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Les principaux partis du Royaume-Uni s'unissent pour exiger une intervention de l'Allemagne au sujet de la crise de l'euro

Par Julie Hyland
24 novembre 2011

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Les dirigeants politiques des principaux partis de Grande-Bretagne se sont associés pour mettre en garde contre une « apocalypse économique » en cas d'effondrement de la zone euro.

Le secrétaire d'Etat britannique au Commerce et député libéral démocrate, Vince Cable, a fait cette prédiction sinistre lors d'une interview ce week-end alors que des gouvernements « de technocrates » étaient mis en place en Grèce et en Italie, sans que la population puisse donner son avis, dans le but d'imposer des mesures d'austérité encore plus sévères.

Le chancelier conservateur, George Osborne, avait précédemment décrit la situation comme « dangereuse » alors que l'ancien premier ministre Tony Blair avait dit que l'effondrement de la zone euro serait « une catastrophe ».

Leurs avertissements ont devancé les chiffres devant être publiés ce jour et montrant une augmentation du chômage au Royaume-Uni et le chômage des jeunes passant, pour la première fois dans les annales, la marque d'un million. Un rapport de l'Union européenne (UE) a constaté que le RU était sérieusement exposé à une récession à double creux, tandis que la Banque d'Angleterre devrait réduire de moitié ses prévisions de croissance pour 2012 de 2,1 pour cent pour 2012.

Avec 40 pour cent des exportations britanniques allant dans la zone euro, le premier ministre David Cameron a dit que le Trésor était en train d'élaborer des plans d'urgence de façon à couvrir « tous les cas de figures. »

Leurs déclarations n'expriment nullement une préoccupation concernant les difficultés grandissantes auxquelles est confrontée la population laborieuse. En Grande-Bretagne, le gouvernement de coalition entre les conservateurs et les libéraux-démocrates a imposé l'un des plans d'austérité les plus sévères d'Europe, entraînant la perte de dizaines de milliers d'emplois partout dans le secteur public et privé. Le gouvernement utilise en premier lieu la crise de la zone euro pour justifier ses coupes dans les dépenses. Osborne a dit que la crise en Europe était « une raison de plus pour que nous, en Grande-Bretagne, traversions cette tempête en prenant les décisions difficiles que nous prenons, en décidant nous-mêmes - au lieu d'y être contraints par les marchés. »

Mais surtout, la raison des avertissements lancés par tous les partis est de faire pression sur l'Allemagne pour qu'elle renonce à son opposition à ce que la Banque centrale européenne (BCE) agisse en tant que « bailleur de fonds de dernier ressort. » Cable a dit, « la question politique clé c'est l'Allemagne et la volonté de l'Allemagne de faire ce qu'elle doit faire pour faire fonctionner la zone euro. »

La chancelière Angela Merkel et la Banque centrale allemande, la Bundesbank, se sont toujours opposés aux exigences de Washington et de Londres pour que l'Allemagne engage des fonds additionnels au plan d'aide EFSF afin de renflouer les économies européennes. Le patron de la Bundesbank, Jens Weidmann, a insisté en disant que ceci constituait une violation des traités européens qui interdisent « le financement monétaire. »

Le président français, Nicolas Sarkozy, est également connu pour préconiser un rôle plus grand de la BCE. A la veille du sommet d'octobre des 17 membres de la zone euro, toutefois - et confronté à la perspective d'une défaillance de la Grèce de satisfaire les termes de ses emprunts auprès de l'Union européenne, du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque centrale - il avait été obligé de céder à l'Allemagne. Au lieu de cela, le sommet de la zone euro a annoncé de vagues plans pour « renforcer » l'EFSF de 440 milliards à 1 millier de milliards de fonds additionnels du FMI, de la Chine et de la Russie, et que les détenteurs d'obligations grecques acceptent une décote « volontaire » allant jusqu'à 50 pour cent.

