Le parti Die Linke (La Gauche) a été battu aux élections du 18 septembre
au bout de dix ans au pouvoir au sein de la coalition avec le Parti
social-démocrate (SPD) à Berlin durant laquelle il a appliqué une orgie sans
précédent de coupes sociales. La population de Berlin a appris la leçon
politique après une décennie de politique « rouge-rouge ». Il y a peu de
différence entre un gouvernement composé du SPD et de Die Linke et n’importe
quel autre regroupement de partis politiques bourgeois.
La participation de Die Linke au parlement de la ville-Etat de Berlin
était devenue nécessaire il y a dix ans pour stabiliser le statu quo
politique après l’éclatement du scandale bancaire qui s’était développé sous
la « grande coalition » précédente entre l’Union chrétienne-démocrate (CDU)
et le SPD. La coalition SPD-Die Linke avait continué à appliquer un
programme de réduction des dépenses publiques qu’aucun autre parti n’aurait
été en mesure de faire à l’époque. Seul Die Linke – tel un loup dans la
bergerie – avait été capable d’imposer des attaques sans pareil en dégradant
le tissu social à Berlin tout en contrôlant et en détournant l’opposition
contre ces attaques de par sa collaboration avec les dirigeants syndicaux.
Cette politique de Die Linke a été soutenu tout au long par de faux
groupes de gauche, tel l’Alternative socialiste (Sozialistische Alternative
Voran, SAV, affilié à la Militant Tendency britannique) qui s’est employé
avec diligence pour couvrir chaque déclaration de la politique droitière du
parti Die Linke d’un écran de fumée fait de slogans gauchistes et
d’illusions. L’objectif de tels groupes est de bloquer le développement de
toute opposition indépendante de la classe ouvrière dans sa volonté de
s’affranchir de leur contrôle. Avec l’intensification de la crise du
capitalisme, ces groupes se rapprochent de plus en plus de Die Linke en
l’accompagnant dans son virage toujours plus à droite.
En 2008, après le déclenchement de la crise financière mondiale, Die
Linke avait signalé son soutien au plan de sauvetage des banques –
l’injection de milliards d’euros d’argent public dans les coffres des
banques. C’est à ce moment précis que le SAV a décidé de rejoindre le parti
Die Linke.
Par la suite, ils ont fait campagne pendant deux ans pour la droite et
tous ses membres ont adhéré à Die Linke dans le but de conférer à ce parti
un « vernis de gauche » de l’intérieur. Il y a cinq ans, le SAV exprimait
encore, du moins en paroles, son opposition à la politique de Die Linke,
aujourd’hui ce sont ses membres qui ont organisé la récente campagne
électorale du parti Die Linke. Les électeurs n’ont pourtant pas eu l’air
d’avoir été impressionnés.
Durant les cinq premières années du gouvernement de la coalition
« rouge-rouge », Die Linke avait déjà perdu un grand nombre de ses
partisans. Lors des élections en 2001, Die Linke (à l’époque encore en tant
que PDS, Parti du socialisme démocratique) avait pu recueillir 366.292 voix
(22,6 pour cent) : en 2006 il n’avait obtenu que 185.185 voix (13,4 pour
cent).
Malgré le fait toutefois que le SAV a depuis fusionné avec Die Linke, ce
dernier a perdu encore plus de voix. Lors des dernières élections à Berlin,
le parti avait tout juste obtenu 170.829 voix (11,7 pour cent).
Le déclin du soutien pour Die Linke doit être salué sans réserve. C’est
l’expression d’une désillusion politique qui est absolument nécessaire pour
préparer la classe ouvrière aux luttes à venir. Le SAV par contre a réagi
tout alarmé par la défaite de son parti en intensifiant ses efforts afin de
se présenter devant l’establishment politique traditionnel comme une
alternative viable.
Le 21 septembre, le SAV a publié un article sur son site internet
analysant les résultats des récentes élections à Berlin. Dans cet article,
il a été obligé d’admettre que la raison de l’échec électoral de Die Linke
avait été sa politique sociale destructrice. Malgré cela, il continue
d’appeler à plus de soutien pour la construction de ce même parti.
« Les salariés, les jeunes actifs et les chômeurs doivent se préparer
pour des temps difficiles à venir, » écrit le SAV. « Ils ont besoin
d’authentiques défenseurs de leurs intérêts, ce que, pour le moment, Die
Linke ne représente pas à Berlin. Et donc, il nous incombe de lutter au sein
du parti pour un nouveau programme radicalement différent, pour stopper le
travail avec les partis pro capitalistes au sein de la coalition en
travaillant, au contraire, contre les effets de la crise, l’aggravation des
conditions de vie et en faveur d’une société socialiste, avec Die Linke aux
côtés des salariés, des jeunes et des chômeurs. »
En d’autres termes, Die Linke doit faire un revirement à 180 degrés. Le
parti pro capitaliste qui a œuvré pendant dix ans contre les intérêts des
salariés, des jeunes actifs et des chômeurs, en détériorant dramatiquement
leurs niveaux de vie, devrait à présent se transformer en un parti qui
lutterait pour une société socialiste. Alors que la classe ouvrière,
notamment à Berlin, a correctement reconnu ce parti comme son ennemi
politique, le SAV appelle la classe ouvrière à rejoindre ce même parti et à
y placer à nouveau tous ses espoirs.
