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  WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La coalition électorale "anticapitaliste" espagnole : un piège anti-socialiste pour la classe ouvrière

Par Alejandro López
28 novembre 2011

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La coalition Anticapitaliste (Anticapitalistas) est représentée aux élections générales de dimanche en Espagne. Elle a été fondée le mois dernier par la Gauche anticapitaliste (Izquierda Anticapitalista - IA) et inclut Dans la Lutte (En Lucha), la Lutte Internationaliste (Lucha Internacionalista) et Les Verts madrilènes (Los Verdes).

IA est la section espagnole du Secrétariat unifié pabliste. Comme ses contreparties internationales, le Nouveau Parti Anticapitaliste en France et la Gauche Critique italienne, les racines de l'IA remontent à la scission de 1953 de la Quatrième Internationale dirigée par Michel Pablo et Ernest Mandel. Le Comité International de la Quatrième Internationale a été créé pour défendre le marxisme en 1953 contre cette tendance qui a abandonné la lutte pour construire des Partis révolutionnaires indépendants en faveur d'une action en tant que groupe de pression de gauche sur les Partis de masse réformistes et staliniens déjà existants, tout en promouvant des idéologies anti-marxistes dans la classe ouvrière. Les pablistes ont liquidé sections après sections du mouvement trotskiste dans le monde.

Les deux autres Partis de la coalition ont une histoire anti-trotskiste similaire. Dans la Lutte est la filiale espagnole du British Socialist Workers Party, menée par l'International Socialist Tendency (IST), et Lutte Internationaliste est la section espagnole de l'International League of Workers, qui se sont toutes deux formées en se séparant du trotskisme. Les trois organisations se sont réunies dans la coalition Anticapitaliste pour tendre un piège qui vise les ouvriers et les jeunes entrant dans la lutte contre l'ordre existant au moment même où le capitalisme espagnol est menacé par un effondrement financier qui pourrait en faire le candidat suivant pour le traitement de choc déjà infligé à la Grèce et à l'Italie.

Le but de la coalition Anticapitaliste n'est pas de mobiliser les ouvriers et les jeunes afin d'abolir le système du profit et établir des gouvernements ouvriers dans le cadre des États Socialistes Unis d'Europe. Son rôle est d’encourager des mouvements de protestation ayant comme slogan "Pas de politique" et qui visent à bloquer la construction d'une direction authentiquement révolutionnaire fondée sur un programme marxiste.

Son manifeste électoral se concentre sur la menace du néo-libéralisme tout en faisant la promotion de mesures de régulation pour "restabiliser" l'économie et équilibrer le budget. Nulle part dans ses 76 pages n'apparaît le mot "socialisme".

L'élite dirigeante espagnole reconnaît le rôle essentiel que de telles forces ont joué pour disperser le mouvement des "indignados", ou le mouvement M-15, qui s'est développé plus tôt dans l'année. Le quotidien Público a fait le promotion de la coalition et ses deux figures de proue (Le journal est la propriété de Mediapro, qui a été fondé par Jaume Roures, un ancien membre du prédécesseur de l'IA, la Ligue Communiste Révolutionnaire - LCR).

Miguel Urbain, à la tête des Anticapitalistes de Madrid, est fêté comme ce "jeune homme de 32 ans" qui travaille pour une organisation non-gouvernementale sous la menace permanente de perdre son emploi et qui ne gagne "pas plus de 900 euros par mois." Esther Vivas, la candidate des Anticapitalistes à Barcelone, n'a quasiment jamais été absente des rubriques de presse au cours les derniers mois (Lire : "Pourquoi les médias espagnols mettent-ils en avant Esther Vivas de la Gauche anticapitaliste?").

Público compare favorablement les Anticapitalistes à la Gauche unie discréditée (Izquierda Unida) menée par le Parti communiste et dont la fonction d'annexe du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) au pouvoir a rendu plus difficile de lui faire jouer le rôle de soupape de sûreté du système capitaliste. Público estime que les Anticapitalistes "essaieront de s'emparer des votes les plus radicaux à gauche" et que leur devise, "désobéissance", va plus loin que le "rebelle" d'Izquierda Unida et "attirera des citoyens mécontents du système actuel".

En réalité, les Anticapitalistes ont désigné des candidats contre IU seulement après que leurs ouvertures en faveur d'une liste commune ait été rejetées. Ils ont écrit ce mois-ci dans le journal pabliste International Viewpoint : "Izquierda Anticapitalista a tenu une discussion avec Izquierda Unida et d'autres groupes sur la possibilité d'une large candidature unifiée." C'est seulement après avoir été repoussée que l'IA en est venue "à la conclusion qu'il n'y avait aucune volonté réelle de la part de la direction d'IU de se tourner vers la gauche dans les mots ou dans les actes."

Quelles que soient leurs différences tactiques, IA partage avec les ex-staliniens d'IU le rôle d'apologistes pour la bureaucratie des syndicats et du monde du travail. C'est pourquoi, dans toutes ses critiques sur le néo-libéralisme, son manifeste a peu à dire du gouvernement PSOE et des syndicats CC.OO et UGT, qui portent la responsabilité la plus importante dans la victoire annoncée et le retour au pouvoir du Parti populaire de droite, après les élections de dimanche.

Quand on lui a demandé si les Anticapitalistes étaient des trotskistes ou des héritiers du POUM espagnol (Partido Obrero de Unificación Marxista - Parti ouvrier d'unification marxiste), Urban a répondu que "certains de nos membres aiment à s'appeler [trotskistes] et d'autres non." Il a continué : "dans Izquierda Anticapitalista nous nous définissons de beaucoup de façons : les éco-socialistes, les féministes, les marxistes révolutionnaires, les libertariens, les communistes, les guévaristes … nous ne donnons pas beaucoup d'importance à ces questions. La chose importante est le programme et le projet que nous partageons."

