Dimanche dernier, le Parti socialiste (PS), parti de gauche bourgeois, a
organisé le premier tour des primaires pour élire son candidat à l'élection
présidentielle de l'an prochain. Les deux candidats ayant obtenu le plus
grand nombre de voix, Martine Aubry et François Hollande, restent au second
tour qui se tiendra demain dimanche.
Pour participer à ces primaires, il fallait payer un euro et dimanche
dernier 2,6 millions de personnes ont voté au premier tour. Hollande a
obtenu 39,2 pour cent des voix et Aubry 30,4 pour cent. Arnaud Montebourg
qui défendait une plateforme protectionniste et se présentait comme un
candidat à la "gauche" du parti, a crée la surprise par son score de 17,2
pour cent.
Ceci a repoussé à la quatrième place la candidate malheureuse du PS à
l'élection présidentielle de 2007 Ségolène Royal qui a obtenu 7 pour cent
des voix. Manuel Valls, candidat de l'aile ouvertement libérale du PS a
obtenu 5,6 pour cent. Valls et Royal ont tous deux appelé leurs électeurs à
voter pour Hollande au second tour.
Un sondage d'opinion fait auprès des électeurs des primaires du PS après
le débat télévisé de mercredi dernier donnait Hollande favori avec 54 pour
cent des voix contre 46 pour cent pour Aubry.
Il n'y a guère de différences entre Hollande et Aubry, deux bureaucrates
ternes ayant un long passé au service de l'aristocratie financière
française. Hollande a occupé le poste de premier secrétaire du PS pendant
onze ans avant d'être remplacé par Aubry en 2008. Tous deux soutiennent les
attaques contre les droits sociaux des travailleurs et la guerre
impérialiste et sont les anciens collaborateurs du président François
Mitterrand dans les années 1980.
Aubry était le numéro 2 du gouvernement PS de Lionel Jospin (1997-2002)
qui avait privatisé plus d'entreprises publiques qu'aucun autre gouvernement
depuis la Deuxième guerre mondiale, et avait lancé la participation
française, toujours en cours, à l'occupation de l'Afghanistan. Hollande
était alors premier secrétaire du parti et un proche allié de Jospin.
Hollande et Aubry soutiennent tous deux la guerre de la France contre la
Libye initiée par le président conservateur Nicolas Sarkozy.
Aubry a cherché à se présenter comme la "gauche dure" et Hollande la
"gauche molle", plus favorable aux intérêts financiers majeurs. Mais comme
leur débat de mercredi l'a montré clairement,
Il n'existe pas de réelles différences entre les deux candidats qui
argumentent principalement sur des points abscons de politique fiscale.
C'est un fait significatif qu'il n'y ait même pas de discussion sur les
guerres impopulaires en Libye et en Afghanistan.
Les deux candidats ont exclu une nationalisation des banques, bien que
les banques françaises aient reçu des milliards de crédits et de garanties
de l'Etat depuis le déclenchement de la crise économique mondiale. Tous deux
demandent aussi que la France réduise à 3 pour cent du PIB son déficit
budgétaire, conformément à la réglementation du Traité de Maastricht, ce qui
nécessiterait des dizaines de milliards d'euros de coupes sociales.
Tous deux sont en faveur de contraindre la Grèce à une faillite partielle
et ont fait quelques critiques technocratiques mineures sur les mesures
d'austérité imposées à ce pays et qui ont des effets dévastateurs sur la
classe ouvrière grecque.
Tous deux soutiennent aussi la principale coupe sociale de Sarkozy,
l'augmentation à 41 années de la période de cotisation pour une retraite à
taux plein, tout en se couvrant cyniquement en promettant de remettre l'âge
de départ à la retraite à 60 ans au lieu de 62,5 comme c'est à présent le
cas. Même si le PS honorait une telle promesse, cela aurait quand même un
effet dévastateur sur les retraites des travailleurs: à cet âge, la plupart
des futurs retraités n'auraient pas fini de cotiser et se verraient imposer
une décote punitive.
Les candidats du PS se sont présentés en meilleurs défenseurs du tout
sécuritaire que Sarkozy, cherchant à le dépasser par la droite. Un sondage
de Terra Nova - Nouvel Observateur sur les positions des candidats
fait remarquer que Aubry et Hollande appellent tous deux au recrutement de
10 000 policiers supplémentaires.
L'absence de différences politiques entre Hollande et Aubry souligne la
nature frauduleuse des primaires socialistes, une proposition datant de
2009, et ayant pour but en grande partie de s'assurer une publicité
médiatique pour la campagne PS. (Voir France :
Que se cache-t-il derrière le projet de primaire présidentielle du Parti
socialiste ?)