Ceci n'a pas réussi à écarter la menace d'une défaillance grecque. Wolfgang Münchau a écrit dans le Financial Times que c'est la décision de « renégocier la participation du secteur privé des détenteurs de titres de la dette souveraine grecque » qui a tout particulièrement irrité les marchés. « Les investisseurs l'ont interprété - et fort justement à mon avis - comme un précédent. Ils se sont ensuite débarrassés de leurs obligations souveraines portugaises, espagnoles, italiennes et même françaises. »

Alors que la crise s'aggravait, Londres et Washington ont refusé de faire, au sommet du G20 à Cannes, tout engagement spécifique d'argent du FMI pour venir en aide à la zone euro. Après que la Chine eut aussi refusé de jouer le jeu, Cameron a dit que le monde avait « envoyé un message clair à la zone euro. Faites un effort, après quoi nous vous aiderons. Et pas l'inverse. »

Les appels à une intervention de la BCE visent à faire parvenir aux banques davantage de sommes massives de fonds publics notamment aux banques de Washington et de Londres qui sont impliquées dans l'assurance des dettes des soi-disant pays « PIGS » - le Portugal, l'Italie, l'Irlande, la Grèce et l'Espagne - et qui sont lourdement investies dans d'autres pays européens.

L'agence de notation Fitch a fait remarquer qu'en mai 2011, les marchés financiers américains avaient une exposition d'environ 1,2 millier de milliards de dollars au système bancaire européen - soit près de la moitié de l'ensemble de leurs actifs. La Banque des règlements internationaux a déclaré que les banques américaines ont une exposition directe de 500 milliards de dollars aux pays de la périphérie de l'UE par l'entremise de contrats de dérivés et d'une exposition de plus de 1,2 millier de milliards de dollars aux banques allemandes et françaises.

Dans son interview, Cable a dit que la BCE doit être dotée « d'un pouvoir d'intervention illimité. » « En 2008, nous avons remarqué dans notre propre pays que nous avons besoin d'une banque centrale forte qui soit capable de faire ceci. »

C'était là une référence au plan d'« assouplissement quantitatif » à hauteur de plusieurs milliards de livres sterling accordé par le gouvernement travailliste aux banques britanniques. Le mois dernier, la Banque d'Angleterre a imprimé 75 milliards de livres sterling supplémentaires en les injectant dans le système bancaire. Ces fonds sont récupérés sur les emplois, les salaires et les services vitaux des travailleurs. Le même programme capitaliste, même encore plus draconien, est appliqué en Grèce et ailleurs.

En dépit des signaux d'alarme émis sur le sort de la zone euro, des tensions nationales sont en train de se développer entre les principales puissances européennes. Le président de la Commission européenne, Jose Manual Barroso, a carrément déclaré le 6 novembre dans l'Observer : « J'espère que lorsque les historiens étudieront cette époque inédite, ils comprendront que nous avons évité l'éclatement. »

« L'espace euro ne doit pas être traité comme une clause de 'non participation' à l'Union européenne. Le défi est de savoir comment approfondir davantage l'espace euro sans provoquer des divisions avec les Etats-membres qui n'en font pas encore partie. »

Ceci a été considéré comme un reproche à l'encontre de l'Allemagne et de la France qui élaboreraient des projets pour créer une zone euro plus intégrée et plus petite, sans la Grèce et d'autres économies plus faibles. Et ceci s'adressait également à l'importante aile eurosceptique du Parti conservateur britannique qui exige un retrait total ou partiel de l'UE. Le mois dernier, on a assisté à la plus grande rébellion des députés conservateurs contre le refus du gouvernement de tenir un référendum sur l'adhésion de la Grande-Bretagne à l'Union européenne.

