L'Association
internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale (AIMTA),
le syndicat représentant les travailleurs d'Aveos mis à
pied il y a plus d'un mois et demi, n'a organisé qu'un semblant de campagne en
défense des emplois et travaille maintenant au côté du gouvernement libéral
provincial et du Fonds de Solidarité de la FTQ (Fédération des travailleurs du
Québec) pour trouver un acheteur et relancer la compagnie aux dépens des
travailleurs.
Le 19 mars dernier, la
direction d'Aveos, une filiale d'Air Canada, annonçait la fermeture de la
compagnie qui comptait des centres d'entretien d'avions à Winnipeg, à Mississauga
et à Montréal. En tout, 2600 travailleurs à travers le pays, dont 1800 à
Montréal, ont été jetés à la rue du jour au lendemain sans avertissement.
La Cour supérieure du
Québec vient de rendre une décision limitant à 2000 dollars le montant payé par
Aveos à chacun des employés licenciés, soit un total de 3,6 millions. Certains affirment
que les maigres 2000 dollars ne couvriront pas toutes les heures impayées, les
banques de temps accumulé et les vacances. De leur côté, l'ensemble
des dirigeants et administrateurs d'Aveos a droit à la somme de 5 millions à
titre de créanciers prioritaires de l'entreprise. À cela s'ajoute un montant de
300 millions versés aux actionnaires dans le cadre de la liquidation de la
compagnie.
La perte des emplois
chez Aveos est le résultat d'années de restructurations à Air Canada que le
gouvernement fédéral a encouragées et supervisées dans le but d'augmenter la
profitabilité de la compagnie et de la mettre en meilleure position
concurrentielle internationalement.
Jusqu'en 2007, Aveos
était une filiale d'Air Canada, le plus important transporteur aérien du pays.
Suite à la privatisation d'Air Canada, alors société d'État, en 1988 plusieurs
de ses divisions ont été transformées en sociétés en commandite pour permettre
à la compagnie d'augmenter ses profits en rognant, entre autres, sur les
pensions, la sécurité d'emploi et autres avantages sociaux aux travailleurs.
Depuis la faillite d'Air
Canada en 2003, il y a une longue suite de restructurations a pris place où
fois après fois, en plus des suppressions d'emploi, les travailleurs ont dû
accepter d'importantes concessions. C'est à ce moment que la division de
maintenance Air Canada Technical Services (ACTS) a été créée. En 2007, les
travailleurs ont été forcés de quitter Air Canada quand ACTS a été vendue à
Aveos. Le syndicat affirme que les emplois pourraient maintenant être
transférés au Salvador, où Aveos possède une filiale et paie ses employés à des
salaires de misère.
Les dirigeants d'Air
Canada, le principal client d'Aveos, ont réduit considérablement le travail de
maintenance qui était fait par le sous-traitant dans les derniers mois
précédant sa faillite. Ils ont affirmé que la sous-traitance à Aveos coûtait
trop cher en raison de « problèmes de productivité ».
Les dirigeants de la
section locale 1751 de l'AIMTA ont protesté pour la forme contre la fermeture
de la compagnie, qui a cessé après que le gouvernement conservateur de Stephen
Harper a clairement indiqué qu'il n'interviendrait pas pour garder la compagnie
en vie. Le ministre des Transports, Denis Lebel, a affirmé : « C'est
un dossier entre deux entreprises privées. Nous n'allons gérer aucune compagnie
dans ce pays ».
Afin de taire
l'opposition, Lebel a produit un avis juridique selon lequel Air Canada ne
contrevient pas à l'entente conclue lors de la privatisation en 1988 qui
stipule qu'Air Canada doit « maintenir les centres
d'entretien et de révision dans les villes de Winnipeg et Mississauga et dans
la Communauté urbaine de Montréal ».
En fait, le
gouvernement a joué et joue encore un rôle clé dans la restructuration d'Air
Canada et dans son assaut sur les travailleurs. Le gouvernement fédéral est récemment
intervenu dans le conflit opposant la direction d'Air Canada aux pilotes,
bagagistes et autres travailleurs au sol pour leur retirer leur droit de grève
en leur imposant une loi spéciale. La loi antigrève est rédigée de façon à
s'assurer que les arbitres nommés par le gouvernement et chargés de déterminer
les conditions d'emploi imposent les demandes de concessions d'Air Canada.
