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  WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

L’Inde teste des missiles à longue-portée capables de frapper des villes chinoises

Par Kranti Kumara
27 avril 2012

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Dans son désir constant de devenir une «puissance mondiale », l’Inde a testé avec succès un missile balistique capable de frapper des cibles avec des ogives nucléaires à une distance de 5000 kilomètres. Lorsque les tests seront complétés et les missiles intégrés à l’arsenal nucléaire de l’Inde, un processus qui devrait être complété dans trois ans selon les représentants indiens, New Delhi sera en mesure de frapper tous les principaux centres urbains de la Chine, y compris Pékin et Shanghai.

Les médias indiens ont célébré le lancement du missile jeudi dernier déclamant que l’Inde fait maintenant partie « du club des grands garçons » et est en voie d’atteindre un équilibre stratégique avec la Chine, un pays avec lequel il a mené une guerre frontalière en 1962, qui est en partenariat stratégique résolu avec son grand rival, le Pakistan, et avec lequel il est de plus en plus en compétition mondialement pour le pétrole et d’autres ressources.

Le gouvernement indien n'a rien fait pour contredire ou atténuer les assertions des médias voulant que le missile à longue portée, connu sous le nom de Agni V, vise d'abord la Chine, bien qu'il ait publié des affirmations de routine et hypocrites que les objectifs de l'Inde sont tout à fait pacifiques.

L'Inde est considérée comme étant seulement le sixième pays à développer un tel missile à longue portée.

Bien qu’elle dirige un pays dans lequel les trois quarts de la population, soit quelque 800 millions de personnes, vivent avec moins de 2 dollars par jour, l'élite indienne poursuit sans relâche une accumulation d’armement, acquérant des avions de combat, des navires de surface, des sous-marins nucléaires, des missiles et des chars. Cette escalade militaire découle inexorablement du développement de l'Inde comme une grande puissance capitaliste aspirante qui est de plus en plus dépendante du commerce et des ressources extérieurs et soucieuse de faire valoir ses intérêts mondiaux en s'assurant un avantage géopolitique.

« Il est important que le pays développe une puissance nucléaire qui puisse protéger adéquatement ses intérêts qui viennent avec ses forces économiques et politiques grandissantes », a déclaré le Deccan Herald dans un éditorial du 20 avril intitulé « Un grand bond en avant ».

Le missile de trois étages à combustible solide a été développé par la Defense Research and Development Organization (DRDO), en utilisant des composantes importées et des pièces fabriquées en Inde. Pour le test de jeudi dernier, le missile a transporté une ogive d’exercice de 1,5 tonne. Le missile a été lancé à partir de Wheeler Island, qui fait partie de l’État d’Orissa sur la côte est de l’Inde, et a frappé une cible dans l’océan Indien.

L’inde possède déjà des missiles à plus courte portée appelés Agni III et Agni IV qui peuvent parcourir des distances de 700 km et 3500 km respectivement, et elle a donc la capacité de frapper des cibles partout au Pakistan, un pays doté de l’arme nucléaire.

Selon V.K. Saraswat, conseiller scientifique au ministère de la Défense, l’Agni V « changera la donne ». Il a noté que ce dernier pourrait être utilisé pour abattre des satellites ennemis et transporter de multiples ogives permettant de frapper plusieurs cibles avec un seul missile. L'Inde, cependant, est loin de maîtriser la technologie MIRV (missiles à ogives multiples indépendamment guidées).

La première réaction officielle chinoise face à l'essai de la semaine dernière a été modérée et limitée. Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Liu Weimin, a déclaré que la Chine ne se sentait pas menacée par le test : « La Chine et l'Inde sont de grands pays en développement. Nous ne sommes pas concurrents, mais partenaires ».

Cependant, une réaction subséquente en Chine a exprimé bien plus d’inquiétude et a fait allusion qu’en réponse, Pékin pourrait intensifier ses efforts pour développer des systèmes de défense antimissiles balistiques. L’agence de nouvelles officielle Xinhua a publié une dépêche disant que «Le missile [Agni V] place l'ensemble de l'Asie, soixante-dix pour cent de l'Europe et d'autres régions à sa portée de frappe...»

Le quotidien de langue anglaise The Global Times, basé à Pékin et possédé par le People’s Daily, l’organe officiel du Parti communiste, a cité un expert militaire chinois disant que la portée du Agni V est en fait de 8000 km, mais que New Delhi a délibérément minimisé cela afin de ne pas causer des inquiétudes en Russie et dans d’autres pays d’Europe et d’Asie. Dans un éditorial intitulé « L’Inde vit dans l’illusion du missile » (India being swept up by missile delusion), le Global Times a averti l’Inde de ne pas se laisser emporter et de ne pas « surestimer sa force ». « Même si [l’Inde] possède des missiles qui peuvent atteindre la majeure partie de la Chine », a dit le Global Times, « cela ne veut pas dire qu’elle gagnera quoi que ce soit à être arrogante lors de conflits avec la Chine ».

Comme il fallait s’y attendre, les journaux, les réseaux télés et les radios de l’Inde ont rivalisé de propagande guerrière et nationaliste en célébrant le test et en le présentant comme la preuve des prouesses technologiques de l’Inde.

Le premier ministre Manmohan Singh a accueilli le succès du test comme une « autre décisive dans notre quête pour la sécurité, pour une meilleure préparation et pour l’exploration des frontières de la science ». Par la suite, Manish Tiwari, un haut dirigeant du Parti du Congrès, le parti qui domine dans le gouvernement de coalition de l’Inde, a affirmé que le test de missile Agni V a répondu à ceux de la classe dirigeante qui doutaient, dans le contexte d’une croissance de l’opposition populaire et des problèmes économiques, de la détermination du gouvernement à mettre en oeuvre d’autres réformes de libre marché. « Tous ceux qui parlent de paralysie politique devraient considérer sérieusement à quel point l’Inde a pu étendre son espace stratégique et développer son statut en tant que puissance émergente au cours des huit dernières années », a dit Tiwari.

