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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le vrai visage de l'Union européenne

Par Stephan Steinberg
7 avril 2012

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Le 25 mars de cette année, l'Union européenne a célébré le 55e anniversaire de sa fondation par les traités de Rome. Les festivités ont été discrètes comparées au faste qui avait marqué l'anniversaire de l'UE cinq ans auparavant. Cette année-là les dirigeants des partis politiques et chefs d'Etats du continent s'étaient rencontrés à Berlin, capitale allemande, avec des dirigeants syndicaux  pour s'adonner à une orgie d'autosatisfaction.

Sur l'air de l'Ode à la joie de Beethoven, les dignitaires rassemblés avaient bu du champagne et s'étaient félicités. Le texte rédigé pour l'occasion commençait en ces termes: « Pendant des siècles, l'Europe a été une idée, un espoir de paix et de compréhension. Cet espoir s'est aujourd'hui concrétisé. L'unification européenne nous a apporté la paix et la prospérité. »

La Déclaration de Berlin de l'UE se poursuit ainsi: « Nous aspirons à la paix et à la liberté, à la démocratie et à l'état de droit, au respect mutuel et à la responsabilité, à la prospérité et à la sécurité, à la tolérance et à la participation, à la justice et à la solidarité. »

Loin de garantir « la paix, la prospérité et la solidarité, » l'Union européenne a été démasquée comme étant un piège réactionnaire, avec des conséquences toujours plus dévastatrices pour les travailleurs d'Europe. Cette évaluation est soulignée par une série d'événements récents qui se sont produits sur tout le continent.

Mardi dernier, un retraité grec de 77 ans s'est suicidé en plein jour devant le bâtiment du parlement du pays. Avant de se tirer une balle, Dimitris Christoulas a laissé une note qui comparait le gouvernement actuel d'Athènes au régime grec qui avait collaboré avec les forces d'occupation allemandes fascistes durant la Deuxième guerre mondiale.

Christoulas partageait le sort de centaines de milliers de personnes âgées grecques. Ayant travaillé toute sa vie comme pharmacien, il s'était vu retirer sa retraite du fait des réformes budgétaires du gouvernement grec. Il déclare dans la note qu'il a laissée «... Puisque je ne trouve pas de justice, je ne vois pas d'autre moyen que celui de mettre fin, avec décence, à ma vie avant de devoir faire les poubelles pour me nourrir ou de devenir un fardeau pour mon enfant. »

Il conclut sa note en prédisant que le même sort sera réservé à l'élite politique grecque actuelle que celui réservé au leader fasciste italien: « Les jeunes sans avenir vont un jour prendre les armes et pendre les traitres par les pieds sur la Place Syntagma, comme les Italiens l'avaient fait pour Mussolini en 1945. »

Le même jour, un Albanais de 38 ans qui était sans emploi depuis quelque temps s'est jeté du deuxième étage d'un bâtiment sur l'île de Crète et a trouvé la mort. Les journaux locaux ont rapporté que les raisons de ce suicide étaient des difficultés financières.

Les mesures d'austérité brutales dictées par l'Union européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international, ont fait que les retraites en Grèce ont été réduites de façon draconienne, de 40 pour cent en moyenne. Le taux de chômage de 21 pour cent est l'un des plus élevés d'Europe. Il y a quelques années, la Grèce comptait le taux de suicide le plus bas d'Europe. Selon les rapports de police, ce taux a doublé en l'espace de deux ans.

La destruction du niveau de vie et des perspectives d'avenir ne se limite pas à la Grèce.

Mardi encore de cette semaine, une femme de 78 ans s'est jetée de son appartement en Sicile et a trouvé la mort. Elle venait d'apprendre que sa retraite mensuelle allait passer de 800 à 600 euros. Et la liste continue...

