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  WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Comment la Conférence anticapitaliste méditerranéenne a défendu l’impérialisme français

Par Alex Lantier
14
mai 2011

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La Conférence anticapitaliste méditerranéenne, appelée par le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), et qui s’est tenue les 7 et 8 mai à Marseille a été un rassemblement de partis pro-capitalistes fonctionnant dans l’intérêt de l’impérialisme français. La conférence avait été annoncée comme une occasion permettant « aux différentes organisations de mieux se connaître, de renforcer leurs liens et d’envisager des campagnes internationales communes. »

Elle a pratiquement passé sous silence la guerre France-OTAN en Libye, accueilli des partis hostiles aux luttes révolutionnaires des travailleurs en Tunisie et en Egypte et soutenu divers groupes séparatistes de la Méditerranée et du Moyen-Orient dans une démarche visant manifestement et en grande partie la Turquie.

Lors de la conférence, plusieurs dizaines de représentants ont participé le samedi après-midi et le dimanche à des sessions à huis-clos. Une réunion publique le dimanche soir a regroupé une centaine de personnes qui ont écouté les discours du porte-parole du NPA, Olivier Besancenot, et d’autres figures dirigeantes du NPA.

Demander si cette conférence reflétait les discussions que le dirigeant du NPA, Alain Krivine, avait eues avec l’Etat Français, c’est-à-dire avec des figures comme son ami et ancien camarade Henri Weber, un membre haut placé de ce parti du grand patronat qu’est le PS (Parti socialiste) était ici presque hors sujet. Les orientations pro-impérialistes de la conférence provenaient directement de la politique du NPA et de ses partis frères qui insistent pour lier la classe ouvrière politiquement à l’impérialisme.

La liste des partis présents à la conférence, affichée sur le site Internet du NPA internationalists13.org, ressemble en grande partie à un fichier de voyous où figurent des anciens partis de « gauche » de la classe moyenne essayant de bloquer les luttes de la classe ouvrière. Outre le NPA, d’autres partis européens étaient représentés dont Sinistra Critica (Gauche critique) d’Italie, Izquierda Anticapitalista (IA, Gauche anticapitaliste), En Lucha (En Lutte) d’Espagne et OKDE de Grèce.

Plusieurs partis d’Afrique du Nord qui contribuent au site Internet du NPA étaient présents. Le Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT) maoïste, le Parti du Travail patriotique et démocratique de Tunisie (PTPD) et la Ligue de la Gauche ouvrière (LGO) nouvellement reconstituée. La LGO est constituée d’anciens membres des années 1970 du prédécesseur du NPA, la Ligue communiste révolutionnaire. D’Algérie, il y avait le Parti socialiste des travailleurs (PST), du Maroc, Voie démocratique et Al-Monadil et d’Egypte, Renouveau socialiste et le Parti socialiste égyptien.

Etaient venus du Moyen-Orient, le Front populaire de Libération de la Palestine (PFLP), le Parti communiste libanais (PCL) et l’Organisation de la Jeunesse démocratique du Liban (OJDL). Plusieurs groupes séparatistes et nationalistes y assistaient aussi – des groupes nationalistes européens de Chypre, de Corse, de la Sardaigne, du Pays Basque et de Catalogne – ainsi que des partis staliniens kurdes et irakiens.

La résolution adoptée par la conférence est une escroquerie politique qui s’efforce de se donner une coloration de « gauche » par le biais d’un discours nationaliste petit-bourgeois et social-démocrate n’ayant aucun rapport avec la politique droitière des partis impliqués. Elle débute en disant : « Rompre radicalement avec ce système et non pas l’aménager, ouvrir la voie au socialisme comme à un projet d’émancipation sociale, démocratique, reconstituer l’unité du monde du travail par-delà des frontières, est d’une actualité brûlante ».

Et poursuit ainsi : « Au Nord même de la Méditerranée, il y a une vague de résistances sociales, de grèves générales, de refus rampant des politiques d’austérité et des ravages de la crise. Dans la droite ligne de ces résistances, il y a les mêmes préoccupations qu’en Afrique du Nord : des jeunes femmes et des jeunes hommes en situation de précarité, travailleurs, étudiants. Nulle part les peuples ne se résignent. »

Même s’il est sans aucun doute vrai que les travailleurs sont opprimés par l’impérialisme européen et mondial sur tout le pourtour de la Méditerranée, une question cruciale demeure : quelle est l’attitude du NPA et de ses partis frères à l’égard des luttes des travailleurs ? Ils espèrent que le lecteur lisant la déclaration assumera que seuls des partis ayant pour objectif de mener de telles luttes écriraient de cette manière. Ce n’est toutefois pas le cas : ces partis sont farouchement hostiles à la classe ouvrière.

