Au deuxième jour de son procès, Anders Breivik a
prononcé une défense d'une heure de son massacre de 77 personnes –
principalement des membres de la section des jeunesses du Parti travailliste
norvégien – commis à Oslo et sur l'île d'Utoeya le 22 juillet dernier, et il
a dit qu'il le referait s'il en avait l'occasion.
Présentant son massacre comme « l'attentat
politique le plus sophistiqué et spectaculaire » d'Europe depuis la seconde
guerre mondiale, Breivik s'est décrit comme un commandant d'un mouvement de
« résistance » anti-communiste et anti-islamique, en guerre contre les
immigrés, les musulmans et ce qu'il a appelé une « dictature marxiste » en
Norvège.
Malgré l'insistance de Breivik lui-même sur la
nature politique de son crime, l'enquête et le procès lui-même se sont
largement concentrés sur la question de la santé mentale du tueur. Quelques
jours à peine avant l'ouverture du procès, un deuxième rapport rendu par des
psychiatres experts auprès de la Cour a déclaré que Breivik ne devait pas
être considéré comme ayant son jugement altéré du point de vue du droit
pénal, contredisant une évaluation antérieure faite en novembre 2011.
Ce dernier rapport a été compilé sur plusieurs
mois par deux psychiatres qui ont mené des entretiens avec Breivik et ont
observé son activité au cours de longues périodes de temps. Mais cela ne
donne pas automatiquement une réponse à la question de la santé mentale de
Breivik du point de vue de la Cour.
Avec deux rapports contradictoires présentés, la
Cour pourrait toujours conclure que le niveau de doute sur l'état mental de
Breivik est suffisant pour déclarer que son jugement était altéré. Cela
l'enverrait purger sa peine en hôpital psychiatrique au lieu d'une prison.
Ce débat a servi à obscurcir les nombreuses
questions sur le rôle de l'Etat et des forces de sécurité qui n'ont pas
empêché les attentats de Breivik. En janvier, on a appris que Breivik avait
prévenu la police norvégienne en mars 2011 qu'il préparait un massacre des
jeunes du Parti travailliste. Cette information n'aurait pas été transmise
aux autorités compétentes avant le 22 juillet.
On a appris ceci après des révélations sur
l'incapacité des services de renseignement à détecter les achats de grandes
quantités d'engrais par Breivik, où à enquêter sur une ferme qu'il louait
aux environs d'Oslo, où il a préparé ses attentats. Le chef des services de
renseignements norvégiens a dû démissionner en conséquence.
Les preuves continuent à s'accumuler sur les liens
entre Breivik et des groupes de droite dans toute l'Europe, contredisant la
présentation officielle d'un « loup solitaire. » Le dernier rapport
psychiatrique note que Breivik a reçu un grand nombre de lettres de soutien
quand il était en prison.
Et tout cela s'ajoute à son « manifeste » de 1500
pages, qu'il a publié sur internet et envoyé à plus de 1000 contacts
quelques heures avant de perpétrer son massacre. Dans celui-ci, il insiste
sur l'objectif de ses attentats qui est de lancer une « révolution
culturelle conservatrice » dans toute l'Europe face au « Marxisme culturel.
» Il a déclaré qu'il avait l'intention de se servir du procès après les
meurtres pour faire de la propagande en faveur de sa cause fasciste.
Le refus de se confronter aux racines idéologiques
et politiques des crimes de Breivik est lié à la complicité de l'élite
dirigeante, en Norvège et dans toute l'Europe, dans la promotion des forces
d'extrême-droite comme ce terroriste de 33 ans.
En dépit de ce qu'en dit Breivik, le Parti
travailliste norvégien a régulièrement alimenté le sentiment anti-immigrés
ces dix dernières années, adoptant l'essentiel de la rhétorique du Parti du
progrès, de droite, auquel a appartenu Breivik pendant 10 ans jusqu'en 2007.
La dernière proposition en date du Parti
travailliste, sous prétexte de s'en prendre au « trafic de personnes »,
autorisera la police à déporter les immigrés considérés comme « mendiants »,
alors même que la mendicité n'est pas une infraction dans la loi
norvégienne.
Dans la déclaration qu'il avait préparée, Breivik
a fait remarquer que « les trois plus puissants politiciens d'Europe »
partagent ses vues, disant, « Sarkozy, Merkel et Cameron ont tous remarqué
que le multiculturalisme ne marche pas. »
La chancelière allemande Angela Merkel et le
Premier ministre britannique David Cameron ont tous deux annoncé « l'échec »
du « multiculturalisme », pendant que Nicolas Sarkozy dans sa campagne de
réélection à la présidence française cherche à dépasser par la droite
l'agitation anti-immigrés et anti-musulmans du Front national néo-fasciste.
La propagande anti-Islam fait maintenant partie du fonds de commerce de la
bourgeoisie européenne, alimentée par les interdictions du port de vêtements
"musulmans" et d'autres mesures antidémocratiques.
Durant ces derniers mois, a également été révélé
le rôle des services secrets allemands qui ont aidé et collaboré avec un
groupe fasciste qui a mené une série d'attentats terroristes durant dix ans.
Deux semaines seulement avant le début du procès
de Breivik, une manifestation s'est tenue au Danemark à l'initiative de la
Ligue de défense anglaise (English Defense League - EDL) et de son
homologue danois visant à lancer une organisation paneuropéenne de
l'extrême-droite. Des participants sont venus d'Allemagne, de Pologne et de
Suède.
Un rapport du Guardian a noté
l'augmentation des organisations internationales depuis les attentats de
Breivik, décrivant un « réseau de fondations, de bloggeurs, d'activistes
politiques et de gangs de rues » qui se sont unis pour former le groupe «
Arrêter l'Islamisation des nations. »
Un forum qui a été très important pour la
coordination de ce groupe est le blog Gates of Vienna [les portes de
Vienne] hébergé aux États-Unis, auquel Breivik a contribué régulièrement
avant de perpétrer son massacre.
Ce groupe veut organiser un sommet à New York qui
coïnciderait avec l'anniversaire des attentats du 11 septembre 2001. Des
personnalités du genre de Paul Weston, chef du British Freedom Party
– le pendant politique de l'EDL – y seront invités. Dans son manifeste sur
internet, Breivik a cité des commentaires de Weston sur son blog au sujet
d'une « guerre civile européenne » entre l'Ouest et l'Islam.
La résurgence du terrorisme fasciste intervient
dans le contexte d'une crise du système capitaliste qui s'approfondit sur
tout le globe et d'un assaut massif contre le niveau de vie et les droits
démocratiques de la classe ouvrière. La croissance de tendances
d'extrême-droite et fascistes est facilitée par l'Etat bourgeois et tous les
partis politiques officiels, y compris ceux qui se disent « de gauche. » Ces
forces sont entretenues pour être lancées contre les luttes de masses de la
classe ouvrière qui sont en train d'émerger.