Les États-Unis, qui avaient vertement condamné la Corée du Nord stalinienne parce qu’elle déstabilisait la région de l’Asie du Pacifique avec ses récents lancements de missile ratés ont, par contraste frappant, accueilli dans les faits l’émergence de l’Inde en tant que puissance dotée de missiles longue portée. Le porte-parole du département d’État, Mark Toner, a souligné que les États-Unis ont un « partenariat stratégique et de sécurité très fort avec l’Inde ». Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer la différence marquée des réactions de Washington aux tests de la Corée du Nord et à ceux de l’Inde, le porte-parole de la Maison-Blanche Jay Carney a dit : « L’Inde a un dossier fort différent de celui de la Corée du Nord. »

En fait, durant les dernières décennies de la guerre froide, lorsque l’Inde était alignée avec l’Union soviétique, les États-Unis s’opposaient farouchement à l’émergence de l’Inde en tant que puissance nucléaire. L’Inde était dans la mire de Washington lorsque les États-Unis ont appelé au développement du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).

Mais depuis la fin des années 1990, Washington courtise l’Inde pour qu’elle serve de contrepoids économique et géopolitique à la Chine. Sous George W. Bush, les États-Unis ont déclaré qu’ils voulaient aider l’Inde à devenir une puissance mondiale. Afin de consolider un « partenariat stratégique mondial », ils ont offert à New Delhi un statut particulier dans le système mondial de réglementation du nucléaire en lui permettant de se procurer de la technologie nucléaire civile avancée, bien que l’Inde ne soit pas signataire du TNP et ait développé des armes nucléaires en violation du TNP.

L’accord nucléaire civil indo-américain a des implications militaires majeures. En permettant à l’Inde d’avoir accès à de la technologie nucléaire civile avancée, New Delhi peut concentrer son propre programme nucléaire sur le développement d’armes nucléaires. En levant l’embargo sur le commerce du nucléaire avec l’Inde, les États-Unis ont aussi levé d’autres embargos liés au transfert de technologies avancées, ce qui a aussi des implications militaires.

Sous l’administration Obama, les États-Unis ont intensifié leurs efforts pour axer leur puissance militaire vers un encerclement de la Chine. Ils ont entre autres travaillé à la création d’une alliance stratégique et militaire sous leur direction, entre le Japon, les Philippines, l’Australie, l’Indonésie et l’Inde, et ont encouragé, pour ne pas dire provoquer, la rivalité entre ces États et Pékin.

Pour sa part, New Delhi s’est rapproché des États-Unis dans le but d’exploiter le soutien offert par Washington. L’Inde espère ainsi profiter de la division géopolitique croissante entre les États-Unis et la Chine. En pratique toutefois, l’Inde a à maintes reprises cédé aux pressions des États-Unis dans la campagne de Washington visant à intimider et à menacer l’Iran.

Les relations entre l’Inde et la Chine sont très complexes. La Chine est maintenant le plus important partenaire commercial de l’Inde, bien que la balance commerciale favorise grandement Pékin. Les deux pays sont alignés à l’intérieur de plusieurs forums pour limiter la domination de l’occident, y compris le BRICs.

Tous deux sont fortement dépendants des importations de pétrole et entrent en compétition en Asie centrale, au Moyen-Orient, en Afrique et ailleurs pour le pétrole et d’autres ressources naturelles.

Le gouvernement indien a encouragé la multinationale d’État, Oil and Natural Gas Corporation (OGNC), à entrer en partenariat avec Petro Vietnam dans le but d’effectuer des forages de pétrole dans les eaux chaudement disputées de la mer de Chine méridionale. La Chine a mis en garde l’Inde de ne pas forer à cet endroit, mais New Delhi ignore ces avertissements. Plus tôt ce mois-ci, la question de la mer de Chine méridionale était au coeur des discussions au 5e « Dialogue sur l’Asie du Pacifique » intergouvernemental indo-américain.

Tandis que l’Inde est mêlée de plus en plus aux machinations impérialistes des États-Unis en Asie, des stratèges accusent la Chine de tenter d’encercler l’Inde. Ils basent leurs accusations sur l’étroit partenariat entre la Chine et le Pakistan et sur la stratégie du « collier de perles » chinois qui consiste pour Pékin à développer son influence en Asie du Sud et du Sud-Est et à développer des installations portuaires et aéroportuaires à travers la région de l’océan Indien.

En fait, l’avancée stratégique de la Chine en Asie du Sud est en grande partie une réaction aux guerres prédatrices des États-Unis en Irak et en Afghanistan et à la suprématie navale américaine. Elle vise aussi à contrer la stratégie bien connue du Pentagone qui est de maintenir un contrôle absolu sur le détroit de Malacca et d’autres points stratégiques des océans Indien et Pacifique, afin de pouvoir menacer les voies maritimes par lesquelles est acheminée la majorité des importations de pétrole et des échanges commerciaux.

Au même moment, l’Inde cherche à construire une flotte de haute mer et à occuper un rôle majeur dans le contrôle de l’océan Indien. Ici aussi, les États-Unis encouragent l’Inde à aller de l’avant, ce qui alimente une course aux armements qui pourrait entraîner une catastrophe pour les populations d’Asie et du monde.

(Article original paru le 24 avril 2012)

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