La duperie des affirmations de ces partis de lutter pour le socialisme a été clairement révélée au grand jour en Afrique du Nord. Dans les pays touchés par des luttes révolutionnaires, ils ont été impliqués plus ouvertement dans les tentatives du régime de faire des réformes cosmétiques et pseudo-démocratiques pour apaiser l’opposition de masse. Aucun de ces partis n’a essayé de mener la classe ouvrière à la prise de pouvoir, n’a avancé des revendications socialistes ou même proposé des slogans allant au-delà d’appels à de nouvelles élections et des réformes démocratiques acceptables à Washington et à Paris.

C’est peut-être le plus clair dans le cas des partis tunisiens présents à cette conférence. Le PTPD participe à la commission sur les réformes du régime tunisien qui – barricadée au sein du Conseil économique et social tunisien (CES) et qui est visé par les protestations de masses – parlemente avec les syndicats, avec la fédération des employeurs UTICA et avec des groupes professionnels quant à la manière de « réformer » la machine d’Etat tunisienne et préparer l’élection de l’assemblée constituante. De con côté, le PCOT répète la ligne du NPA, prenant la pose du critique aimable de la commission sur les réformes ; il est favorable à ses tentatives d’établir un régime capitaliste « démocratique » en Tunisie.

En Europe, le NPA et ses partis frères cherchent à limiter et à réprimer les luttes des travailleurs en les liant à une perspective de négociation avec les gouvernements capitalistes. Tous les partis européens présents à la conférence avaient accordé l’année dernière un soutien total et sans faille aux marches insignifiantes de protestation de 24 heures appelées par les syndicats durant la crise de l’endettement tandis que la classe dirigeante imposait des coupes sociales. Les gouvernements imposant des réductions ont ignoré ces protestations et imposé les coupes sociales au mépris total de l’opinion publique.

Par ailleurs, lorsque les travailleurs avaient entamé des grèves, ces partis avaient tous repris à leur compte l’hostilité des syndicats vis-à-vis des luttes. En octobre 2010, durant la grève du secteur pétrolier français contre la réduction des droits à la retraite du président Nicolas Sarkozy, le NPA avait adopté l’exigence de la Confédération générale du travail (CGT) que les travailleurs se limitent à une opposition « symbolique » ou « ludique » à l’attaque de la grève par la police. La grève fut alors écrasée et les coupes de Sarkozy furent adoptées en dépit d’une opposition de masse.

En décembre 2010, durant la grève des contrôleurs du ciel espagnols qui fut finalement brisée par l’intervention de l’armée espagnole, l’IA avait été tout aussi hostile. Alors que la Gauche unie stalinienne (IU) et les syndicats dénonçaient la grève, en imitant la presse bourgeoise, l’IA avait issu une déclaration sans formuler la moindre critique contre l’IU mais en blâmant les contrôleurs du ciel de s’être isolés eux-mêmes en faisant grève. L’IA avait écrit que les contrôleurs auraient oublié « deux variables de l’équation : les consommateurs et les autres travailleurs des [aéroports espagnols]. Cela les a laissé isolés et a fait d’eux une cible parfaite pour la répression des travailleurs et le lynchage médiatique. »

La tentative de la conférence de Marseille de se présenter dans sa déclaration comme un adversaire de l’impérialisme est cynique et fausse tout comme celle de se faire passer pour un défenseur de la classe ouvrière. Elle se prononce « pour le refus de toute ingérence impérialiste dans la région, le retrait immédiat des forces d’intervention en Libye, et des troupes d’occupation en Irak et en Afghanistan.… Pour que les Etats de Méditerranée et d’Europe rompent leurs liens avec l’OTAN dans la perspective d’une coopération multilatérale dans la région sans ingérence militaire ».

