Le gouvernement Obama a été obligé de recourir à son veto au
Conseil de sécurité des Nations unies pour bloquer une résolution condamnant
les colonies israéliennes dans les territoires palestiniens comme faisant
obstacle à la paix.
La résolution, parrainée par 130 pays et soutenue par l’ensemble des
autres 14 membres du Conseil de sécurité, dont l’Allemagne, la France, la
Grande-Bretagne et l’Union européenne, ont soutenu la position de
l’Autorité palestinienne (AP) : à savoir que les colonies
israéliennes sont illégales au regard du droit international, et que le refus d’Israël
d’arrêter leur expansion empêche la négociation d’un règlement du
conflit israélo-palestinien.
Washington avait exercé une pression énorme sur le dirigeant palestinien
Mahmoud Abbas pour qu’il retire la résolution. La secrétaire d’Etat
américaine Hillary Clinton avait menacé de bloquer l’aide américaine à
l’AP, mais en vain. Le veto de Washington dont on n’a jamais douté,
était le premier depuis qu’Obama est devenu président avec la promesse de
meilleures relations avec le monde musulman.
Le fait que Washington ait été obligé d’opposer la résolution témoigne
de l’isolement à la fois des Etats-Unis et d’Israël après les
événements révolutionnaires en Egypte. Ils ont perdu un client clé,
l’ancien président égyptien Hosni Moubarak sur qui il avait été possible
de compter dans le passé pour exercer de leur part une influence sur les
dirigeants de la région. Le gros titre d’un article publié sur le site web
du magazine Time avait résumé la situation : « Sans Moubarak,
les Etats-Unis luttent pour protéger Israël contre la pression
diplomatique. »
Les alliés arabes des Etats-Unis répugnent à compromettre leur crédibilité
aux yeux de leur propre population respective pour des pourparlers qui
visiblement ne mènent à rien.
Washington et Tel Aviv ont été compromis par leur soutien ouvert aux
dictateurs impopulaires et autocratiques de la région, l’éviction de
Moubarak et les manifestations continuelles déferlant sur la Libye, le Yémen,
le Soudan et Bahreïn.
Ceci constitue une crise majeure pour Israël dont l’intransigeance est
de plus en plus considérée comme un obstacle politique par les capitales
d’Europe occidentale désireuses d’endiguer la vague révolutionnaire
qui déferle sur la région et sauvegarder leurs intérêts géostratégiques dans un
Moyen Orient riche en ressources naturelles. Les puissances européennes
craignent que le mépris ouvert d’Israël et de Washington pour les
Palestiniens tels qu’il fut révélé par les documents palestiniens
divulgués par WikiLeaks et publiés par Al Jazeera, ne mette le feu aux poudrières
que sont la Cisjordanie, Gaza, la Jordanie et Israël même -- et que la
population de la région ne s’unisse aux mouvements de masse d’Afrique
du Nord et du Moyen Orient.
Les Etats-Unis tout en s’opposant à de nouvelles constructions dans
les colonies israéliennes, affirment cyniquement que la résolution complique
les chances d’une reprise des « pourparlers de paix » bloqués. Susan
Rice, l’ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU a dit,
« Malheureusement, ce projet de résolution risque de provoquer un
durcissement des positions dans les deux camps. »
En réalité, les pourparlers de paix dans lesquels les Etats-Unis jouent le
rôle d’intermédiaires ont toujours été une mascarade. Ils ont été une
couverture pour l’accaparement de terres par Israël qui se sert de la
chimère d’une entité palestinienne qui serait non militarisée et non
contiguë d’Israël afin d’assister l’AP à réprimer l’ensemble
de l’opposition militante à Israël. Et tous ceux qui y participaient le
savaient. Les pourparlers furent rompus en septembre dernier lorsque le premier
ministre israélien, Benyamin Netanyahu a refusé de prolonger le gel temporaire de
la colonisation – ignoré en pratique – quelques jours à peine après
la reprise des pourparlers.
