère, il avait été
photographié récemment faisant le salut nazi à Vichy, la capitale du régime
pro nazi de Pétain durant la deuxième Guerre mondiale.
Durand-Ducaudin a justifié son adhésion au FN en citant les positions
réactionnaires de l’establishment politique français, selon
lesquelles il devrait y avoir une séparation étanche entre la participation
aux luttes ouvrières et les activités politiques. Ce principe n’a jamais été
remis en question par les partis de l’ex « gauche » qui sont étroitement
liés aux syndicats et farouchement hostiles à toute critique de gauche de la
trahison des luttes ouvrières par les syndicats.
Durand-Ducaudin a expliqué, « Il ne faut pas confondre les rôles. Celui
d’un syndicat est de défendre les salariés, le rôle d’un parti c’est de
défendre des idées. »
Le FN est soutenu dans son effort pour asseoir sa respectabilité par des
figures de la presse anciennement de gauche telles Robert Ménard, de I-Télé
et ancien secrétaire général du groupe Reporters sans frontières. Ménard a
écrit un pamphlet intitulé « Vive Le Pen » où il dénonce les critiques
contre le FN comme étant un « procès en sorcellerie » en affirmant que ceux
qui disent que le FN n’a pas changé son naturel sous Marine Le Pen « nie[nt]
l’évidence. »
Ménard a fondé Reporters sans frontières en 1985 en tant qu’organisation
pro-occidentale après avoir passé, durant les années 1970 six ans au sein de
la Ligue Communiste Révolutionnaire (ledit Nouveau Parti anticapitaliste
d’Olivier Besancenot d’aujourd’hui). Il a rejoint plus tard le PS.
(Article original paru le 5 mai 2011)