Une telle déclaration est une capitulation devant les positions de l’impérialisme français relatives à sa principale intervention en Méditerranée : le bombardement de la Libye. Elle n’a même pas réussi à dénoncer explicitement les bombardements, se bornant à insister sur un retrait des « forces d’intervention en Libye ». Toutefois, étant donné que la plupart des opérations militaires françaises impliquent un bombardement aérien, ceci correspond à rien de moins qu’à une reprise des positions des politiciens impérialistes tel le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, qui ont soutenu le bombardement tout en lançant des mises en garde contre une intervention terrestre.

Ceci reprend la position plus générale du NPA sur la guerre en Libye : il a hésité entre répéter les justifications impérialistes pour la guerre et déclarer qu’il était divisé intérieurement sur la question. La déclaration la plus claire sur la position du NPA a toutefois été donnée par Gilbert Achcar sur le site Internet du NPA où il affirme que l’attaque de l’OTAN contre la Libye était une intervention « humanitaire » vitale : « Nous sommes dans un cas où une population est vraiment en danger et où il n'y a pas d'autre alternative pour la protéger… On ne peut, au nom de principes anti-impérialistes, s'opposer à une action qui va empêcher le massacre de civils ».

Quant aux affirmations de la conférence de s’opposer à l’OTAN et à la guerre en Afghanistan, elles sont tout aussi trompeuses. Les auteurs de cette déclaration ont manifestement espéré que personne parmi ceux qui la lirait ne serait conscient de l’histoire des groupes présents à la conférence.

Aucun de ces partis n’est adversaire de l’OTAN ou de la guerre impérialiste en Afghanistan, mais le rôle joué par le groupe italien Sinistra Critica (Gauche critique) est lui, particulièrement infâme. En soutenant le gouvernement de Romano Prodi lors d’un votre de confiance en 2007, le sénateur de Sinistra Critica, Franco Turigliatto, avait voté pour un ultimatum en 12 points prévoyant le soutien de l’intervention militaire italienne en Afghanistan et des coupes dans le système de retraite italien.

Quant aux appels pour une alternative méditerranéenne à l’OTAN, le caractère fallacieux de tels appels émanant des partis européens de l’ex « gauche » a été exposé clairement par une divulgation de WikiLeaks concernant le parti allemand Die Linke (La Gauche).

Die Linke avance une position similaire, appelant officiellement à la dissolution de l’OTAN pour la remplacer par une alliance de sécurité – en impliquant la Russie dans le cas de l’Allemagne. Toutefois, lors d’un entretien privé avec des diplomates américains, le dirigeant de Die Linke, Gregor Gysi, avait expliqué que cette exigence correspondait en fait à un soutien de l’OTAN : l’Allemagne ne bénéficierait jamais d’un soutien des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France pour l’adhésion de la Russie à l’OTAN, et la position de Die Linke bloquait les exigences de l’Allemagne de sortir de l’OTAN. Avec la montée des tensions au sein de l’Europe, Gysi a dit qu’il s’agissait là de l’exigence la plus dangereuse.

Les propositions du NPA en faveur d’une coopération méditerranéenne sur une base capitaliste sont, en définitive, plus irréalistes que des propositions permettant à la Russie d’adhérer à l’OTAN. De nombreux conflits de longue durée – entre Israël et la Syrie et d’autres Etats arabes, entre la Turquie et la Grèce au sujet de Chypre ou entre l’Algérie et le Maroc au sujet du Sahara occidental – divisent les pays de la région. Le fait de proposer le remplacement de l’OTAN par une coopération pacifique méditerranéenne – sans orientation internationaliste pour la classe ouvrière et d’une lutte pour le socialisme international – signifie s’adonner à la pure fantaisie.

Entre-temps, toutefois, le NPA peut se présenter comme un « adversaire » de l’OTAN impérialiste, engagé à attendre de façon impotente que tous les régimes capitalistes de la Méditerranée règlent leurs différends. Dans le même temps, le NPA met en avant des positions favorables à l’impérialisme français.

Le lecteur de la déclaration ne peut, toutefois, qu’être frappé par la décision du NPA d’attaquer le régime turc tout en dissimulant les crimes en cours de l’impérialisme français, tel la guerre en Libye et son intervention terrestre en Côte d’Ivoire. Cette décision fait de la déclaration du NPA un instrument de la diplomatie impérialiste française.