Lundi, un fabriquant de cadres s'est pendu à Rome. Le mot laissé derrière lui faisait référence à des problèmes économiques écrasants. Son suicide avait été précédé par deux tentatives de suicide dans le nord de l'Italie la semaine dernière. Dans des incidents différents, deux hommes, tous deux dans les métiers du bâtiment, ont essayé de se suicider en s'immolant par le feu. Ils souffrent de brûlures graves. Les deux survivants avaient laissé des notes déclarant que leur situation financière désespérée expliquait leur geste.

La crise sociale en Europe ne touche pas seulement les travailleurs adultes et les retraités. De plus en plus, les perspectives de familles entières et de jeunes enfants sont sacrifiées à l'autel de la « consolidation fiscale » et de la « réforme de l'Etat providence » par une minuscule élite financière privilégiée. Un récent reportage du journal Le Monde révélait que des dizaines de milliers d'enfants italiens quittent l'école plus tôt pour trouver du travail et soutenir leur famille. L'article parle d'enfants de dix ans faisant des journées de travail de 12 heures pour des salaires d'un euro ou moins de l'heure.

La pauvreté et une polarisation sociale extrême sont en train de ravager tout le continent. Selon des chiffres de l'UE pour 2009, qui sont déjà fortement dépassés, plus de 20 pour cent de la population d'Espagne et de Grèce, pays d'Europe occidentale, vivent dans la pauvreté. Ces taux sont plus élevés dans bon nombre de pays d'Europe centrale ou de l'Est, tels la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie et la Bulgarie.

Tous ces pays ont été soumis à des programmes d'austérité massive dictés par l'UE et le FMI. Conséquence directe de la crise sociale, la population de Roumanie a diminué de 12 pour cent durant les dix dernières années, du fait de la combinaison du déclin de l'espérance de vie, du déclin du taux de natalité et de l'émigration massive des jeunes cherchant un avenir à l'étranger. On note des diminutions similaires de la population en Bulgarie et en Lettonie. Au coeur de l'Europe, la pauvreté et la polarisation sociale augmentent aussi de façon spectaculaire dans les plus grandes économies d'Europe, l'Allemagne et la France.

Cet anéantissement du niveau de vie et des perspectives d'avenir sur tout le continent est une première par temps de paix. C'est un réquisitoire dévastateur contre l'Union européenne et plus particulièrement contre ses apologistes dans les syndicats et les partis de l'ex-gauche.

Le désespoir qui a conduit Dimitris Christoulas à se suicider cette semaine ne peut s'expliquer uniquement par ses difficultés financières. Les travailleurs et leurs familles sont capables de surmonter même des problèmes aussi terribles lorsqu'ils savent qu'ils ont le soutien d'une organisation ou d'un parti qui est prêt à se battre pour eux. Mais c'est précisément ce qui manque dans la situation actuelle.

Toutes ces organisations qui prétendent toujours, en paroles, avoir une certaine allégeance envers la classe ouvrière sont depuis longtemps passées de l'autre côté. Il n'existe pas aujourd'hui de partisans plus résolus de l'UE et de sa politique que les syndicats européens et leurs satellites soi-disant de gauche tels SYRYZA en Grèce, le Parti de Gauche en Allemagne, et le NPA en France. Toutes leurs palabres sur les réformes et la possibilité d'une « Europe sociale » n'ont pour objectif que de camoufler le cordon ombilical qui les relie à la bureaucratie syndicale et à ses groupes de réflexion et ses lobbyistes de Bruxelles.

L'unique alternative à la dévastation sociale qui enveloppe actuellement le continent est la mobilisation de la classe ouvrière dans toute l'Europe contre la bureaucratie syndicale et ses parasites, et la formation de gouvernements ouvriers. De tels gouvernements répudieraient immédiatement les programmes d'austérité et de remboursement de la dette dictés par les banques, se retireraient de l'UE et de toutes ses institutions et entameraient le processus de construction d'une alternative authentiquement démocratique fondée sur la satisfaction des besoins des larges masses de la population, à savoir les Etats socialistes unis d'Europe.


(Article original publié le 6 avril 2012)

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