Mercredi, le Premier ministre Lucas Papademos a
indiqué que les élections législatives tant attendues en Grèce se
tiendraient le 6 mai. Comme ce fut déjà le cas pour la désignation de ce
banquier non-élu à la tête du gouvernement, la date des élections grecques a
été fixée par les représentants de la haute finance internationale.
Papademos, ex-chef de la Banque centrale grecque
et ex-vice-président de la Banque centrale européenne, a été choisi par les
dirigeants européens et le Fonds monétaire international en novembre dernier
pour remplacer le Premier ministre en exercice George Papandréou, du PASOK
socio-démocrate, qui avait demandé un référendum sur les mesures d'austérité
exigées par la troïka.
Les dirigeants européens ont considéré que l'idée
que la grande masse de la population grecque puisse avoir le moindre mot à
dire sur le sort du pays était intolérable. Ils ont installé Papademos au
poste de Premier ministre avec pour mission d'imposer rapidement des mesures
d'austérité drastiques face à la montée de l'opposition populaire.
Pour cela, Papademos a formé un gouvernement
réunissant le soutien de trois partis, le PASOK, le parti conservateur
Nouvelle démocratie, qui était dans l'opposition, et les fascistes du parti
LAOS. Le nouveau cabinet comprend quatre membres du LAOS et des membres
dirigeants de Nouvelle démocratie, tout en maintenant des membres du PASOK
aux postes-clef, dont le ministère de l'Intérieur.
Ayant appliqué le programme des banques, Papademos
a maintenant reçu le feu vert de la troïka pour de nouvelles élections.
Cela a été mis en évidence dans un article du
journal Kathimerini qui notait que Papademos a décidé de la date des
élections il y a trois semaines, mais a choisi d'en différer l'annonce
jusqu'à ce qu'une tranche supplémentaire de coupes dans la sécurité sociale
soit votée au Parlement.
L'article révèle qu'un facteur central dans la
décision finale sur la date était une série de sommets européens qui se
tiendront le mois prochain des prochaines mesures d'austérité que le
prochain gouvernement grec devra imposer. Kathimerini écrit : «
D'après les sources, le Premier [ministre] avait également un œil sur la
visite en juin des représentants de la Commission européenne, de la Banque
centrale et du Fonds monétaire international, appelés la troïka. La Grèce
devra alors accepter plus de 11 milliards d'euros d'économies pour 2013 et
2014. Le nouveau gouvernement devra probablement adopter des mesures
supplémentaires pour cette année aussi. »
À l'annonce des nouvelles élections – 18 mois
avant que le mandat du Parlement actuel n'expire – Papademos a déclaré qu'il
ne dissoudrait pas son gouvernement. Le cabinet grec continuerait à se
réunir régulièrement jusqu'aux élections pour décider de nouvelles mesures
d'austérité si et quand il le jugerait nécessaire.
Les coupes imposées jusqu'ici ont eu des
conséquences dévastatrices pour de larges couches de la population. Le
chômage de masse est maintenant un fait établi de la vie en Grèce. Le taux
de chômage officiel est à plus de 21 pour cent et, pour la première fois
dans l'après-guerre, plus de 50 pour cent des jeunes n'ont pas d'emploi.
Plus de 500 000 personnes n'ont absolument aucun revenu et la situation est
tellement désespérée qu'un autre demi-million, principalement des jeunes, a
quitté le pays pour tenter sa chance ailleurs.
La crise sociale qui s'aggrave toujours dans le
pays a été résumée très clairement par le suicide la semaine dernière de
Dimitris Christoulas, 77 ans. Avant de se tuer avec un pistolet en face du
Parlement grec, Christoulas a rédigé une lettre où il déclarait qu'il
préférait mourir dignement plutôt que de finir par « chercher de la
nourriture dans les poubelles. »
Ces quatre années de récession et d'austérité sous
le contrôle du Parlement, qui s'est révélé n'être rien de plus qu'un
instrument volontaire de la finance internationale, ont entraîné un
effondrement du soutien accordé aux partis de gouvernement.
D'après le dernier sondage organisé par l'institut
grec Public Issue, le soutien pour Nouvelle démocratie, dirigée par
l'ex-ministre des affaires étrangères, Antonis Samara, a chuté à 19 pour
cent. En février, le soutien pour ND était proche de 30 pour cent, et même
cela est inférieur au taux d'approbation de ND lors des dernières élections,
où ils avaient obtenu 33,5 pour cent en étant sévèrement battus par le
PASOK.
Le parti le plus directement associé à la
catastrophe sociale des quatre dernières années, le PASOK, maintenant dirigé
par le ministre des finances sous Papandréou, Evangelos Venizelos, se traîne
à la seconde place avec 14,5 pour cent, soit juste un tiers du score de 44
pour cent aux élections de 2009. Cela signifie qu'à seulement cinq semaines
des élections, les deux partis qui ont dominé la politique grecque depuis un
demi-siècle ne parviennent à recueillir que 33,5 pour cent des voix à eux
deux.
