Le ministère de la Défense du Sri Lanka a empêché
que le Parti de l’Egalité socialiste (Socialist Equality Party, SEP) tienne
dimanche dernier une réunion publique à Jaffna dans le cadre de la campagne
du SEP pour demander la libération inconditionnelle de tous les prisonniers
politiques. Le ministère de la Défense avait instruit, la veille de la
réunion, l’administration de la salle Weerasingham Hall, de refuser les
locaux au SEP.
Le SEP condamne cette attaque grave contre son
droit démocratique de mener un travail politique à Jaffna et appelle les
travailleurs, les jeunes et les intellectuels à s’opposer aux actes
flagrants de censure politique et de répression qui sont une menace à
l’encontre des droits démocratiques de tous les travailleurs.
L’interdiction, initiée par le ministère de la
Défense, est survenue après que le personnel militaire s’en est pris jeudi
dernier à deux membres du SEP, Rasendiran Sudarshan et Muthulingam
Muruganathan, alors qu’ils collaient des affiches pour ladite réunion. Après
avoir été illégalement détenus et questionnés par le service de
renseignement militaire, ils ont été physiquement attaqués par une personne
associée à l’armée. (voir : « L’armée
sri lankaise fomente la violence contre les membres du SEP à Jaffna »)
Le SEP avait réservé et payé la salle Weerasingham
Hall pour le 5 janvier sans qu’aucune objection ait été formulée. En vertu
de la loi aucune permission n’est requise de la police ou de toute autre
autorité pour tenir une réunion en salle.
Et pourtant, samedi, R. Rajaram, président du
conseil coopératif de district qui supervise la salle, a dit aux membres du
SEP que le ministère de la Défense avait ordonné au conseil de ne pas
autoriser la réunion. Il a jouté que le ministère et legroupe de
travail présidentiel de la province du Nord (Presidential Task Force for the
Northern Province) avait ordonné au conseil de ne pas louer la salle à des
partis d’opposition et à des groupes soutenant le « séparatisme. »
Un autre signe qu'une chasse aux sorcières est en
préparation contre le SEP est que le parti a obtenu des preuves que l’armée
est en train de rassembler des informations sur les membres du SEP à Jaffna.
Le service de renseignement militaire et des groupes paramilitaires associés
sont accusés de l’enlèvement et de la disparition de centaines de personnes
durant la longue guerre communautariste contre les Tigres de Libération de
l’Eelam tamoul (LTTE). Au cours de ces derniers mois, cette campagne a été
relancée dans le Nord.
Ces développements montrent que la décision de
bloquer la réunion du SEP a été prise au plus haut niveau hiérarchique du
gouvernement. La province du Nord se trouve, dans les faits, sous régime
militaire. Son gouverneur est l’ancien commandant du Nord des forces armées,
nommé par le président Mahinda Rajapakse. Le gouverneur et l’actuel
commandant du Nord participent aux principales réunions de
l’« administration civile » de la province.
Le SEP rejette l’insinuation que le parti soutient
le « séparatisme. » Le parti a, de façon constante, fait campagne contre la
perspective du LTTE vaincu et d’autres groupes en faveur d’un Etat
capitaliste de l’Eelam dans le Nord et l’Est de l’île. Tout en sachant que
le séparatisme tamoul trouve son origine dans les décennies de
discrimination anti-tamoule promue par les gouvernements successifs de
Colombo, le SEP a souligné que les droits démocratiques de la minorité
tamoule ne peuvent être défendus qu’en tant que partie intégrante de la
lutte de la classe ouvrière pour le socialisme.
Le SEP et son prédécesseur,
la Revolutionary Communist League (RCL), section sri lankaise du Comité
international de la Quatrième Internationale, ont à leur actif un long bilan
d’opposition à la discrimination communautariste contre la minorité tamoule
ainsi qu'à la guerre qui fut lancée dans le Nord et l’Est en 1983.
Participant de cette lutte pour l’unification des travailleurs de langue
cinghalaise et tamoule, le SEP exige le retrait inconditionnel des forces
armées sri lankaises du Nord et de l’Est.