Urbain a alors déclaré que c'était "un honneur de se réclamer de la mémoire du POUM, un Parti qui s'est battu pour une révolution socialiste pendant la guerre civile."

Urban dénature le sens de l'histoire. En fait, le POUM a contribué de façon décisive à étrangler la révolution espagnole, ce qui a conduit à la destruction de l'organisation et au meurtre par les staliniens de son chef, Andres Nin. Le rôle du POUM consistait à fournir une couverture de gauche au gouvernement de Front populaire bourgeois. Il était devenu le principal obstacle pour la construction d'un Parti capable de mener la Révolution espagnole à la victoire. C'est le même rôle que les Anticapitalistes jouent aujourd'hui.

Le manifeste glorifie le mouvement "indignados" à cause de son manque de direction et parce qu'il est "auto-organisé" et "se représente lui-même". Il enjoint aux "organisations de gauche […] de ne pas se mêler, de ne pas établir d’hégémonie, de ne pas représenter le mouvement, mais d'y participer fidèlement, en fournissant des capacités et des propositions, pour contribuer à son renforcement, disposés à apprendre chaque jour du mouvement réel lui-même."

Il s'agit d'une fraude commise par des opérateurs politiques de longue date tentant de dissimuler leur identité réelle. L'IA a joué un rôle critique dans la formulation insistante du "Pas de politique", "Pas de direction" et une structure "horizontale" - autrement dit, aucun défi à la politique dominante de la bureaucratie sociale-démocrate et syndicale, aucune analyse du rôle de ceux qui ont contribué à la crise actuelle, et aucune possibilité de développer la conscience de la classe ouvrière et de la jeunesse.

Le chef de l'IA Miguel Romera s'est vanté, "Nous avons été présents aux rassemblements depuis le commencement. Nous avons participé à l'élaboration du Manifeste. Nous avons de très bonnes relations avec le courant autonome non-sectaire, qui est très présent dans le mouvement. D'une façon générale, il est nécessaire d'être très prudent et réservé, notamment par rapport à l'affirmation de soi : les drapeaux, les autocollants, et cetera."

Tout en demandant qu'il n'y ait pas de politique et de direction, le manifeste Anticapitaliste est rempli des revendications que le "mouvement" devrait adopter. Il est envahi par la politique identitaire, substituant le genre, la race et l'orientation sexuelle à la notion de classe.

On n'y dit rien en fait de demander des comptes à l'oligarchie financière pour les activités spéculatives criminelles qui ont causé la crise financière globale. Au lieu de cela, le manifeste demande simplement un "audit de la dette privée et publique" pour comprendre "comment, dans quelles conditions et dans quel but les ressources financières ont été utilisés pour causer la dette publique."

Selon IA, la banque centrale espagnole devrait être renforcée pour lui permettre "de respecter ses obligations," déclare le document, en ajoutant que les banques "qui ont participé aux activités criminelles ou à la fraude sur les taxes" devraient être nationalisées. Les autres devraient être plus sévèrement régulées et les transactions financières devraient être taxées.

Ces revendications ne sont pas différentes de celles promues par les organisations semi-officielles comme Attac, qui ont cherché à persuader des sections de l'élite dirigeante d'adopter des formes de régulation économique nationale pour prévenir le développement d'un mouvement politique contre le capitalisme. Leur objectif est d'insister pour que les ouvriers mettent leur confiance dans l'Etat nation et son élite qui, par la pression, pourrait, suppose-t-on, agir dans le sens de "l'intérêt national", tout en acceptant que les travailleurs endossent la responsabilité de la dette "légitime".

La ligne nationaliste du manifeste continue avec son refus de demander des États Socialistes Unis d'Europe. Il recommande à la place une République fédérale avec le droit d'auto-détermination pour tous "les peuples" de l'Espagne. Mis en pratique, cela voudrait dire la balkanisation de l'Espagne dans des mini-états difficilement viables s'appuyant sur un régionalisme nationaliste et ethnique réactionnaire où chacun serait en concurrence avec l'autre pour attirer le capital financier international.

Dans le pays basque, où le séparatisme est le plus fort, les Anticapitalistes critiquent le soi-disant "Parti nationaliste de gauche" Bildu, qui s'est présenté seul pour la première fois aux élections régionales de mai, gagnant 32% du vote, seulement pour la raison qu'il a manqué de faire "la plus petite auto-critique sur les politiques néo-libérales qui ont été mises en place par les gouvernements dont il faisait partie". Pourtant, ils refusent de présenter des candidats contre les "nationalistes de gauche", en demandant simplement un vote contre ceux "qui ont soutenu les coupes sociales et de salaires, etc.". C'est une forme de soutien indirect en faveur de la section basque Gauche unie, EzkerBatua-Berdeak (EB-B).

Le manifeste demande le retrait de troupes espagnoles de l'Afghanistan, du Liban, de la Libye et de la Corne de l'Afrique et demande un boycott contre Israël. Mais il ne mentionne pas qu'en février, les deux principaux représentants de la coalition, Esther Vivas et Josep Maria Antentas, recommandaient "l'isolement international politique et économique du régime [libyen] et la fourniture sans condition d'armes aux rebelles". Exactement ce que les pouvoirs européens et les Etats-Unis ont fait pour réaliser le changement de régime et installer le régime fantoche de style colonial actuel.

(Article original publié le 19 novembre 2011)

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