Les derniers résultats combinés pour les trois
partis d'opposition traditionnellement alliés à la gauche dans la politique
grecque indiquent qu'ils ont maintenant plus de soutien que le ND et le
PASOK additionnés. Le sondage de Public Issue montre que la coalition
de la gauche radicale (SYRIZA) obtient 13 pour cent (4,6 en 2009), la Gauche
démocratique (ceux qui ont récemment rompu avec SYRIZA, plus à droite), 12
pour cent, et le Parti communiste grec (KKE) 11 pour cent (7,5 en 2009).
Malgré leurs critiques occasionnelles contre le
gouvernement, toutes ces organisations entretiennent des liens étroits avec
des couches du PASOK et de la bureaucratie syndicale qui sont déterminés à
garder leur place à la table des négociations quand il est question
d'appliquer des mesures d'austérité.
SYRIZA et la Gauche démocratique sont toutes deux
favorables à ce que la Grèce reste membre de l'UE. L'un des principaux
points du programme de la Gauche démocratique, fondée il y a tout juste un
an par Fotis Kouvelis, insiste sur l'importance de rester dans l'UE et la
zone euro pour la Grèce, et, au cours d'un entretien récent avec des
journalistes du WSWS, le dirigeant de SYRIZA Alex Tsipras s'est opposé avec
fougue au retrait de l'UE. Ces deux partis préfèrent proposer une révision
des traités fiscaux existants.
Au cours d'un entretien à la radio hier, Kouvelis
a déclaré que son parti n'était pas prêt à rejoindre une coalition entre le
ND et le PASOK mais a laissé la porte ouverte à une coalition entre le PASOK
et d'autres partis "de gauche".
SYRIZA et la Gauche démocratique pêchent dans les
eaux croupies de la sociale-démocratie grecque. Tsipras a récemment annoncé
un certain nombre de nouveaux partisans pour sa proposition d'une «
coalition de gouvernement avec la gauche en son centre », dont deux
ex-députés du PASOK et un vétéran de ce parti, Alexis Mitropoulos.
Quant à lui, Kouvelis a été en mesure de gagner à
sa cause cinq députés PASOK qui avaient été expulsés du parti pour avoir
voté contre le dernier plan de renflouement.
Les archi-staliniens du KKE refusent l'adhésion de
la Grèce à l'UE en s'appuyant sur un programme nationaliste et capitaliste
favorable au retour à la drachme. Grâce à cela, le KKE est courtisé par un
autre leurre de gauche, ANTARSYA (le Front de la gauche anticapitaliste
grecque), qui a récemment lancé un appel aux staliniens pour qu'ils
participent à « une action commune à gauche. » Tsipras a également lancé un
appel à un front uni du KKE et de la Gauche démocratique, qui a été refusé
pour l'instant par les deux organisations.
Le déclin du soutien à ND et au PASOK signifie que
s'ils sont incapables de former une coalition avec un ou plusieurs partis de
la pseudo-gauche, ils deviendront de plus en plus dépendants de
l'extrême-droite pour former un nouveau gouvernement. Après sa courte
expérience au gouvernement, le Rassemblement populaire orthodoxe (LAOS) a vu
son taux d'approbation passer de 5,6 aux élections de 2009 à tout juste 3
pour cent dans les derniers sondages (3 pour cent est le pallier à franchir
pour avoir des députés au Parlement grec).
Un candidat plus probable pour une coalition
serait le parti d'ultra-droite nationaliste, Grecs indépendants, récemment
créé par un ex-membre de ND. Le parti Grecs indépendants a pu trouver des
soutiens à la fois dans le camp de ND et du LAOS et est actuellement à 11
pour cent dans les sondages. Une autre organisation néo-fasciste, l'Aube
dorée, est à 5 pour cent. Ces partis fascistes ont été aidés par la campagne
raciste conduite par le gouvernement de Lucas Papademos, qui a envoyé des
unités de la police spéciale rafler des travailleurs immigrés et leur
famille durant ces dernières semaines.
La situation politique actuelle est extrêmement
dangereuse pour la classe ouvrière grecque. Le rôle le plus important est
joué par les organisations grecques de la pseudo-gauche qui font tout leur
possible pour lier la classe ouvrière à l'Union européenne, et aux
bureaucraties syndicales et socio-démocrates bien établies.
Dans la mesure où ces organisations de
pseudo-gauche peuvent paralyser la classe ouvrière et empêcher toute
évocation d'une alternative socialiste authentique, ce sont ces partis qui
permettent à la droite traditionnelle et à l'ultra-droite de se réorganiser
et d'établir un nouveau régime disposant des pouvoirs dictatoriaux requis
pour appliquer la politique d'austérité exigées par les banques
internationales.
(Article original paru le 11 avril 2012)