Au moins dix soldats de l'OTAN ont été tués dans
deux incidents distincts en Afghanistan, lorsqu'un hélicoptère qui
transportait six Marines américains s'est écrasé dans la province d'Helmand
jeudi dernier, et qu'un soldat de l'armée Afghane a tué quatre soldats
français vendredi au camp d'entraînement de Gwam dans la province de la
Kapisa. Quinze soldats français ont été blessés lors de l'attaque, dont huit
gravement.
Les responsables américains ont dit que les causes
de l'accident d'hélicoptère font encore l'objet d'une enquête mais ils ont
nié qu'un tir ennemi ait abattu l'appareil, décrit comme un hélicoptère de
transport CH-53 Super Stallion. Cependant, un porte-parole des talibans,
Qari Yousuf Ahmadi a déclaré à CNN : « un [CH-47] Chinook a été abattu dans
la région de Zubair Karez, entre Musa Qala et Zamin Dawar au Sud du Helmand,
et plusieurs étrangers qui étaient à bord ont été tués. »
C'est l'accident d'hélicoptère américain le plus
meurtrier en Afghanistan depuis août dernier, où des troupes des talibans
avaient touché un hélicoptère avec un lance-roquette. Huit Afghans et 30
soldats américains qui se trouvaient à bord avaient été tués, y compris 17
membres des troupes d'élite Navy Seals.
Commentant l'attaque dans le camp d'entraînement
de Gwam, le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, a dit : «
C'est dans le cadre d'un entraînement à l'intérieur de la
base qu'un tireur a abattu, assassiné quatre de nos soldats dans des
conditions qui sont inacceptables.Ils n'étaient pas armés, ils ont été proprement
assassinés par un soldat afghan. On ne sait pas pour l'instant si c'est un
taliban infiltré ou si c'est quelqu'un qui a décidé de son geste pour des
décisions que nous ne maîtrisons pas. »
Le président français Nicolas Sarkozy a dit qu'il
pourrait envisager un «
retour anticipé » des troupes
françaises en Afghanistan – le retrait français est actuellement prévu pour
la fin 2013. Sarkozy a également suspendu toutes les opérations
d'entraînement françaises pour les troupes afghanes.
François Hollande, candidat du Parti socialiste
(PS) à la présidentielle de 2012, a déclaré sa « v
olonté
de retirer forces d'Afghanistan, le plus rapidement possible, au plus tard à
la fin de l'année 2012. »Pourtant, son parti était au gouvernement en 2001 lorsque l'invasion de
l'Afghanistan par l'OTAN avait commencé, et à l'époque le PS soutenait la
participation française à la guerre.
Les représentants de l'OTAN ont, de façon absurde,
tenté de minimiser les tensions entre les forces d'occupation de l'OTAN en
Afghanistan, la Force internationale de sécurité et d'assistance (FISA), et
l'armée du régime fantoche afghan. Le secrétaire général de l'OTAN, Anders
Fogh Rasmussen a dit que c'était un « triste jour, » mais a ajouté que des
événements comme l'attentat du camp de Gwam sont « isolés ».
Le porte-parole de la FISA, le lieutenant-colonel
Jimmie Cummings a dit : « Nous nous entraînons et travaillons de concert
avec du personnel afghan tous les jours, et nous ne voyons aucune raison
d'inquiétude dans nos relations. »
En réalité, la profonde opposition populaire à
l'occupation impérialiste se reflète dans une rupture importante des
relations entre l'OTAN et ses auxiliairesdes forces afghanes. Cela
va bien plus loin que les nombreux incidents au cours desquels des forces
armées afghanes ont effectivement tiré sur des soldats de l'OTAN. Se
produisant après la colère populaire contre le bombardement par les
États-Unis d'un avant-poste de l'armée pakistanaise en novembre dernier,
lequel avait poussé le Pakistan à bloquer les routes de ravitaillement vers
l'Afghanistan sur son territoire, cette nouvelle attaque révèle que le
réseau d'intermédiaires locaux de l'OTAN en Asie centrale menace de
s'effondrer brusquement.
Décrivant les relations entre l'OTAN et l'armée
afghane, un colonel de l'armée afghane a déclaré au New York Times
hier, « le ressentiment monte rapidement. » Il a dit que les troupes
afghanes étaient « des voleurs, des menteurs, et des drogués, » et que les
troupes américaines sont « des brutes arrogantes et vulgaires qui
s'expriment de façon grossière. » Il a ajouté qu'il craignait que les
tensions entre l'OTAN et les forces afghanes « ne deviennent un problème
majeur dans un avenir proche parmi les rangs inférieurs des deux armées. »
Un rapport de l'armée américaine de mai 2011
intitulé « Une crise de confiance et d'incompatibilité culturelle » - Etude
réalisée auprès de 613 soldats afghans, 30 interprètes et 215 soldats
américains dans trois provinces afghanes - décompte 15 incidents au cours
desquels des soldats afghans ont tiré sur des soldats de l'OTAN dans les 10
mois précédant la publication du rapport, en tuant 39. C'est à peu près un
tiers des pertes de l'OTAN dues à des tirs d'armes de petit calibre en
Afghanistan au cours de cette période.