A l'époque, la fondation Terra Nova avait publié une note comparant la
proposition de primaire pour le PS et la primaire italienne qui avait
sélectionné le candidat de la gauche bourgeoise italienne aux élections de
2008. Cette note disait, "Il y a aussi une dynamique démocratique: une telle
primaire répond au désir de participation citoyenne. L'exemple de la
'primaire Veltroni' en Italie - 3.5 millions de votants pour une élection
sans enjeu réel - est révélateur de cette jubilation participative."
A présent ce sont les électeurs français à qui on dit de payer un euro
pour avoir le privilège de voter dans une autre élection "sans enjeu réel",
et choisir entre Hollande et Aubry. Il est significatif que bien que Walter
Veltroni ait gagné les primaires en octobre 2007, son parti avait perdu, car
il avait mis en place des coupes budgétaires majeures et poursuivi des
opérations militaires impopulaires au Liban et en Afghanistan. De même le PS
se prépare à mettre en place une politique réactionnaire sans tenir compte
de l'opinion publique.
A cet égard Montebourg joue un rôle spécial: Celui d'aider à garantir que
l'opposition politique au programme droitier du PS soit dirigé dans
l'impasse d'un vote pour le Parti communiste français (PCF) ou le Nouveau
Parti anticapitaliste (NPA) puis finalement vers le PS lui-même. Ses
propositions politiques n'ont pas vraiment grande influence sur les projets
des candidats PS, tels Hollande et Aubry que la bourgeoisie envisage
peut-être de mettre au pouvoir. Néanmoins, il se fait l'écho de certaines
propositions du PCF ou du NPA, semant ainsi l'illusion qu'un vote PCF ou NPA
pourrait influencer la politique d'un gouvernement PS.
Montebourg, porte-parole de la campagne présidentielle droitière de Royal
en 2007, a lancé des revendications chauvines en faveur de mesures
protectionnistes et des appels creux à une réglementation financière, se
faisant l'écho de la rhétorique du candidat présidentiel du PCF Jean-Luc
Mélenchon. (Voir:
Jean-Luc
Mélenchon devient le candidat présidentiel du Parti Communiste Français)
Montebourg entretient des relations étroites avec le NPA, le Parti de
Gauche de Jean-Luc Mélenchon et le PCF qui avec la CGT (Confédération
générale du travail) dominée par les staliniens sont de fervents partisans
du protectionnisme. Le dirigeant du NPA Olivier Besancenot, Mélenchon et la
direction du PCF s'étaient tous rendus l'année dernière au rassemblement
annuel organisé par Montebourg, la Fête de la Rose. Le PS sait qu'il peut
compter sur ces forces pour le soutien à sa candidature au second tour des
élections présidentielles.
Montebourg a proposé que les banques soient placées "sous
tutelle." Il a proposé aussi d' "utiliser
les bénéfices des banques profitables pour renflouer les banques en
difficultés par des mesures de solidarité interbancaire."
Il a aussi envoyé une lettre à Hollande et Aubry après le premier tour
des primaires, leur demandant de soutenir ses mesures protectionnistes s'ils
voulaient bénéficier de son soutien au second tour. Il a appelé à un
"protectionnisme européen, social et écologique," et demandé "des mesures au
plan européen et national." Il a proposé que la compagnie Air France
n'achète que des avions Airbus, produits en grande partie par la France et
l'Allemagne, excluant ainsi l'achat d'avions américains Boeing.
Aubry et Hollande ont rivalisé l'un avec l'autre à qui se montrerait le
plus arrangeant envers Montebourg. Aubry a appelé à une "régularisation de
la mondialisation … Il faut une Europe qui innove et qui protège."
Hollande a ajouté, "On peut être pour l'économie ouverte, mais pas pour
l'économie offerte." Ila explicitement attaqué la Chine: "Le premier
principe c'est celui de réciprocité. …la Chine. Peut-on accepter que la
Chine ne respecte pas les normes environnementales ? Non."
De telles menaces sont des démarches d'une grande imprudence, conduisant
à des guerres commerciales et qui n'amélioreront en rien le niveau de vie
des travailleurs d'Europe et de Chine. Si un gouvernement PS venait à être
élu en 2012, il serait, comme le gouvernement Mitterrand après son "tournant
de la rigueur" de 1982-3, le gouvernement de la gauche plurielle, ou le
régime social-démocrate qui impose aujourd'hui l'austérité en Grèce, une
agence réactionnaire du capital financier.