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WSWS : Nouvelles et analyses : Afrique et Moyen-Orient

La Syrie devient la cible d'une intrigue impérialiste après sa suspension par la Ligue arabe

Par Chris Marsden
26 novembre 2011

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L'échéance de trois jours imposée mercredi à la Syrie par la Ligue arabe pour qu'elle remplisse ses engagements est une provocation politique. Elle contient des termes que le gouvernement syrien ne saurait accepter, à savoir permettre à d'autres régimes du Moyen-Orient de poursuivre une intervention contre Damas appuyée par l'impérialisme.

Le plan de la Ligue arabe exige que la Syrie retire ses chars des villes en proie à l'agitation, cesse les attaques contre les protestataires, libère les prisonniers et engage le dialogue avec l'opposition. Dans les conditions actuelles, ceci nécessiterait que le régime baathiste du président Bashar al-Assad commette un suicide politique. Ceci signifierait accepter d'abandonner toute action militaire tandis que des insurgés armés opèrent sous la protection de la Turquie, des Etats du Golfe, du Liban et, en coulisse, des Etats-Unis et de la France.

L'ultimatum rappelle l'accord de Rambouillet de février 1999 qui n'avait fixé des exigences à la Serbie que pour justifier la guerre - en concédant de fait l'indépendance au Kosovo et un accès libre et sans restriction dans tout le pays aux forces de l'OTAN. La suspension par la Ligue arabe laisse aussi à l'OTAN les mains libres pour mener la guerre en Libye.

L'« opposition » à laquelle fait allusion la Ligue arabe est le Conseil national syrien basé en Turquie et qui est à présent reconnu de fait par les Etats arabes. Le CNS refuse de négocier avec Assad à moins qu'il n'accepte de démissionner.

Alors même que l'ultimatum était lancé, des rapports faisaient état d'attaques militaires de la part de l'armée syrienne libre (ASL), qui est également basée en Turquie et au Liban, tuant des dizaines de soldats de l'armée régulière et attaquant des installations clé situées près de la capitale, Damas.

Mercredi, des membres de l'ASL ont tiré avec des lance-roquettes portés à l'épaule et des mitrailleuses sur une base clé des services de renseignement aérien située au Nord de Damas. Des rapports non confirmés ont précisé que 20 membres des forces de sécurité pourraient avoir été tués ou blessés lors de l'attaque. Le même jour, ils ont annoncé la formation d'un conseil militaire provisoire dont le but est d'évincer du pouvoir Assad sous la direction du colonel Riad al-Asaad.

Une embuscade tendue en début de semaine dans la province méridionale de Deraa par des « activistes de l'opposition » et qui comprendrait des membres de l'ASL a tué 34 soldats et 12 insurgés.

En s'exprimant sur Al Jezeera, le colonel Ammar al-Wawi, commandant du bataillon Ababeel de l'ASL, s'est vanté de ce que son bataillon avait perpétré des attaques dans « d'autres régions » dans le Nord de la Syrie, dont les villes de Maaret al-Numan, Kafr Nabl, Jabal al Zawyeh et Kfar Roumeh.

L'ASL, organisation sectaire exclusivement sunnite, affirme disposer de 22 bataillons et de plus de 10.000, 15.000 et même 25.000 membres, répartis sur tout le pays. Elle avait dernièrement annoncé la défection du colonel Rashid Hammoud Arafat et du colonel Ghassan Hleihel de la Garde républicaine.

Les informations sur l'adhésion au CNS sont largement contestées. Rami Abdel Rahman, le chef de l'Observatoire syrien des droits de l'homme sis au Royaume-Uni, estime que moins de 1.000 soldats ont déserté de l'armée régulière. Mais, quels que soient les chiffres impliqués, il est incontestable que l'ASL opère sous l'égide du gouvernement turc de Racep Erdogan.

L'aspect le plus significatif de la réunion au sommet à Rabat est à bien des égards la mesure dans laquelle la Ligue arabe - qui est dirigée par les monarchies despotiques des Etats du Golfe, d'Arabie saoudite et du Qatar - collabore avec la Turquie.

En écrivant dans le Telegraph, Shashank Joshi, a remarqué : « Il est étonnant que tant d'Etats policiers stagnants se prononcent contre le meurtre de protestataires même si leur indignation n'est ni sincère ni cohérente. En début d'année, ils avaient suspendu la Libye en faisant pression pour qu'une zone d'exclusion aérienne soit imposée au-dessus du territoire. Ceci se révéla être essentiel à l'ONU, lui permettant de donner le feu vert à la guerre de l'OTAN contre le colonel Kadhafi et envoyant au combat, côte à côte pour la première fois depuis la première guerre du Golfe, des forces arabes et occidentales. »

Joshi a poursuivi, « Au début de l'année, il était à peine pensable que des Etats arabes finiraient par encourager une guerre de l'OTAN en Afrique du Nord, et maintenant leur attention se porte sur le cour même du Levant [région du Moyen-Orient dont fait partie la Syrie]. »

En ouvrant la voie à une nouvelle intervention militaire, l'objectif clé des Etats du Golfe et des autres puissances arabes est d'affaiblir l'Iran en éliminant son allié régional clé à Damas.

