Huits cents travailleurs du complexe
pétrochimique comprenant la raffinerie de Lyondell Basell Industry à Berre ont
voté la grève le 29 septembre, deux jours après l'annonce par le directeur
général de la raffinerie, Jean Gadbois, de la fermeture du site. La grève s'est
terminée le 8 octobre. Le site de Lyondell Basell de Fos-sur-Mer et le site de
Inéos à Lavéra s'étaient joints au mouvement de grève des travailleurs de la
raffinerie de Berre.
L'objectif des syndicats en appelant à la
grève n'était pas la défense des emplois et le maintien du site de Berre ;
il s'agissait en fait de négocier un sursis pour les travailleurs qui aboutira
finalement à des licenciements-ce qui était prévu à la base.
L'intersyndicale a annoncé, lors d'une assemblée
générale devant 600 travailleurs, la reprise du travail jusqu'à décembre. Selon
les propos de Rémy Patron, délégué (CFE-CGC) et membre de l'intersyndicale,
recueillis par l'AFP : «La direction nous a donné la garantie
qu'il n'y aurait aucune suppression de postes jusqu'au 31 mars 2012 . Ensuite,
la direction va vouloir tourner avec des équipes réduites et de ce fait, une
partie du personnel va être licenciée mais une partie va rester pour surveiller
et entretenir l'installation ».
Les conséquences de la crise économique de
2008 ont été l'intensification de la concurrence dans un marché pétrolier où la
demande ainsi que la possibilité de faire des marges ont diminué.
Le groupe LBI basé à Houston-qui vaut 30
milliards de dollars, compte 16 000 salariés et est le numéro 3 mondial de la
chimie-a racheté en avril 2008 la partie raffinage du site de Shell Pétrochimie
Méditerranée pour 700 millions d'euros. Avec la crise de 2008, Lyondell Basell
se place sous la protection de la loi américaine de faillite. Lorsque le groupe
en sort en 2010, la structure de l'entreprise est remaniée. La fermeture du
site répond aux impératifs de Lyondell, dont le but est de réduire ses coûts de
production pour augmenter ses profits.
Dans un communiqué annonçant la fermeture du site,
Jean Gadbois directeur général du site de Berre a dit : « Malgré les
efforts des salariés et de la direction, la raffinerie continue de subir de
lourdes pertes et ne parvient pas à devenir rentable. Nous avons donc
l'intention d'engager une procédure de consultation sur un projet de fermeture
de la raffinerie » .
D'après l'expert qui fut mandaté par le comité
d'entreprise, le site de Berre est viable pour les 5 ans à venir ; il a
dégagé 51 millions d'euros de profit, même si la raffinerie est en perte. La
fermeture de la raffinerie provoquerait la fermeture du complexe pétrochimique.
La raffinerie de Berre nécessitait de lourds
investissement en raison d'un contrôle obligatoire du site qui était prévue en
2013 ; l'hypothèse d'installer un hydrocraqueur qui permettrait de
produire du diesel pour le marché européen n'a pas été retenue. Le groupe
préfère investir au Moyen Orient et en Asie, où la main d'ouvre est moins
chère.
L'intersyndicale a obtenu que, pour la période de
janvier à décembre 2012, le site soit nettoyé et mis en sécurité « afin
qu'il y ait des solutions alternatives ». L'alternative qui est proposée
aux travailleurs est la fermeture du site pour 2013, sauf en cas d'éventuel
repreneur.
Ceci paraît peu probable étant donné le choix
stratégique des industriels, qui préfèrent investir dans des pays à bas coût.
L'objectif annoncé de Lyondell Basell est de fermer les sites en surcapacité,
pour produire des produits raffinés dans des pays ou les coûts de production
pour les entreprises seraient plus bas.
L'intersyndicale
(CGT, CFDT, CFTC et FO) a mené une grève avec quelques autres raffineries de la
région, prétendant faire pression sur l'Etat pour montrer la viabilité du site
et l'alerter sur le fait que la fermeture de la raffinerie signifierait la fin
du complexe pétrochimique.
Cette
perspective ne pouvait aboutir qu'à une défaite pour les travailleurs. L'Etat
et la direction de Lyondell Basell avaient décidé de fermer le site, et
comprenaient très bien que cette fermeture produirait une hécatombe de l'emploi
dans la région. Les syndicats ont isolé la lutte des travailleurs de Berre
qui, privés de toute perspective pour lutter contre la politique de l'Etat et
de la direction de l'entreprise, ont été forcés de mettre fin à leur grève et
d'accepter le principe des licenciements.
A Berre
comme pendant la grève pétrolière d'octobre 2010 contre la réforme des
retraites du président Sarkozy, l'intersyndicale s'est opposée à toute
tentative de mener une lutte politique contre le gouvernement et de mobiliser
toute la classe ouvrière contre la fermeture. La grève n'a jamais sérieusement
menacé l'approvisionnement en pétrole. Il n'y a eu aucune tentative même de
mobiliser tous les travailleurs des raffineries pour une grève nationale ou
internationale.
La CGT et
les autres syndicats s'opposent à une perspective qui appellerait à un
mouvement politique des travailleurs. En 2010, une pareille grève avait
provoqué des pénuries importantes et des actions de sympathie en masse parmi
les travailleurs et les lycéens, faisant presque chuter le gouvernement.
Les
syndicats ont démontré leur hostilité à la grève des raffineries en 2010, en
refusant de défendre les travailleurs occupant les raffineries contre les
descentes de CRS pour briser leur grève. La CGT n'a mené aucune action de
défense, insistant qu'elle organiserait simplement des « actions
symboliques » pour protester.
Tant que la classe ouvrière s'en remettra à de
pareilles organisations, elle ira de défaite en défaite, politiquement désarmée
par des syndicats qui travaillent étroitement avec l'Etat et la bourgeoisie.
Les travailleurs de la raffinerie sont les victimes
d'une attaque internationale visant à réduire de manière drastique les
conditions de vie des travailleurs. Les travailleurs de Peugeot vont voir leurs
usines fermer, et une diminution des salaires de 23 pourcent est projetée dans
la fonderie de Montupet. La fermeture de la raffinerie s'inscrit dans la
réalité de la restructuration de l'automobile aux USA, le pillage de la Grèce par
les banques, et la réduction des emplois et des acquis sociaux à travers
l'Europe.
C'est
qu'objectivement, la défense de l'emploi et des acquis sociaux est une question
révolutionnaire, posant dans chaque pays la question de savoir quelle classe
gouvernera. C'est pour cela que les syndicats et les partis petit-bourgeois,
intégrés dans les rouages de l'Etat bourgeois, ne peuvent plus défendre les
acquis sociaux et sont devenus violemment hostiles aux intérêts des
travailleurs.
C'est pour
cela que l'unique façon pour les travailleurs d'aller de l'avant est de mener
une lutte indépendante des syndicats, et de former des comités d'action et un
nouveau parti dans une lutte politique contre l'Etat et le système capitaliste.