La coalition gouvernementale en Belgique,
qui est formée de six partis, est confrontée à une opposition grandissante
contre l'imposition de milliards d'euros de coupes sociales.
Après 541 jours sans gouvernement official,
suite à l'effondrement de la coalition gouvernementale du parti chrétien
démocrate flamand (Christen-Democratische en Vlaams, CD & V) d'Yves Leterme
en avril 2010, Elio Di Rupo, dirigeant du Parti socialiste (PS) a prêté serment
le 6 décembre de l'année dernière en tant que premier ministre d'une nouvelle
coalition hautement instable. Le nouveau gouvernement comprend aussi le Socialistische Partij Anders(Parti socialiste - différent, sp.a), deux partis
chrétiens-démocrates et deux partis libéraux.
L'Alliance néo-flamande (Nieuw-Vlaamse
Alliantie, N-VA), parti nationaliste flamand qui avait remporté les élections
précédentes en juin 2010, n'en fait pas partie. Dans la partie francophone, au
sud du pays, le Parti socialiste a obtenu 25 sièges, ce qui en fait le deuxième
plus important groupe parlementaire.
Au coeur de l'accord de coalition de 177
pages que les partis ont signé, il y a un engagement concernant des coupes
budgétaires, des pertes d'emploi et des augmentations d'impôts s'élevant à 11,3
milliards d'euros en 2012. Olli Rhen, le commissaire européen aux Affaires
économiques et monétaires, a révélé cette semaine qu'il avait écrit en novembre
aux gouvernements de la Belgique, de Chypre, de Malte, de Hongrie et de la
Pologne pour souligner que si de nouvelles coupes budgétaires n'étaient pas
imposées, ils risquaient de ne pas atteindre les objectifs fiscaux.
Le 5 janvier, il est intervenu directement
pour exiger du ministre belge des Finances, Steven Vanackere, d'imposer de
nouvelles économies allant jusqu'à 2 milliards d'euros d'ici le lundi suivant,
le 9 janvier. Rehn a agi sur la base de nouveaux pouvoirs attribués en décembre
dernier à la commission européenne et en vertu desquels elle est habilitée à
imposer des mesures budgétaires et à contourner les processus démocratiques
habituels pour garantir que les déficits des dépenses publiques soient
inférieurs à 3 pour cent du produit intérieur brut.
En réponse, Olivier Chastel, ministre belge
du Budget et de la Simplification administrative, a dit, « La commission
nous a laissé le choix, soit de nouvelles mesures tout de suite en un week-end
pour 1,2 milliard, ce que nous nous sommes refusés à faire, ou alors geler un
certain nombre de nos dépenses, l'espace de quelques mois, et c'est cette
option-là que nous avons choisie. »
La Belgique arrive au cinquième rang de
l'endettement public de l'Union européenne (UE), près de 100 pour cent du PIB
par rapport aux limites d'emprunt fixées par l'UE à 60 pour cent. Depuis
l'effondrement du gouvernement Leterme, la crise de la dette s'est aggravée en
Belgique. En avril 2010, la Belgique était en mesure d'emprunter de
l'argent sur les marchés financiers internationaux à des taux d'intérêt aussi
faibles que ceux de l'Allemagne. Le « spread » (écart de rendement)
entre les rendements obligataires de la Belgique et ceux de l'Allemagne s'est
maintenant accru, passant de 0,4 pour cent à 2,4 pour cent - soit le plus haut
niveau depuis l'introduction de l'euro en 1999.
Philippe Walkowiak, commentateur de la
radiotélévision belge RTBF, a dit dernièrement, « Après 18 mois de blocage,
le monde politique devait rattraper son retard et les mesures d'austérité ont
donc été imposée avec une certaine brutalité, voire on l'a vu dans plusieurs
cas, avec pas mal d'impréparation. »
Les milliards de coupes dans les dépenses
publiques visent à réduire le déficit à 2,8 pour cent du PIB et elles sont
fondées sur les prévisions de croissance de 0,8 pour cent faites en novembre
dernier. Depuis lors, la croissance a ralenti pour atteindre entre zéro et 0,5
pour cent. L'Institut de Recherche économique et sociale (IRES) belge a prévu
une contraction de 0,3 pour cent.
