Quatre réacteurs nucléaires sont à divers
niveaux critiques, approchant possiblement la fusion, suite au séisme et au
tsunami qui ont dévasté la côte nord-est du Japon. Le bilan officiel, datant de
mercredi matin, heure du Japon, s'élève à 3373 morts, mais on croit que le
nombre de victimes se situe au-delà de 10 000.
Des explosions se sont produites dans
trois des réacteurs du complexe Fukushima. Dans le quatrième, deux incendies
majeurs se sont déclarés dans la piscine de désactivation, qui sert à conserver
le combustible nucléaire usé. Des fuites radioactives importantes ont été
rapportées, et les effets ont pu être mesurés aussi loin que Tokyo, une zone
métropolitaine de plus de 20 millions d'habitants.
Le premier ministre japonais a déclaré
que le pays faisait face à sa plus grande catastrophe depuis Hiroshima et
Nagasaki. Les médias américains et internationaux ont parlé de
« désastre » pour décrire les conditions au Japon, indiquant du même
coup que la catastrophe nucléaire japonaise pourrait au bout du compte être
pire que Tchernobyl dans ses effets à long terme.
Dans un article à faire frissonner, le New
York Times a fait référence à une étude datant de 1997 du Brookhaven National
Laboratory de Long Island qui a analysé les conséquences possibles d'un
désastre impliquant du combustible nucléaire usé dans la piscine de
désactivation d'un réacteur. Selon le Times, « Dans un rayon de 800
kilomètres, cent personnes mourraient rapidement et 138 000 à plus long
terme. L'étude a déterminé que le sol deviendrait contaminé sur une distance de
3500 kilomètres et que les dommages atteindraient 546 milliards de dollars.
Cette section de l'étude de Broohaven a été basée sur les réacteurs utilisant
l'eau bouillante dans leur fonctionnement, soit le même type de réacteurs que
ceux étant au coeur de la crise japonaise. »
Le séisme de 9.0 près de Sendai, le pire
de l'histoire à avoir frappé le Japon, était le produit de forces naturelles,
et le tsunami qui a dévasté la côte en était la conséquence immédiate et
inévitable. Mais la crise nucléaire qui a suivi est le résultat de forces
sociales, et non de la collision de plaques tectoniques. Une fois de plus, le
système capitaliste a entraîné le monde au bord de la catastrophe et dans le
processus, l'élite patronale dirigeante a montré qu'elle est totalement
imprudente et irresponsable.
Comme l'a souligné le World Socialist
Web Site (« Les
implications de la catastrophe japonaise »), l'élite dirigeante
japonaise a misé lourdement sur l'énergie nucléaire pour compenser la
dépendance du pays sur l'importation de pétrole, malgré les risques évidents de
la construction de plus de 50 réacteurs nucléaires près de la ligne de faille
la plus active au monde.
Et cela n'est pas qu'un phénomène
japonais. Au cours des 40 dernières années, des avertissements ont été lancés à
maintes reprises sur les dangers de la technologie nucléaire, et une série
d'incidents – Windscale, Fermi, Three Mile Island, Tchernobyl – ont
montré les véritables conséquences pour des millions de gens. Mais rien ne
pouvait arrêter la volonté des élites dirigeantes capitalistes d'investir des
milliards de dollars dans la production d'énergie nucléaire, dans un pays après
l'autre.
Aux États-Unis, plus d'une dizaine de
réacteurs nucléaires pourrait potentiellement causer une catastrophe semblable.
Deux complexes d'énergie nucléaire en Californie, Diablo Canyon et San Onofre,
sont situés près de la faille de San Andreas. Une usine en Ohio avait été mise
hors service par un séisme près de la faille de New Madrid, et une autre usine
de cet État avait été endommagée par une tornade.
De nombreux réacteurs se trouvent dans
des régions côtières du Texas, de la Louisiane, de l'Alabama, de la Floride, de
la Géorgie et de la Caroline du Nord. Toutes ces régions ont été frappées par
d'importants ouragans.
La centrale nucléaire de Waterford en
Louisiane avait été forcée d'annoncer une « situation inhabituelle »
et de se mettre en arrêt durant l'ouragan Katrina, bien qu'elle était presque à
160 kilomètres du lieu où la tempête avait touché terre sur la côte du golfe du
Mississippi. L'ouragan Gustav s'était abattu sur l'usine de River Bend de
St-Francisville en Louisiane.
Power & Light en Floride fait
fonctionner la centrale nucléaire de Turkey Point à Biscayne Bay, tout juste au
sud de Miami, un emplacement qui, selon une étude, « subit des tempêtes
tropicales environ tous les deux ans et des vents aussi violents que des ouragans
tous les sept ans ». En 1992, l'oeil de l'ouragan Andrew était passé
directement au-dessus de la centrale, causant d'importants dégâts et coupant
celle-ci d'alimentation en énergie pendant cinq jours. Si la tempête avait
affecté l'alimentation de secours, Turkey Point serait dans le même état que
Fukushima aujourd'hui.