Ce rapport note, « des altercations mortelles
[entre soldats afghans et américains] ne sont clairement pas rares ou isolés
; elles reflètent une menace montante d'un homicide systématique (dont
l'ampleur risque d'être sans précédents entre "alliés" dans l'histoire
militaire moderne). » Ce rapport qualifie les affirmations officielles selon
lesquelles « les incidents meurtriers entre [l'armée afghane] et la FISA
sont "isolés" et "extrêmement rares," 'd'"insincères, pour ne pas dire d'une
profonde malhonnêteté intellectuelle. »
Ce rapport cite également les inquiétudes
américaines sur le fait que les troupes afghanes ne font presque jamais rien
pour les aider à capturer des soldats afghans qui ont tiré sur des soldats
américains en prenant la fuite.
Le texte du rapport, qui réfléchit sur les
récriminations mutuelles des soldats afghans et américains, dresse un
tableau accablant de l'occupation de l'Afghanistan par l'OTAN. Les plaintes
des soldats afghans sont principalement une réaction au traitement barbare
des civils par les militaires américains et à l'humiliation qu'ils
ressentent à être traités comme des inférieurs par ceux-ci, devant les
civils.
Ce rapport cite les plaintes afghanes suivantes
contre les forces américaines : « Des convois américains qui ne laissent pas
passer le trafic routier, des tirs de riposte sans distinction qui causent
des pertes civiles, l'usage naïf de sources de renseignements qui ne sont
pas fiables, des troupes américaines qui mènent des raids et des
perquisitions de nuit, le non-respect de l'intimité des femmes durant les
fouilles, les postes de garde sur les routes, la fouille et le désarmement
en public des membres [des forces de sécurité afghanes] quand ils entrent
dans les bases, et les massacres passés de civils par les troupes
américaines. »
D'après ce rapport, bon nombre de ces
comportements entraînent fréquemment des situations de blocage entre troupes
de l'OTAN et troupes afghanes armées, durant lesquelles les troupes de
l'armée Afghane menacent d'ouvrir le feu. Ce rapport fait état d'un « mépris
généralisé envers les soldats américains » parmi les troupes afghanes.
Les soldats afghans se plaignent également de ce
que les troupes américaines tirent pour un rien sur du bétail, urinent ou
défèquent en public (y compris dans des bassins d'approvisionnement d'eau ou
devant des femmes), et humilient les soldats afghans devant les civils, les
appelant généralement « fils de pute ».
Les troupes de l'OTAN se plaignent que les soldats
afghans ont dit avec franchise à des journalistes ou à des soldats de l'OTAN
qu'une fois qu'il deviendrait clair que les talibans allaient gagner, ils
changeraient de camp. Les soldats américains se sont également plaints que
les soldats afghans, mal équipés par leur gouvernement fantoche, se servent
souvent dans les stocks américains.
Les dirigeants afghans qui ont collaboré avec
l'OTAN contre les talibans ont largement été recrutés parmi une couche de
seigneurs de guerre formée dans les années 1980 avec le soutien des
États-Unis pour lutter contre le gouvernement allié des Soviétiques, et
financés par le trafic de drogues. L'Afghanistan sous occupation de l'OTAN
est depuis dix ans le plus grand fournisseur d'opium du monde. Les troupes
américaines se plaignent largement de la dépendance aux drogues des soldats
afghans ; l'étude a estimé que 74 pour cent des soldats afghans ont une
dépendance au haschich, et un pourcentage quelque peu plus faible, à
l'héroïne.
Même si les soldats américains n'ont pas soulevé
cette question, le rapport note également des plaintes de soldats canadiens
sur la « pratique culturelle du bachbazi [vendre des jeunes garçons
comme esclaves sexuels aux seigneurs de guerre], ainsi que du viol et de la
sodomie de jeunes garçons. » Le rapport ajoute, « l'une des raisons pour
lesquelles les civils afghans préfèrent les insurgés [à l'armée afghane] est
que cette dernière a tendance à enlever leurs petits garçons aux barrages
routiers et à les agresser sexuellement. »
Le rapport décrit les institutions du gouvernement
afghan, mises en place par l'occupation de l'OTAN, comme « guère mieux que
des réseaux du crime organisé [c] où la responsabilité pour ses actions est
quasi-inexistante. »