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France : Le Conseil constitutionnel est saisi contre une loi interdisant la négation du génocide arménien

Par Antoine Lerougetel
11 février 2012

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Le 31 janvier dernier, 77 sénateurs et 65 députés ont saisi le Conseil constitutionnel français contre une loi pénalisant la négation du génocide arménien. Ils espèrent voir la loi déclarée inconstitutionnelle.

Ceci suspendrait la promulgation de la loi qui a été votée à l'Assemblée nationale ainsi qu'au Sénat. Cette loi qui rend la négation du génocide arménien passible d'une amende de 45 000 euros et d'un an d'emprisonnement est fortement soutenue par le président Nicolas Sarkozy.

Quatre-vingt-dix-sept parlementaires UMP (Union pour un mouvement populaire) et 39 sénateurs et députés de la « gauche » bourgeoise (Parti socialiste, PS, Parti communiste et Verts) ont apporté leur soutien à ce recours devant le Conseil constitutionnel qui dispose d'un mois pour statuer.

Cette loi est une intervention réactionnaire de l'État contre les droits démocratiques et la liberté de l'enquête historique, et qui est fondée sur de gros calculs politiciens. Néanmoins les législateurs remettant cette loi en question sont eux-mêmes mus par des motivations du même ordre.

La motivation principale de la bourgeoisie française et de ses législateurs n'est pas le massacre de quelque 600 000 à 1,5 million d'Arméniens par les l'État turc entre 1915 et 1918. C'est plutôt le conflit entre le désir du président Nicolas Sarkozy de promouvoir la loi, dans le but de récolter des voix pour sa ré-élection à la présidentielle d'avril-mai, et l'impact que cette loi aura sur les intérêts géopolitiques de l'impérialisme français.

Le recours devant le Conseil constitutionnel est le signe d'une nervosité considérable de sections de la bourgeoisie française quant aux dommages causés par cette loi aux relations franco-turques. La Turquie qui, de son côté, pénalise toute référence au génocide arménien, joue un rôle clé dans les projets avancés d'intervention armée en Syrie par les puissances de l'OTAN et qui ont pour but d'évincer le président syrien Bashar al-Assad et d'imposer un régime mieux disposé envers leurs intérêts. Le principal groupe « d'opposition » armé soutenu par l'OTAN, l'Armée syrienne libre (ASL), est basé en Turquie.

De plus comme le rapporte France 24, « Hors Union européenne, la Turquie est aujourd'hui le troisième partenaire commercial de la France après les États-Unis et la Chine et devant le Japon. Les échanges entre les deux pays ont représenté 12 milliards d'euros en 2012, selon le Quai d'Orsay. La France espérait, avant la polémique autour de la loi sur les génocides, atteindre les 15 milliards d'euros en 2015. »

La cote de popularité de Sarkozy se situe à 30 pour cent et les sondages le donnent bien derrière le candidat le mieux placé François Hollande, candidat du PS, suivi de près par Marine Le Pen du Front national néo-fasciste.

Si Sarkozy est tellement déterminé à faire voter cette loi, c'est qu'il cherche à gagner les voix des 600 000 électeurs de la communauté arménienne de France, largement en faveur d'une telle législation, ainsi que les voix des sympathisants islamophobes d'extrême-droite du Front national néo-fasciste. De telles considérations jouent aussi un rôle majeur dans l'opposition persistante de Sarkozy à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne.

La loi interdisant la négation du massacre arménien a d'abord été votée à l'Assemblée nationale le 22 décembre. Elle a été soutenue par des députés de l'UMP, du PS et du PCF, mais seuls 50 députés sur 577 étaient présents à l'Assemblée nationale au moment du vote. Six ont voté contre. La crise diplomatique causée par cette provocation contre le gouvernement turc a crée de vives divisions au sein de l'UMP au pouvoir.

Le premier ministre turc Recep Tayip Erdogan a réagi au vote de l'Assemblée nationale en annonçant qu'il suspendait les visites bilatérales entre la France et la Turquie et qu'il rappelait l'ambassadeur turc. Il a déclaré que «les exercices militaires conjoints avec la France et toutes les activités militaires avec ce pays ont été annulés. » Il a dit que toute demande militaire française d'utiliser l'espace aérien turc serait considérée au cas par cas et a dit qu'il rejetterait dorénavant toute demande française pour ses bâtiments de guerre de visiter les ports turcs.

Le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé a, en privé, condamné la loi et cherché à rétablir de bonnes relations avec la Turquie. Il a dit que , «La Turquie est pour la France un allié et un partenaire stratégique, » et que « nous (la France et la Turquie) maintenions ouvertes les voies du dialogue et de la coopération. »

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