Cela n’a rien de fortuit. Le SAV agit délibérément contre le
développement vers la gauche de la classe ouvrière qui est en quête d’une
alternative politique authentique face à la crise économique, aux mesures
d’austérité et à la guerre. Il cherche à ramener ces travailleurs « à la
bergerie » des vieilles structures bureaucratiques et de l’ordre politique
établi. Et ceci n’est en aucun cas un processus réservé à Berlin.
Afin de mener à bien la contre-révolution sociale que l’aristocratie
financière veut imposer partout en Europe, il se déroule actuellement en
Allemagne un débat public sur le besoin de la relève du régime conservateur
défaillant de Merkel par un nouveau remplaçant SPD-Verts ; un remplacement
capable de surmonter plus efficacement la résistance de la classe ouvrière.
Grâce à ses liens étroits avec la bureaucratie syndicale et les
représentants patronaux influents, un tel gouvernement serait plus à même
d’imposer les mesures de rigueur brutales.
Tout comme précédemment, sous le premier gouvernement SPD-Verts, une
soi-disant alternative de gauche serait nécessaire pour décapiter
l’opposition de la classe ouvrière à l’encontre d’une telle politique. C’est
pour cette raison que le projet de Die Linke avait finalement été créé par
d’influents représentants de l’establishment politique. Mais, ce
projet traverse d’ores et déjà une crise profonde pour avoir affiché trop
rapidement sa vraie nature. Le SAV considère qu’il est de son devoir
d’insuffler une nouvelle vie « au projet. »
Ce faisant, il se prépare également à une éventuelle entrée de Die Linke
dans un futur gouvernement. A cet égard, il est intéressant de noter la
publication dans l’hebdomadaire Die Zeit, d’une « nécrologie »
favorable au régime « rouge-rouge » de Berlin qui a été évincé le 18
septembre – à peine quelques heures après l’annonce des résultats.
Cet article, intitulé « Rouge-rouge a été bénéfique pendant dix ans »,
débute par un résumé des coupes sociales dévastatrices faites par la
coalition SPD/Die Linke au sénat de Berlin pour commenter ensuite : « Ce
n’était pas du socialisme. En effet, il était parfois difficile de croire
que ces mesures d’austérité ont en fait été appliquées par des
sociaux-démocrates et un parti socialiste. » L’article conclut néanmoins en
louant la coalition pour avoir, grâce à sa politique, « maîtrisé les
dépenses publiques. »
« C’est là l’accomplissement de la coalition rouge-rouge. C’était en
effet peut-être la seule voie imaginable pour imposer de telles coupes
budgétaires et de les maintenir. Toute autre constellation politique se
serait inévitablement heurtée à des protestations et à des manifestations de
la part de ceux touchés par les coupes. N’importe quel parti de gauche dans
l’opposition s’en serait chargé. Mais, en l’état actuel des choses, le plan
d’austérité s’est passé de manière relativement pacifique. De toute façon,
‘ pacifique ‘ est une étiquette tout à fait appropriée pour cette coalition
qui a prouvé qu’il était possible de gouverner sans qu’il y ait de
conflits. »
Ces phrases se lisent comme si elles étaient tirées d’une lettre de
référence destinée à un employeur et par laquelle Die Linke veut poser sa
candidature à un poste au sein du gouvernement national afin de perpétrer de
nouvelles attaques sociales. Dans une telle constellation, le SAV aurait la
tâche de jeter du sable dans les yeux de la classe ouvrière pour l’aveugler
suffisamment longtemps et la rendre passive jusqu’à ce que la bourgeoisie
ait réussi à lui planter le poignard entre les côtes.
Dans ce contexte, les leçons tirées de l’expérience de Berlin sont
essentielles pour les luttes de classe imminentes. Les intérêts des
travailleurs ne peuvent être représentés véritablement que par une lutte
déterminée contre Die Linke et ses partisans soi-disant de gauche. Telle est
la signification de la campagne électorale du Parti de l’Egalité sociale (Partei
für Soziale Gleichheit, PSG) dont les candidats étaient l’unique force
politique à s’opposer par la gauche à la politique socialement dévastatrice
appliquée par le régime « rouge-rouge. »
La campagne électorale du PSG s’est orientée contre la politique de Die
Linke, du SAV et de tendances pseudo-gauches identiques partout en Europe.
Elle a été une contribution importante apportée à la clarification d’une
perspective révolutionnaire en traçant une ligne de démarcation entre cette
dernière et le marais pseudo-gauche qui cherche partout en Europe à réprimer
la résistance à la contre-révolution sociale se déroulant présentement. En
tirant cette ligne, des fondations importantes ont été jetées pour un
mouvement indépendant de la classe ouvrière, des fondations qui seront d’une
importance décisive au cours des prochaines luttes de classe.
(Article original paru le 4 octobre 2011)