L’enterrement d’Antony Fernando Warnakulasuriya,
un pêcheur tué le 16 février par la police, a eu lieu samedi au cimetière d’Egodawatte
à Chilaw.
Antony Warnakulasuriya
Warnakulasuriya a été tué par balle durant les
manifestations des pêcheurs à Chilaw-Wella contre la hausse des prix du
carburant appliquée par le gouvernement dans le cadre des mesures
d’austérité exigées par le Fonds monétaire international (FMI). Trois autres
personnes furent gravement blessées lors de la fusillade et sont soignées au
Colombo National Hospital.
Les pêcheurs, fortement touchés par la flambée des
prix du carburant, surtout dans les zones côtières du Nord-Ouest, avaient
régulièrement organisé des manifestations depuis le 12 février.
Le matin de l’enterrement, quelque 30.000
personnes s’étaient rendues chez Warnakulasuriya pour lui rendre un dernier
hommage et montrer leur opposition au gouvernement. Environ 20.000 personnes
se rassemblèrent au cimetière. Une telle foule immense est exceptionnelle à
Chilaw. Des autocars bondés de pêcheurs venant des villages tout le long de
la côte Nord-Ouest, de Negombo à Kalpitiya, étaient arrivés à la maison
funéraire.
Une partie de la foule au
cimetière
La veille des funérailles, la police avait obtenu
un ordre rendu par le tribunal de district de Chilaw selon lequel « le corps
du défunt ne peut servir à des fins de violence. » L’ordonnance a servi à
justifier une vaste présence sécuritaire pour interdire effectivement toute
protestation. Environ 1.500 policiers étaient en alerte à Chilaw et dans les
alentours de la ville. Des centaines de soldats furent déployés et des
véhicules blindés étaient en attente sur place.
Craignant d’éventuelles protestations des
pêcheurs, l’armée et la police gardèrent leurs distances de l’endroit où les
funérailles avaient lieu. Il incomba aux prêtres catholiques de contrôler
les arrangements funéraires et de bloquer toute expression de colère.
L’épouse en deuil de
Warnakulasuriya (à droite) et ses deux enfants
Sur conseil de l’évêque de Chilaw, Walence Mendis,
la famille avait fait enlever le corps de la maison de la victime à 14.30
heures et l’enterrement eut lieu à 16.00 heures. Aucun discours des proches,
du syndicat des pêcheurs ou de partis politiques ne fut autorisé de peur que
le gouvernement et les forces de sécurité soient critiqués.
Bien que les jeunes du village aient voulu donner
au Socialist Equality Party (Parti de l’Egalité socialiste, PES), l’occasion
de s’exprimer, le curé Claude Hysin y fit obstacle en disant : « On ne peut
pas le permettre. Aujourd’hui, il faut que le calme règne. »
Parfaitement conscient de la colère populaire, pas
un seul ministre du gouvernement ou politicien local n’a assisté aux
funérailles. Vendredi dernier, les gens avaient hué Milroy Fernando, un
ministre du gouvernement et un autre député de la région lorsqu’ils
s’étaient rendus chez Warnakulasuriya.
Le dirigeant du parti d’opposition United National
Party (UNP), Ranil Wickremesinghe, était arrivé avant les derniers
sacrements et promit de soulever la question de l’indemnisation de la
famille de Warnakulasuriya.
Wickremesinghe et l’UNP ont rejeté la faute de la
flambée des prix du carburant sur le gaspillage et la corruption du
gouvernement dans le but de tirer profit de la grande colère contre les
mesures d’austérité du FMI tout en détournant l’attention de la crise
sous-jacente au capitalisme. Au pouvoir, l’UNP avait résolument appliqué un
programme de restructuration de libre marché du FMI.
La procession funéraire
La flambée des prix du carburant n’est qu’une
mesure parmi d’autres imposées par le gouvernement. En font partie entres
autres, la dévaluation de la roupie par rapport au dollar américain,
l’augmentation du prix des autobus et de l’électricité et la réduction
drastique des dépenses gouvernementales. Tout cela affectera le niveau de
vie de la population laborieuse. Le FMI insiste sur ces mesures en échange
de l’octroi d’un prêt de 800 millions de dollars américains payables par
tranches.
Le recours de la police à des balles réelles
contre des manifestants sans armes n’aurait pu se faire sans l’approbation
des responsables au plus haut niveau du gouvernement. Il s’est agi d’un
avertissement conscient à l’adresse de la population laborieuse à savoir que
le gouvernement ne tolérerait aucune opposition aux conditions dictées par
le FMI. L’avertissement avait aussi pour but d’assurer le patronat et les
investisseurs internationaux que le programme d’austérité sera appliqué,
quels qu’en soit le coût politique.
L’attaque perpétrée contre les pêcheurs qui
protestaient a été identique à la violence policière conduite en mai dernier
envers les travailleurs de la zone de libre échange Katunayake lorsque ces
derniers avaient manifesté pour de meilleurs salaires et des retraites. La
police avait alors utilisé des balles réelles pour disperser la foule, tuant
un travailleur, Roshen Chanaka.
Une personne de Chilaw a dit au WSWS: « Antony est
mort pour une cause qui ne concerne pas seulement les pêcheurs. Les prix du
carburant affectent la population en général. Hier, les tarifs de
l’électricité ont également été augmentés. Ces choses se passent parce ce
qu’il n’y a pas de forte opposition qui puisse défier le gouvernement. »
Le SEP avait fait campagne dans cette région
avant, et le jour de l’enterrement, en distribuant des copies de l’article
du WSWS intitulé «
Durant la campagne, un conseiller de Chilaw et
membre du parti au pouvoir United Peoples Freedom Alliance a menacé des
membres du SEP en disant que les tracts antigouvernementaux ne devraient pas
être permis. Il a mis en garde qu’il en informerait la police. Un groupe de
jeunes pêcheurs est intervenu pour défendre les membres du SEP en leur
disant de poursuivre leur campagne.
En parlant au WSWS, de nombreux pêcheurs et femmes
au foyer présents aux funérailles ont exprimé des sentiments tels que : « Le
gouvernement doit assumer la responsabilité de ce meurtre. Antony
Warnakulasuriya a sacrifié sa vie pour toute la communauté de pêcheurs. »
Un jeune pêcheur de Chilaw a dit: « Nous ne
luttons pas simplement pour une subvention. Les prix du carburant doivent au
moins être ramenés au niveau précédent pour que nous puissions faire notre
travail.
Nous luttons pour cela. Nous appelons les médias à nous soutenir. »
La police a tenté de désamorcer la colère contre
la mort de Warnakulasuriya en ordonnant une enquête bidon sur la fusillade
et en versant un demi-million de roupies à ses proches. Dans le même temps,
pour rejeter la faute sur les manifestants, la police a affirmé avoir trouvé
des épées, des cocktails Molotov et des gourdins à l’endroit où avait eu
lieu la fusillade. Les médias à Colombo ont scrupuleusement répété les dires
de la police en publiant des articles sur « des pêcheurs devenus violents. »
En réalité, le meurtre d’un pêcheur innocent alors
qu’il proteste contre les attaques menées par le gouvernement contre les
niveaux de vie a renforcé la profonde hostilité à l’application, par le
gouvernement, du plan d’austérité drastique exigé par le FMI.