Une intervention militaire directe des Occidentaux tout comme en Libye est, du moins pour le moment, très improbable. La Russie et la Chine sont contre, opposant leur veto au Conseil de sécurité de l'ONU à toute action contre Assad. Moscou et Beijing reconnaissent que, comme dans le cas de la Libye, les Etats-Unis poursuivent des projets afin de dominer le Moyen-Orient et ses richesses pétrolières en éliminant l'Iran en tant que puissance régionale et en renforçant leurs alliés - la Turquie, l'Egypte, Israël et les Etats du Golfe.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, a ainsi qualifié la situation en Syrie : « Nous voyons des reportages télévisés disant qu'une certaine force nouvelle, la soi-disant Armée syrienne libre, je crois, organise une attaque contre un bâtiment gouvernemental. C'est déjà quelque chose qui ressemble à une véritable guerre civile. Il est nécessaire de stopper la violence d'où qu'elle vienne. C'est important parce que la violence en Syrie ne vient pas seulement de l'appareil gouvernemental. »

Dans ces conditions, une intervention de la Turquie paraît de plus en plus possible avec Ankara opérant par procuration en tant que force impérialiste en bénéficiant du soutien des Etats-Unis, de la France et du Royaume-Uni. La Turquie a déjà imposé unilatéralement des sanctions et annulé des projets conjoints de prospection pétrolière et elle envisage de couper l'approvisionnement en électricité à la Syrie.

Cette semaine, Erdogan a mis en garde Assad, « Ceux qui tirent sur leur propre peuple entreront dans l'histoire comme des dirigeants qui se nourrissent de sang, » pour ajouter : « Personne ne s'attend désormais à ce que les exigences du peuple soient satisfaites. »

Le ministre des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, qui était présent à Rabat, a déclaré qu'il n'était « plus possible de faire confiance au gouvernement syrien. »

La Turquie, tout en parrainant le CNS et en organisant les provocations de l'ASL, a menacé à maintes reprises de vouloir mettre en place une « zone tampon » dans le Nord de la Syrie - ce qui signifierait une intervention militaire directe.

Les groupes d'opposition exigent d'ores et déjà une telle action. Pour Ankara le problème est toutefois d'obtenir l'appui des grandes puissances. Le conseiller turc en politique étrangère, Abdullah Gul, a dit aux médias : « La protection des civils est certainement très importante. Mais ce qui compte c'est une résolution internationale en la matière. Il est exclu pour nous de procéder tout seul. »

Quant aux Etats-Unis, ils cherchent à peine à dissimuler à quel point ils collaborent avec la Turquie, ce qui a incité Simon Tisdall à écrire dans le Guardian : « Dans cette insistance en faveur d'un acte final en Syrie, ils jouissent pleinement du soutien enthousiaste des Etats-Unis pour lesquels ils agissent en fait comme mandataire local en opposition aux acteurs extérieurs telle la Russie pro-syrienne. »

Ben Rhodes, le conseiller adjoint de sécurité nationale de Barack Obama, a carrément déclaré : « Nous saluons vigoureusement la forte position adoptée par la Turquie et croyons qu'elle envoie un message claire au président Assad qu'il. doit démissionner. »

Le porte-parole adjoint du département d'Etat, Mark Toner, a tenu à signaler qu'il qualifiait de « compréhensible » l'attaque de l'ASL contre la base des services de renseignement au Nord de Damas. Il n'est pas surprenant que nous assistions à ce genre de violence, » a-t-il dit. Bien que les Etats-Unis soient en contact avec une multitude de figures d'opposition syriennes, Toner a affirmé ne « pas être au courant » de relations avec l'ASL.

La France joue un rôle encore plus actif dans la campagne visant à évincer le régime Assad. Le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, a entamé hier et aujourd'hui des pourparlers avec la Turquie. En réponse mercredi à une question d'actualité à l'Assemblée nationale, il a prévenu que « l'étau se resserre » autour du régime d'Assad. « Le peuple syrien va gagner son combat et la France continuera à tout faire pour. »

Parmi les questions qui sont débattues figure l'unification des forces disparates du Conseil national syrien - dirigées par un groupe hétéroclite d'« agents» de la CIA, connu comme la Déclaration de Damas et les Frères musulmans - et des forces anti-Assad financées de longue date par Paris.

Les deux figures influentes citées donnent une idée du caractère du régime censé remplacer Assad : tout aussi répressif, mais davantage aligné sur Washington contre l'Iran.

Le personnage le plus en vue est Rifaat al-Assad, l'oncle d'Assad et le plus jeune frère de l'ancien président, Hafez al-Assad. Il avait personnellement supervisé le massacre de Hama en février 1982, une action brutale pour réprimer une révolte des Frères musulmans qui aurait fait des dizaines de milliers de morts. La raison de son exil avait exclusivement été le résultat d'une tentative de sauvegarder sa propre succession, initialement au moyen d'un coup d'Etat militaire impliquant 55.000 soldats.

En seconde position se trouve Abdul Halim Khaddam, vice-président de Syrie de 1984-2005. Musulman sunnite, c'était un fidèle du père d'Assad qui fut limogé au milieu de rumeurs de tentative de prise de pouvoir. Il a publiquement reconnu avoir bénéficié du soutien de Washington et de l'Union européenne dans ses efforts pour renverser le régime Assad.

(Article original paru le 18 novembre 2011)

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