Le SEP lutte avec force pour l’unité de la classe
ouvrière cinghalaise et tamoule en vue de la la mise en place d’une
République socialiste du Sri Lanka et de l’Eelam. Cette lutte est fondée sur
le programme de la révolution socialiste mondiale. La campagne du SEP en
faveur de la libération inconditionnelle de tous les prisonniers, dont la
plupart sont des jeunes tamouls, fait partie de la lutte pour la défense des
droits démocratiques de la population laborieuse dans son ensemble.
Le gouvernement de Rajapakse est tout à fait
conscient de la lutte du SEP pour l’internationalisme socialiste. Le SEP
avait présenté son secrétaire général, Wije Dias, comme candidat
présidentiel aux élections de 2005 et de 2010, afin de révéler au grand jour
la politique droitière de Rajapakse et des autres candidats.
A cause de cette lutte de principe, le SEP-RCL a
été victime d’une chasse aux sorcières lancée contre lui par les
gouvernements successifs au cours des 26 années de guerre, tout en étant
également victime d’attaques perpétrées par le LTTE pour s’être opposé à sa
cause séparatiste. En 1998, le LTTE avait détenu quatre membres du SEP dont
Sudarshan qui a été la cible de l’armée jeudi dernier. Le LTTE avait libéré
les quatre après une intense campagne internationale lancée par le World
Socialist Web Site.
Près de trois ans se sont écoulés depuis la fin de
la guerre. Ni la « libération » ni la « paix » ne sont arrivées dans le Nord
et l’Est, ni le Sud, comme promis par le gouvernement de Rajapakse. Dans le
Nord et dans l’Est, la population est confrontée à une solide occupation
militaire alors que le gouvernement se prépare à transformer la région en
une plateforme de main-d’œuvre bon marché pour les investisseurs sri lankais
et internationaux.
Sur fond d'agitation populaire grandissante contre
les conditions répressives, le gouvernement devient de plus en plus nerveux.
Dans le Nord et dans l’Est, il sait que les partis capitalistes tamouls, tel
le Tamil National Alliance (TNA), sont largement discrédités au sein des
masses. Dans le Sud, les travailleurs, les agriculteurs et les jeunes sont
opposés à l’imposition par le gouvernement de mesures d’austérité dictées
par le FMI.
Lors d'une réunion a
u début
du mois de janvier, le secrétaire à la Défense Gotabhaya Rajapakse avait
déclaré qu’alors qu’il pourrait y avoir une résurgence du LTTE, « la menace
potentielle plus réaliste à notre sécurité nationale est la possibilité que
certains groupes s’efforcent de créer l'instabilité… ayant vu un changement
politique s’opérer par le biais d’un soulèvement dans des pays tels la
Tunisie, l’Egypte et la Libye. »
La crainte du gouvernement est que le
développement des luttes internationales ne se répercute au Sri Lanka. Il
est confronté à un bourbier économique du fait de l’impact de l’aggravation
de la crise économique mondiale. De moins en moins capable de maintenir tout
semblant démocratique, il se tourne vers les méthodes d’Etat policier qu'il
a développées durant la guerre civile avec son régime de facto militaire
dans le Nord servant de banc d’essai.
Le président Rajapakse, le secrétaire à la Défense
et d’autres dirigeants du gouvernement sont en train de provoquer un
communautarisme anti-tamoul dans une tentative désespérée de bloquer les
luttes unifiées de la classe ouvrière cinghalaise et tamoule. Leur credo est
que le « terrorisme du LTTE » est en train de renaître et que la « sécurité
nationale » est menacée. Durant ces derniers mois, l’armée a intensifié ses
mesures d’intimidation contre tout groupe d’opposition qui fait campagne
pour la libération des prisonniers politiques et pour le lancement d’une
enquête sur les personnes disparues.
Le SEP ne prend pas à la légère l’attaque
perpétrée contre ses droits démocratiques. Dans la lutte pour défendre ses
droits, il mobilisera la classe ouvrière, avec l’aide de ses condisciples
internationaux. Nous lançons un appel à soutenir notre campagne pour la
défense de nos droits politiques fondamentaux comme partie intégrante d’une
lutte plus large pour la défense des droits démocratiques de la classe
ouvrière et des opprimés.