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mondiale
Les luttes sociales qui
s'amplifient jettent une ombre sur le sommet économique de Davos
Par
Nick Beams
1 février 2012
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Le Forum économique mondial (FEM), qui termine son
sommet annuel à Davos dimanche, a été créé il y a plus de 40 ans pour faire
se rencontrer des dirigeants d'entreprises, des chefs de gouvernements et
des universitaires afin qu'ils échangent des idées pour la gestion de
l'économie capitaliste mondiale. Durant les deux premières décennies de son
existence, il a fonctionné comme un groupe de réflexion parmi tant d'autres.
Il n'a pris sa prééminence mondiale actuelle qu'après l'effondrement de
l'Union soviétique, il y a 20 ans.
Tandis que toutes les sections de l'establishment
politique et économique acclamaient la mort du socialisme, le triomphe final
du « marché libre » et même la fin de l'histoire, il sembla à ces élites
myopes et à leurs représentants que toutes les grandes questions économiques
et politiques avaient enfin été résolues.
Tout au long des années 1990 et jusqu'à une date
assez avancée de la première décennie du nouveau siècle, il semblait que,
quels que soient les problèmes qui émergeaient, il était possible de les
résoudre par le fonctionnement du marché capitaliste. Le FEM était l'une des
principales sources de ce genre de lieux communs, acclamant le marché comme
le seul système économique rationnel, pendant que les réglementations
établies par le passé étaient battues en brèche. Rien, insistaient-ils, ne
devrait pouvoir s'interposer dans les opérations du capital mondial à la
recherche effrénée du profit.
Ces fictions reçurent un coup terrible avec
l'effondrement de Lehman Brothers en 2008, lorsqu'il fut révélé que, loin
d'apporter la stabilité et des avancées économiques, le marché libre avait
plongé le monde dans la plus grande crise économique depuis la Grande
dépression des années 1930, et qu'au cœur du système financier prétendument
« régulé », se pratique une véritable criminalité.
Pourtant, on affirmait encore une fois que même si
le libre marché avait mené à la crise, il allait fournir une solution.
Maintenant, un nouveau facteur est entré en scène
– la résurgence de la classe ouvrière internationale comme on l'a vu dans la
révolution égyptienne et les luttes sociales qui se poursuivent de par le
monde. D'un coup, alors qu'auparavant l'inégalité était à peine mentionnée
sur la liste des inquiétudes des participants à ce sommet, elle est devenue
cette année le facteur le plus cité qui menacerait la stabilité politique.
Comme ce fut le cas pour toutes les classes
dirigeantes antérieures qui devinrent des obstacles aux progrès historiques,
l'élite capitaliste actuelle, et ses perroquets du monde universitaire et
des médias, étaient tellement aveuglés par leurs propres illusions qu'ils
ont été totalement incapables de voir l'énorme glissement psychologique qui
se produisait dans la société – la désillusion montante des masses
populaires du monde entier vis-à-vis de l'ordre économique présent.
Ayant maintenant étés contraints d'y faire face,
et essayant désespérément de restaurer la légitimité du système capitaliste,
les organisateurs du FEM ont choisi pour thème du sommet de cette année « La
grande transformation : concevoir de nouveaux modèles. »
Le chef et fondateur du FEM, Klaus Schwab a parlé
de la « dystopie » de la pauvreté croissante et des difficultés de plus en
plus importantes générées par le système actuel. Il a mis en garde contre le
« gouffre moral » - l'accumulation de vastes richesses par le 1 pour cent le
plus riche et des conditions qui se dégradent pour la grande majorité – et
l'érosion de la « cohésion sociale. » Il a indiqué les « risques de perdre
complètement la confiance des générations futures. »
Cependant, il n'y a aucun nouveau « modèle » pour
l'économie capitaliste – aucun John Maynard Keynes ni aucun Roosevelt avec
un « New Deal » sous le bras. Et même s'il y en avait un, aucun plan de
réforme visant à amoindrir les ravages du capital international ne pourrait
être appliqué. La domination totale de la finance mondiale, aidée et
encouragée par la déréglementation des 30 dernières années, est telle que ni
les gouvernements nationaux, ni les institutions internationales comme le
Fonds monétaire international ne se fixeront cela pour objectif. Leur
politique est bien plus déterminée par les fonds d'investissement, les
banques et autres institutions financières.
Les opérations de ces géants financiers ont deux
conséquences liées. Elles intensifient les conflits entre les grandes
puissances capitalistes et elles alimentent la lutte des classes.
Au sommet de Davos, les conflits nationaux se sont
manifestés dès le départ. La Chancelière allemande Angela Merkel a ouvert le
forum par un discours dans lequel elle a complètement rejeté les demandes
internationales de plus en plus pressantes pour que l'Allemagne accorde des
fonds de renflouement supplémentaires aux banques européennes.
Cela a entraîné une réaction cassante du
milliardaire George Soros, qui a prévenu que « l'austérité que l'Allemagne
veut imposer va pousser l'Europe dans une spirale déflationniste, » créant
une « dynamique politique très dangereuse. » Au lieu de rassembler les pays,
cela « les entraînera vers des récriminations mutuelles. »
Les divisions profondes au sein de l'Union
européenne ont été révélées au grand jour lorsque le Premier ministre
britannique David Cameron a prononcé son discours. Parlant au nom des
intérêts financiers installés à la City de Londres, il a dénoncé la
proposition d'introduire une taxe sur les transactions financières par les
gouvernements de la zone euro comme étant « tout simplement une folie. » La
zone euro a besoin d'une banque centrale qui soutienne sa monnaie, a-t-il
dit. Elle a aussi besoin d'une intégration économique et de transferts de
taxes, mais n'en dispose pas pour le moment.
N'ayant aucune solution économique à la crise
sociale qui s'aggrave, les élites capitalistes au pouvoir doivent s'en
remettre à des mesures répressives de plus en plus importantes contre la
classe ouvrière dans le pays tout en cherchant à renforcer leur position
contre leurs rivaux internationaux. En dépit des discussions d'un nouveau «
modèle, » voilà leur véritable projet.
Ce scénario a été présenté par Soros dans un
entretien récent accordé à Newsweek. Il a dit : « Nous sommes
confrontés à des temps très difficiles, comparables par bien des aspects aux
années 1930, à la Grande dépression. Nous sommes confrontés actuellement à
un retranchement général dans le monde développé, ce qui menace de nous
confiner à la stagnation, ou pire, pour au moins dix ans. Le scénario le
plus optimiste est un contexte de déflation, le plus pessimiste, celui d'un
effondrement du système financier. »
Il a prévenu qu'avec l'aggravation de la crise en
Europe, les États-Unis seraient touchés, provoquant des confrontations dans
les rues et entraînant une répression et des « tactiques brutales pour
maintenir l'ordre » ce qui pourrait conduire à « un système politique
répressif. »
En d'autres termes, il n'y a pas de solution
socialement pacifique à la crise du capitalisme global. La bourgeoisie n'a
aucun moyen de s'en sortir sans la guerre et la répression. Il est donc
impératif que la classe ouvrière internationale, et surtout dans les grands
pays capitalistes, entre dans la lutte politique, présente son propre
programme socialiste s'appuyant sur la nationalisation des banques, des
institutions financières et des grandes industries, et se lutte pour la
création de gouvernements ouvrier qui l'appliqueraient.
(Article original paru le 28 janvier 2012)