La Grande-Bretagne, l’allié le plus proche de Washington et un
partisan de longue date d’Israël, pleinement consciente de ce que
représentent les mouvements de masse en Egypte et en Tunisie ayant fait partir
des « atouts » en qui elle avait longtemps placé sa confiance, a voté
en faveur de la résolution et a appelé Israël et les Palestiniens à reprendre
cette mascarade. William Hague, le secrétaire d’Etat britannique aux
Affaires étrangères a dit que les parties ne devaient pas permettre que
« leur attention soit détournée par les événements survenus dans l’ensemble
de la région et devaient œuvrer en faveur d’une résolution juste et
durable du conflit israélo-palestinien… J’appelle les deux parties
à reprendre dès que possible les négociations directes en vue d’une
solution à deux Etats, sur la base de paramètres clairs. »
L’Union européenne a dit à Israël que les troubles croissants au Moyen
Orient rendaient essentiels un retour à la table des négociations. C’est
cette crainte, ainsi que de l’inquiétude au sujet de politiques-clés
défendues par le ministre israélien des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, qui
sous-tend la critique voilée des Européens de l’attitude d’Israël
vis-à-vis de ses citoyens arabes – qui sont confrontés à des niveaux bien
plus élevés de pauvreté et de chômage et d’un accès moindre à
l’éducation, aux soins de santé et de services sociaux. L’UE
appelle Israël à s’attaquer à leur situation économiquement et
socialement difficile, à les intégrer dans la société israélienne et à protéger
leurs droits.
L’UE a aussi critiqué Israël pour des propositions passant actuellement
à la Knesset et qui ont pour objectif d’enquêter sur le financement des
ONG, des militants pour les libertés civiles et des activistes pro
palestiniens, d’interdire leur financement à partir de l’étranger
et de restreindre leurs droits. Ceci et de nombreuses autres lois
réactionnaires et racistes envisagées par Israël montre que la base du soutien
de l’UE à Israël -- c’est l’unique démocratie dans la région
– est une fraude.
Le large soutien pour la résolution de l’ONU marque, comme certains
commentateurs l’ont souligné, une intensification de la crise pour
Israël. Le journal Haaretz a averti que « Israël doit écouter le
message des Européens en le considérant comme un avertissement venu
d’amis importants qui sont inquiets de l’orientation prise par le
gouvernement de droite dirigé par Netanyahu et Lieberman : la persécution
d’adversaires politiques domestiques, la répression de la communauté
arabe et la préférence pour les colonies face à un compromis équitable avec les
Palestiniens. L’Europe n’est pas une puissance hostile :
c’est l’un des partenaires économiques, diplomatiques et culturels
les plus importants d’Israël. Ce qu’elle a à dire mérite l’attention. »
Même si les Etats-Unis sont capables de bloquer une résolution sur les
colonies, ils ne peuvent pas protéger l’occupation israélienne des
territoires palestiniens et les Hauteurs du Golan. Les soutiens d’Israël
que sont la Jordanie et l’Autorité palestinienne, sont en train de
chanceler. La Jordanie a connu maintes manifestations de masse qui ont obligé
le roi Abdullah à nommer un nouveau premier ministre qui doit former un nouveau
gouvernement. L’Autorité palestinienne dirigée par le Fatah ne contrôle
que la Cisjordanie et est totalement discréditée. Le Hamas qui contrôle Gaza
n’est plus populaire.
A l’intérieur d’Israël même, les partenaires de la coalition
travailliste de Netanyahu ont quitté le gouvernement le rendant ainsi
tributaire des partis d’extrême droite et en particulier du parti Israël
Beiteinu de Lieberman. Alors que certains des partis droitiers refusent
d’envisager un accord avec les Palestiniens, Lieberman insiste pour dire qu’un
Etat palestinien doit impliquer le nettoyage ethnique des citoyens arabes
d’Israël – leur transfert forcé vers n’importe quel petit
Etat nouvellement créé.