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Le parlement français donne son approbation aux mesures d’austérité

Par Kumaran Ira
28 novembre 2011

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Le 16 novembre, la Chambre des députés du parlement français a voté un budget 2012 comprenant une nouvelle série de mesures d’austérité récemment annoncée par le gouvernement droitier du président Nicolas Sarkozy. Son but est de ramener le déficit budgétaire à 3 pour cent du produit intérieur brut (PIB) d’ici 2013 afin de préserver la note de crédit AAA de la France.

Le budget a été approuvé à l’Assemblée nationale par 315 voix contre 198. Il sera ensuite examiné par le sénat qui est contrôlé par l’opposition de « gauche » bourgeoise du Parti socialiste (PS).

Ce budget est censé être le dernier avant les élections présidentielles de 2012 lors desquelles Sarkozy aura pour rival le candidat du PS, François Hollande. Hollande a aussi promis de faire passer le déficit à 3 pour cent d’ici 2013 au moyen de coupes massives dans les dépenses sociales.

Le gouvernement avait annoncé le 7 novembre une nouvelle série de mesures d’austérité dont une économie de 65 milliards d’euros d’ici 2016, en plus des coupes annoncées en août après sa révision à la baisse de 1,7 à 1 pour cent de sa prévision de croissance pour 2012. Le montant total de la réduction des coûts prévue pour 2012 est d’environ 18 milliards d’euros.

Faisant l’éloge du budget 2012 pour ses réductions sociales les plus mémorables de l’histoire, la ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l’Etat, Valérie Pécresse, a dit au micro d’Europe1 : « On va demander aux Français des efforts que nous ne leur avons jamais demandé. C’est un budget d’effort. Nous voulons nous désendetter. »

Les travailleurs seront les plus durement touchés par les nouvelles mesures qui entreront en vigueur début 2012. La mesure comprend une augmentation de la taxe à la valeur ajoutée (TVA) de 5,5 à 7 pour cent pour un certain nombre de services et de produits dont l’eau, l’alimentation et les livres ; l’âge légal de départ en retraite à 62 prendra effet en 2017 au lieu de 2018 ; la réduction des dépenses de santé ; la réduction des allocations familiales et de logement, qui seront indexées sur la croissance économique et non plus sur l’inflation.

Le gouvernement a annoncé une majoration de l’impôt sur les sociétés dont le chiffre d’affaires dépasse 250 millions d’euros – une mesure relativement bien plus faible que les réductions des dépenses sociales pour la classe ouvrière.

Le parlement a aussi adopté une nouvelle mesure de réduction des coûts qui fait partie des mesures d’austérité : une augmentation du nombre de jours non indemnisés en cas d’arrêt maladie pour les salariés du privé et du public dans le but d’économiser 500 millions d’euros. Les travailleurs du secteur public devront renoncer au paiement de leur premier jour d’arrêt maladie et le nombre de jours non indemnisés pour les travailleurs du secteur privé passera de 3 à 4 jours.

Le gouvernement a présenté son budget dans le contexte d’une crise grandissante de l’endettement de la zone euro alors que les marchés financiers et les grandes puissances ont réussi à renverser le gouvernement Papandreou en Grèce et le régime Berlusconi en Italie en vue d’exiger des coupes sociales encore plus importantes. La spéculation sur les dettes souveraines s’est à présent propagée aux économies centrales de l’Europe, y compris l’Italie et la France – dont les coûts d’emprunt obligataire ont considérablement augmenté. Les banques ont relevé à 3,4 pour cent le rendement des obligations de 10 ans françaises, soit le taux le plus élevé depuis dix ans et de 1,5 pour cent supérieur à celui de l’Allemagne.

La dette souveraine française est encore notée à AAA, lui permettant d’emprunter de l’argent à un taux d’intérêt plus bas. Toutefois, elle subit une pression grandissante de la part des marchés financiers en raison de son énorme déficit budgétaire et de la forte exposition des banques françaises aux dettes souveraines de la Grèce, de l’Espagne et de l’Italie. Le montant total de la dette française est de 1,7 mille milliards d’euros soit 85,5 pour cent de son PIB.