L'enthousiasme de l'administration Obama
pour l'énergie nucléaire n'en sera pas diminué pour autant. Sans pouvoir
déterminer l'ampleur que prendra le désastre au Japon, le secrétaire à l'Énergie
Steven Chu a réaffirmé mardi devant un sous-comité du Congrès l'engagement des
États-Unis à fournir 39 milliards de dollars en garantie de prêts pour financer
la construction de nouvelles centrales nucléaires. Durant trois décennies
– depuis Three Mile Island – de tels projets n'ont pas été
entrepris.
L'imprudence dans le choix de
l'emplacement de centrales nucléaires est un phénomène mondial. La Turquie a
construit son réacteur d'Akkuyu Bay près de la faille active d'Ecemis. La
Chine, qui deviendra bientôt la quatrième puissance en production d'énergie nucléaire
et qui a présentement 27 centrales en construction, est l'un des pays où
l'activité sismique est la plus importante.
Les pays densément peuplés de l'Europe
occidentale sont fortement dépendants de l'énergie nucléaire : la France
domine avec 58 centrales. La Grande-Bretagne en a 19, l'Allemagne 17, la Suède
10, la Belgique, qui est minuscule, en a 7 et la Suisse 5. Le Canada possède 18
centrales nucléaires, dont 16 d'entre elles sont situées au sud de l'Ontario.
Une catastrophe à cet endroit entraînerait la contamination par radioactivité
des Grands Lacs, la plus grande réserve d'eau potable au monde.
Tant le risque de catastrophe naturelle
que la dangereuse proximité des grands centres urbains ont été ignorés. Ces
préoccupations sont insignifiantes aux yeux des puissants intérêts patronaux et
financiers qui tirent profit de la production d'énergie ou des gouvernements
impérialistes qui cherchent à se garantir un approvisionnement énergétique dans
un contexte mondial de plus en plus compétitif
Depuis les attaques terroristes du 11
septembre 2011, les États-Unis et d'autres puissances impérialistes n'ont cessé
de mettre en garde contre le danger du terrorisme nucléaire. La conseillère de
Bush à la Sécurité nationale, Condoleezza Rice, avait agité le spectre du
« champignon atomique » si les États-Unis n'envahissaient pas
immédiatement l'Irak pour saisir les « armes de destruction massive »
de Saddam Hussein.
Les événements au Japon viennent
démontrer que le principal danger de dévastation nucléaire vient du
fonctionnement du système économique capitaliste, pas du terrorisme. Ce sont
les opérations de Tokyo Electric Power (TEPCO), Toshiba et General Electric qui
menacent aujourd'hui de dévaster le Japon.
TEPCO est bien connu au Japon pour avoir
souvent dissimulé des problèmes de sécurité sur ses réacteurs nucléaires.
Toshiba a bâti le complexe Fukushima à partir d'un plan élaboré par General
Electric qui, selon le New York Times, fut vendu comme étant
« moins cher et plus facile à bâtir, en partie parce qu'il utilise une
structure de confinement relativement moins chère et plus petite. »
Les désastres produits par le système
capitaliste se sont succédé durant la dernière décennie : les guerres
coloniales en Afghanistan et en Irak; la destruction de la Nouvelle-Orléans
lorsque les digues ont cédé durant l'ouragan Katrina; le plus grand
effondrement financier dans l'histoire mondiale, plongeant le monde dans une
crise économique; l'empoisonnement du golfe du Mexique par BP. Aucun dirigeant
d'entreprise ou politicien capitaliste n'a été tenu responsable de ces
calamités.
Ces évènements révèlent l'anarchie
intrinsèque au système capitalisme ainsi que l'irresponsabilité criminelle de
la classe capitaliste : l'incapacité de planifier, l'incapacité de
construire ou maintenir l'infrastructure sociale, l'incapacité de faire
respecter les règlements de sécurité. Le travail de la classe ouvrière
internationale a produit plus de richesses qu'à n'importe quel moment de
l'histoire, mais ces ressources ne sont pas utilisées pour servir les besoins
sociaux, car toute la vie économique est soumise à la folie de richesse l'élite
dirigeante.
Les travailleurs doivent tirer les
conclusions nécessaires des catastrophes que le système capitaliste produit.
Les immenses ressources économiques de la société moderne doivent être retirées
des mains de l'aristocratie financière et placées à la disposition de la
population tout entière. La planification rationnelle doit remplacer l'anarchie
du marché. Le développement harmonieux de l'économie mondiale doit remplacer la
lutte d'États-nations rivaux. Cela se traduit par la lutte pour le socialisme
international.