Le fait d’attaquer le gouvernement turc représente un intérêt permanent et significatif de la politique étrangère de la France. Paris s’est systématiquement opposé à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne (UE) ; le gouvernement s’était récemment indigné des critiques émises initialement par le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan contre la guerre en Libye – et qu’Erdogan n’a abandonné qu’après que l’OTAN ait officiellement adopté le bombardement de la Libye

La déclaration de la conférence de Marseille est calculée pour souligner les faiblesses stratégiques du régime turc. Elle exige « l’autodétermination » pour le Kurdistan – c’est-à-dire l’éventuelle indépendance de la plupart des régions kurdes du Moyen-Orient qui incluent de vastes sections de la Turquie orientale au sujet desquelles le régime turc a toujours été extrêmement sensible. Elle dénonce aussi les « forces d’occupation turques » à Chypre.

Cette orientation se reflète aussi dans la composition des partis qui ont participé à la conférence de Marseille. Il y avait un parti chypriote et plusieurs organisations kurdes staliniennes de Turquie et d’Irak, mais aucun autre parti turc n’avait été invité.

Le point fort de la conférence était un discours politiquement démoralisé tenu samedi soir par le porte-parole du NPA, Olivier Besancenot. Il a signalé l’influence croissante du Front national (FN) néofasciste en France et la fermeture des frontières avec l’Italie par le gouvernement Sarkozy, par crainte de l’immigration de Tunisiens fuyant la violence en Afrique du Nord. Il a qualifié la réaction du gouvernement de « sacrée victoire politique » du FN.

Compte tenu de ces événements et du fait que les luttes révolutionnaires ne se sont pas encore propagées d’Afrique du Nord à l’Europe, il a blâmé la classe ouvrière en France et en Europe en disant qu’elle devait « se réveiller » et qu’elle n’était « pas franchement à la hauteur de la situation. »

Cette position est réactionnaire et absurde. Les travailleurs en Europe ont protesté à maintes reprises et ont fait grève contre des gouvernements profondément impopulaires et discrédités. Le principal problème n’est pas la faiblesse objective de la classe ouvrière mais sa domination politique par un cadre droitier de la bureaucratie syndicale et des partis petits bourgeois de l’ex « gauche » – dont le NPA est un des partis qui produit le plus de désorientation politique. Les gains électorals du FN en France sont largement obtenus ‘par défaut’, parce que l’étranglement à répétition de l’opposition de la classe ouvrière au gouvernement Sarkozy a donné au FN le monopole du langage de la contestation politique.

Un autre élément significatif de la montée de l’influence du FN a été la promotion de l’hystérie antimusulmane et anti-immigration de l’establishment politique visant les foulards et les burqas islamiques sous le faux prétexte de promouvoir la « laïcité. » Tous les principaux partis bourgeois de « gauche » avec lesquels le NPA collabore – le PS, le Parti communiste, Lutte Ouvrière ou le Parti ouvrier indépendant (POI) – ont participé avec enthousiasme à cette campagne chauvine.

Pour ce qui est du NPA, il avait présenté aux élections régionales de 2010 une candidate voilée, Ilham Moussaïd – qui fut recrutée au NPA parce qu’elle pensait que la politique de ce dernier était en conformité avec la croyance musulmane et sa foi dans les institutions de la République française. Cependant, le NPA l’a finalement expulsée après les élections et des critiques droitières largement répandues dans les médias.

Comme l’a cependant clairement montré la conférence de Marseille, ce bref flirt dénué de principe avec l’islamisme a assisté le NPA dans ses opérations de politique étrangère. Plusieurs participants à la conférence de Marseille et venus du Moyen-Orient qui ont parlé aux reporters du WSWS ont fait état de leur sympathie à l’égard de partis islamistes, tels le Hezbollah et le Hamas.

Le caractère droitier de la Conférence anticapitaliste méditerranéenne est un avertissement aux travailleurs de toutes les rives de la Méditerranée, en Europe, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Le principal problème politique auquel la classe ouvrière est confrontée alors qu’elle s’engage dans la lutte et que des combats révolutionnaires commencent en Afrique du Nord, est le rôle réactionnaire des forces de la classe moyenne hostiles au socialisme. On y trouve aux premiers rangs le NPA et ses co-penseurs partout en Méditerranée, qui sont passés dans le camp de l’impérialisme.

(Article original paru le 10 mai 2011)

A voir aussi:

La conférence anticapitaliste méditerranéenne aide la contre-révolution en Afrique du Nord

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