Selon le journal Le Soir, une
nouvelle stagnation de la croissance nécessitera une nouvelle réduction de 1,36
milliard d'euros des dépenses publiques. Le 14 janvier, Di Rupo a dit lors
d'une interview, « Aujourd'hui, nous savons tous qu'il y aura une
dégradation de la zone euro et que nous aurons à prendre des mesures
supplémentaires. »
Lundi, les travailleurs ont participé à une
grève générale nationale de 24 heures partout en Belgique contre le programme
de coupes du gouvernement, grève appelée par les trois principaux syndicats
belges. Cette grève a été le premier débrayage en près de vingt ans à impliquer
des travailleurs de tous les secteurs de l'économie. Elle a coïncidé avec le sommet
européen sur la crise économique qui se tenait le même jour à Bruxelles.
Le transport public était immobilisé vu que
les trains, les avions et les services publics locaux avaient cessé toute
activité. Les services des trains internationaux à grande vitesse dont
l'Eurostar de Londres et le Thalys de Paris étaient à l'arrêt. À l'aéroport de
Charleroi, plateforme pour les compagnies aériennes à bas prix, tous les vols
ont été annulés.
À Bruxelles, les grévistes ont érigé des
barrages routiers, bloquant l'accès aux zones industrielles. De nombreux
bureaux gouvernementaux étaient fermés, tout comme les écoles et le service
postal. Les services hospitaliers étaient dotés du même niveau en personnel que
durant les week-ends. De nombreux magasins avaient fermé leurs portes dans les
villes.
Le secteur privé a été touché par les grèves
chez le constructeur automobile Audi à Bruxelles et à l'usine Volvo à Gand,
ainsi que l'usine Coca-Cola près d'Anvers. Au port d'Anvers, les terminaux de
conteneurs ont été obligés de fermer. Certains terminaux pour le vrac ont
également fermé. En raison de la suspension des services aux usagers du port,
le transport maritime a eu du retard. Les ports d'Ostende, de Zeebrugge et de
Gand ont été durement touchés.
Umicore SA, la plus grande usine de
raffinage de métaux précieux du monde, a dit que la production avait été
arrêtée sur deux de ses cinq sites belges.
Les syndicats ont veillé à ce qu'un
mouvement contre l'austérité ne s'intensifie et n'échappe aux canaux officiels.
Ils ont fait de l'introduction d'euro-obligations leur principale
revendication.
Ils n'ont appelé à aucune vaste protestation
à Bruxelles et les dirigeants syndicaux ont au lieu de cela remis une
reproduction d'une euro-obligation aux chefs d'État qui se réunissaient au
sommet. Rudy De Leeuw, le président de la centrale syndicale ABVV, a dit,
« L'Europe doit émettre des euro-obligations. Elle doit aider les
grévistes qui ont renfloué les banques et elle doit prendre des mesures pour
favoriser une croissance à long terme. »
La demande d'introduction d'un tel système
d'emprunts d'État garantis sur une base européenne plutôt que nationale est
préconisée par de nombreux gouvernements comme un dispositif garantissant que
le fardeau de la crise financière soit bien transféré sur le dos de l'ensemble
de la classe ouvrière. L'objectif des euro-obligations serait d'offrir aux
banques de nouvelles possibilités d'investissement sûres pour recevoir, en
échange de leurs prêts non garantis, des emprunts garantis solidairement par les
États membres de l'Union européenne.
Loin d'être utilisées pour
« sauver » des États membres tels la Grèce et le Portugal, les euro-obligations
sont destinées, comme tous les sauvetages précédents, à défendre la stabilité
de l'euro et à rassurer les marchés financiers sur le fait que les intérêts de
l'élite ultra-riche resteront primordiaux.
Suite à la grève, le gouvernement a accepté
de rencontrer le syndicat en vue de négociations durant plusieurs semaines. Di
Rupo a déclaré avoir « constaté avec satisfaction que la grève et le
sommet européen des chefs d'État et de gouvernement se sont déroulés sans
grands problèmes. » Pour féliciter les syndicats, il a ajouté, « Tout
le monde a assumé ses responsabilités dans des circonstances difficiles. »