L'année dernière, le
gouvernement Harper a menacé à deux reprises les agents de bord et les employés
du service à la clientèle d'Air Canada avec une loi du même genre. Dans un
autre conflit, le gouvernement a forcé les travailleurs de Postes Canada en
grève à retourner au travail.
Chaque fois, les
différents syndicats impliqués se sont inclinés, affirmant aux travailleurs
qu'ils ne pouvaient rien faire face à de telles lois dans le but d'éviter une
confrontation avec le gouvernement conservateur.
Au Québec, le Parti
libéral de Jean Charest a répondu à l'appel nationaliste des partis de
l'opposition et du syndicat et poursuit Air Canada afin que la compagnie
justifie qu'elle ne contrevient pas à l'entente de 1988.
Un tel appel, mené par
le Parti québécois, un parti indépendantiste et réactionnaire que la bureaucratie
syndicale soutient, n'est pas lancé pour défendre les travailleurs. Il s'agit plutôt
d'une campagne protectionniste pour maintenir les profits au Québec. Le chef de
la Coalition Avenir Québec, François Legault l'a très bien expliqué : « L'industrie aéronautique est l'un des fers de lance de
notre économie. Il est impératif de donner le signal à Air Canada et au
gouvernement Harper que nous ne laisserons pas cette industrie s'éroder au profit
des autres provinces ou de l'étranger. »
Toute tentative de la
bureaucratie syndicale de vouloir « créer et maintenir » des emplois
est hypocrite. Fois après fois, les syndicats d'Air Canada ont accepté des
contrats de concessions et tout mis en ouvre pour empêcher une campagne de
mobilisation de l'ensemble de la classe ouvrière lorsque les emplois et les
salaires étaient menacés.
Le rôle crasse de la
bureaucratie syndicale est d'autant plus exposé par le fait que la FTQ et le
Fonds de Solidarité (un fonds de plus de 7 milliards de dollars contrôlé par la
FTQ) sont actuellement en négociations avec le gouvernement et des
représentants du milieu des affaires pour trouver un nouvel acheteur et
relancer Aveos. La FTQ, qui démontre une fois de plus son orientation
pro-entreprise, souhaiterait investir directement dans le rachat de la
compagnie, qui se fera sans aucun doute à condition de diminuer les salaires et
avantages des travailleurs, comme ce fût le cas à maintes reprises par le passé
lorsque la FTQ disait vouloir « sauver » les entreprises.
Le gouvernement libéral
est intervenu de façon semblable il y a quelques mois pour empêcher la
fermeture des papiers White Birch, offrant une aide financière uniquement à
condition que les salaires et avantages soient réduits radicalement. La
proposition, encouragée par la direction syndicale, se traduit par une perte
allant jusqu'à 70 pour cent de la somme que les travailleurs avaient accumulée
dans leur caisse de retraite. Pour les retraités, il s'agit d'une coupe de 40 pour
cent des allocations de retraite. Les travailleurs qui n'auront pas perdu leur
emploi dans le processus devront accepter une baisse salariale de 10 pour cent.
Au lendemain de
l'annonce de la fermeture d'Aveos, les travailleurs licenciés ont protesté pacifiquement
devant les bureaux d'Air Canada près de l'aéroport Montréal-Trudeau et ont
bloqué l'important boulevard Côte-Vertu. La compagnie a aussitôt obtenu une
injonction interdisant aux travailleurs de bloquer les bureaux. Face au refus
des travailleurs de quitter la voie, la police antiémeute est rapidement intervenue,
aspergeant les travailleurs de gaz lacrymogène en aérosol pour les disperser. La
police a ensuite escorté les dirigeants d'Air Canada afin qu'ils accèdent à
leurs bureaux.
Les manifestations se
sont poursuivies les jours suivants, mais refusant d'organiser une lutte qui
dépasserait le cadre d'une simple manifestation de routine, le syndicat a déclaré ne pas vouloir « aller vers des perturbations
économiques ».
Pour
s'opposer à l'assaut de l'élite dirigeante sur les conditions de vie de la
classe ouvrière, les travailleurs doivent rejeter la perspective de la
bureaucratie syndicale qui accepte le capitalisme et cherche à diviser les
travailleurs sur des lignes nationales. Les travailleurs doivent s'unir
internationalement et s'organiser politiquement pour défendre tous les emplois
et tous les salaires et lutter pour le socialisme, soit la réorganisation de la
société sur la base des besoins humains et non du profit privé.