Le 10 novembre, Standard & Poor avait d’abord annoncé la dégradation de la note AAA avant de se rétracter en affirmant qu’il s’était agi d’une erreur. Si toutefois sa note de crédit devait être dégradée, les coûts d’emprunt de la France augmenteront drastiquement et de nombreux commentateurs disent que la France ne conservera pas sa note AAA. Dernièrement, certains économistes et l’ancien conseiller présidentiel, Jacques Attali, ont confié au journal économique La Tribune : « Ne nous faisons pas d’illusion : sur les marchés, la dette (française) n’est déjà plus AAA. »

Confrontées à une compétitivité en baisse par rapport à leurs rivaux économiques, les grandes entreprises françaises réclament des réformes structurelles afin de réduire drastiquement les salaires et autres coûts de main-d’œuvre. Les associations patronales, le Mouvement des entreprises de France (Medef) et l’Association française des entreprises privées (Afep), s’étaient plaintes dernièrement de la perte de compétitivité de la France, notamment par rapport à l’Allemagne pour ce qui est des parts de marché à l’exportation, la balance des paiements et les coûts de main-d’œuvre et de production. Selon Eurostat, le coût horaire du travail est passé en France de 24,40 euros en 2000 à 33,40 euros en 2010 ; en Allemagne il a augmenté de 26,30 euros à 33,20 durant la même période.

Dans le but d’accroître la compétitivité, l’Afep a proposé un « assainissement des finances publiques par la baisse des dépenses, la réduction du coût du travail via la création d’une TVA sociale et la suppression des 35 heures. »

Pour répondre à leurs exigences, Sarkozy a annoncé vouloir nommer un comité consultatif regroupant des associations patronales et des syndicats, qui se mettrait au travail à la fin de l'année. Lors d’un discours prononcé à Bordeaux le 15 novembre il a dit: « Le coût élevé du travail dans notre pays pénalise notre économie. Et pénaliser la France dans la compétition internationale, c’est accroître le risque des délocalisations. »

Le PS a critiqué par la droite les mesures de Sarkozy en affirmant qu’elles étaient insuffisantes pour réduire le déficit. Karine Berger, conseillère économique de Hollande, a dit à Reuters : « François Hollande envisage un effort de 50 milliards d’euros de redressement budgétaire supplémentaire sur 2012 et 2013 pour réduire le déficit public à 3 pour cent. »

Le PS appelle à un soutien de la part du capital financier, qualifiant les coupes de Sarkozy d’insuffisantes et de preuve qu’il est trop faible pour perpétrer les attaques nécessaires à l’encontre de la classe ouvrière.

Nicole Bricq (PS), rapporteur général de la commission des Finances du sénat, a dit que la France est confrontée à une période « un peu confuse où le gouvernement prend à répétition des mesures improvisées » avec des annonces « à minima », en ajoutant « la Commission européenne fait aussi le constat de l’insuffisance du plan Fillon. »

Alors que le gouvernement Sarkozy planifie de nouvelles attaques contre la classe ouvrière, il devra faire face à l’opposition de la classe ouvrière en pleine hausse du chômage et de l’effondrement du niveau de vie des travailleurs. Sarkozy est en mesure de poursuivre les coupes sociales en raison de la duplicité de la bureaucratie syndicale qui soutient les coupes sociales et l’Etat. Les syndicats, tout comme leurs alliés pseudo-gauches tel le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), jouent un rôle important en bloquant un mouvement politique de la classe ouvrière à l’encontre l’ensemble de l’establishment politique.

Bien qu'ils soutiennent les coupes sociales, les syndicats planifient d’organiser une journée de protestation inefficace dans un effort de dissiper le mécontentement populaire. Dans le même temps, ils acceptent le principe des coupes exigées par le gouvernement. François Chérèque de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) a déclaré au journal Le Progrès : « La dette est devenue excessive. Il est inévitable de la réduire pour éviter de la transmettre aux générations futures. »

Le 18 novembre, les principaux syndicats français, dont la Confédération générale du travail (CGT, dominée par le Parti communiste) et la CFDT s’étaient rassemblés pour appeler à une journée nationale de mobilisation le 13 décembre. Ils appellent à une telle manifestation inoffensive après que les mesures de rigueur ont été annoncées il y a près d’un mois et que le parlement aura voté toutes les coupes.

Peu de temps après que les mesures ont été annoncées, le NPA a publié un communiqué proposant que « l’ensemble de la gauche sociale et politique, les syndicats comme les partis, se réunisse dans les prochains jours pour l’organiser. »

Le but d’appeler à une telle action avec les syndicats et d’autres alliés pseudo-gauches est de démobiliser l’opposition de la classe ouvrière à l’encontre des coupes et de la détourner derrière la campagne électorale du PS pour les élections présidentielles de 2012. Ceci est une impasse pour la classe ouvrière au moment où le PS est engagé à poursuivre la politique d’austérité commencée par Sarkozy au nom des marchés financiers et des banques.

(Article original paru le 21 novembre 2011)