Le sommet de la zone euro avait arrêté des mesures de rigueur punitives pour la Grèce et l'Italie qui sont soumises à la discipline fiscale du « Groupe de Francfort ». Le rédacteur en chef de la rubrique économique du Guardian, Larry Elliot, a décrit ceci comme « une cabale non élue composée de huit personnes », dont Christine Lagarde du FMI, Merkel, Sarkozy, le président de la BCE, Mario Draghi, et Barroso. Ceci s'est terminé par l'imposition de gouvernements non élus dirigés par des « technocrates » et qui doivent rendre des comptes  directement à la « cabale » de Francfort. Blair a défendu ce processus en disant : « La raison pour laquelle les gens ont recours à ce genre de dirigeants est qu'ils veulent simplement résoudre le problème. »

Pour la bourgeoisie britannique, la crise réside en ce que sa demande d'une intervention de la BCE et d'un soutien à des mesures d'austérité encore plus importantes en Europe, renforce la décision en faveur d'une consolidation politique et fiscale de plus en plus grande dans la zone euro. Avec la France se trouvant à présent dans le collimateur des marchés, alors qu'il n'y a toujours pas d'accord quant à la manière dont l'EFSF peut lever des fonds, l'Allemagne dicte les termes de tout « sauvetage » de l'euro. Ce développement risque de totalement isoler le Royaume-Uni.

Lundi, Merkel a dit lors d'une conférence de son parti, l'Union démocrate-chrétienne (CDU) que la tâche était « de parachever l'union économique et monétaire et de construire l'union politique de l'Europe. »

Les traités de l'UE doivent être modifiés afin de permettre l'intégration, et il faut qu'il y ait la possibilité de soumettre les pays endettés à des sanctions sévères s'ils n'appliquent pas la discipline monétaire. Elle aurait apparemment averti Cameron, un peu plus tôt, que le RU devait soutenir ces modifications faute de quoi, l'Allemagne et la France oeuvreraient pour une Europe à « deux vitesses. »

Dans son discours prononcé lors du banquet du Lord Mayor à Londres ce soir-là, Cameron a riposté. « Nous, les sceptiques, avons de bonnes raisons, » a-t-il dit en attaquant l'UE pour son « ingérence, ses règlementations et ses régulations. » La crise de la zone euro était une « occasion pour commencer à refaçonner l'UE afin qu'elle serve mieux les intérêts de cette nation, » a-t-il dit.

Tout en déclarant qu'une sortie de l'UE serait dommageable à la Grande-Bretagne, Cameron a dit à son auditoire composé d'influents financiers que tout référendum sur des modifications du traité de l'UE devait « rapatrier » des pouvoirs de Bruxelles vers les Etats-nations.

Cameron ne critiquait pas par là la politique de changement de régime appliquée en Grèce et en Italie. Il veut disposer du pouvoir de mettre hors d'usage les régulations communautaires relatives à la durée et aux conditions de travail, ainsi qu'une vaste extension de la privatisation des services publics en Europe au profit du capital privé. Il s'est aussi opposé aux propositions allemandes pour une taxe sur les transactions financières à l'échelle européenne. Le chancelier George Osborne a décrit ceci comme une « balle tirée en plein cour de la cité de Londres. »

Cette politique conservatrice est soutenue par le parti travailliste. Le chancelier de l'Echiquier du cabinet fantôme, Ed Balls, a plaidé pour que la Grande-Bretagne continue de retenir le versement de fonds au FMI jusqu'à ce que l'Allemagne garantisse de protéger la zone euro. Le porte-parole travailliste chargé des Affaires internationales, Douglas Alexander, a dit que le gouvernement devrait « se faire à l'évidence que l'Allemagne cherche à modifier le traité qui impose une plus grande discipline au sein de la zone euro et profiter de l'occasion pour sauvegarder les droits des non membres de l'euro. »

Le journal Independent a dit, « L'équipe dirigeante des deux partis et peut-être même de tous les trois, est presque d'accord sur une question qui déchire la politique britannique depuis quatre décennies. »

Cette unité se fonde sur une politique visant à accélérer la désintégration de l'Europe selon des frontières nationales, ce qui ne peut avoir que les conséquences les plus désastreuses pour la classe ouvrière.

(Article original paru le 16 novembre 2011)

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