Des milliers de travailleurs de la société
Pangang Group Chengdu Steel & Vanadium (connue sous le nom de Chengdu
Steel) se sont mis en grève le 4 janvier contre les bas salaires à Chengdu,
capitale de la province du Sichuan.
L'organisation des droits de l’homme
sis à New York, China Labour Watch, a évalué le nombre de grévistes à
2.000 mais d’autres rapports ont estimé que 10.000 étaient impliqués. Le
quotidien de Hong Kong, Ming Pao Daily News, a rapporté qu’un
millier de policiers avaient été envoyés pour empêcher les travailleurs de se
diriger vers le carrefour de l’autoroute de Chengdu-Mianyang près de
l’usine.
China Labour Watch a indiqué que « La confrontation a
paralysé durant plusieurs heures le trafic et la police a dispersé la foule au
moyen de spray au poivre. Plusieurs travailleurs furent blessés lors des
affrontements qui s’ensuivirent. » Cinq travailleurs ont été arrêtés
puis relâchés après l’intervention de l’entreprise métallurgique.
Dans des rapports en ligne, des témoins ont
écrit que les travailleurs brandissaient des pancartes disant: « Nous
exigeons une augmentation de salaire » ou « Nous voulons survivre,
nous voulons à manger ». D’autres slogans réclamaient la divulgation
des salaires versés à la direction.
China Labour Watch a déclaré: « Les travailleurs disent
qu’ils travaillent longtemps et durement pour un salaire extrêmement bas
tandis que leurs directeurs récoltent les bénéfices. » Selon les
travailleurs, leur salaire mensuel moyen est de seulement 1.200 yuans (190
dollars US) soit 14.400 yuans par an, tandis que leurs directeurs gagnent en
moyenne plus de 100.000 yuans par an. Le salaire minimum des travailleurs dans
le district de Qingbaijiang, dans la province de Chengdu, s’élevait
l’année dernière à tout juste 850 yuans par mois.
Les métallurgistes de Chengdu ont exigé une
augmentation de 400 yuans par mois mais la direction ne leur a offert
qu’une augmentation de 260 yuans. Les grévistes se sont plaints de ce que
leurs salaires ne faisaient que reculer face à une rapide hausse des prix et
que leurs contrats de travail ne leur offraient aucune garantie.
Ce débrayage était le deuxième mouvement de
grève en l’espace de cinq jours dans le district de Qingbaijiang. Des
milliers de travailleurs de l’usine d’Etat Sichuan Chemical
Industry avaient débrayé le 30 décembre. Après avoir perdu de l’argent
pendant des années, Sichuan Chemical Industry avait gelé les salaires à 1.000
yuans par mois pour une période de quatre ans et la direction projetait de
déposer le bilan pour pouvoir vendre les terrains à des promoteurs immobiliers.
Les travailleurs ont réagi en descendant dans la rue et en obligeant
l’entreprise à augmenter leur salaire de 400 yuans, en plus d’une
prime de fin d’année de 3.000 yuans.
Les métallurgistes de Chengdu, manifestement
inspirés par les travailleurs de la chimie, ont exigé la même prime de fin
d’année. Chengdu Steel, qui compte plus de 14.000 salariés, est une
filiale clé de Pangang Group Steel & Vanadium. La société produit des
tuyaux en acier de précision sans soudures, des fils et des barres ainsi que
d’autres produits métallurgiques destinés principalement aux applications
industrielles qui sont utilisées dans plus de 50 pays.
Dans le cadre de la restauration des
relations de marché capitaliste en Chine, la plupart des entreprises
d’Etat restantes ont été transformées en sociétés anonymes cotées en
bourse. Pangang, plus gros producteur d’acier en Chine occidentale, a été
intégré au deuxième plus important sidérurgiste du pays, Anshan Iron and Steel
Group, comme partie intégrante de la politique de Beijing de consolidation de
l’industrie lourde et de création de groupes multinationaux.
La situation difficile des métallurgistes
chez Chengdu Steel est typique de tous ceux qui étaient employés dans des
industries d’Etat. Lors d’une vaste campagne de privatisation
s’étendant de 1998 à 2002, plus de 60 millions de personnes avaient perdu
leur emploi, ainsi que les prestations sociales qui y étaient liées, tel le
logement et les soins de santé. Pour ceux qui ont gardé leur emploi, les
conditions sociales ne sont pas différentes de celles des travailleurs migrants
ultra-exploités originaires de la campagne.
Le même jour où les métallurgistes de
Chengdu Steel faisaient grève, des centaines de travailleurs migrants prenaient
d’assaut le tribunal de la ville de Shuangliu dans la province de Sichuan
pour exiger que la cour agisse en leur nom pour l’obtention de salaires
non payés par leur employeur. Au lieu d’aider les travailleurs, des
centaines de policiers ont été déployés et les représentants des travailleurs
emmenés au tribunal et passés à tabac. La brutalité a provoqué des affrontements
avec la police lors desquels deux travailleurs ont été blessés.
Les troubles grandissants des travailleurs
sont liés à la baisse des exportations vers l’Europe et l’Amérique,
à laquelle s’ajoute l’effondrement du marché de l’immobilier
chinois. Après une expansion massive au cours de la décennie passée, la
consommation d’acier de la Chine n’augmentera que de 4 pour cent en
2012 pour atteindre 700 millions de tonnes. Ceci signifie une chute de profits
pour les entreprises sidérurgiques, a mis en garde jeudi dernier, Zhu Jimin, le
président de l’Association du Fer et de l’Acier de Chine.
« Les entreprises doivent faire face à
davantage de risques opérationnels sous la pression de facteurs tels
l’augmentation des coûts, la baisse de la demande et un financement
difficile et onéreux, » a déclaré Zhu. Il a dit qu’une série de
mesures politiques introduites l’année dernière pour freiner le secteur
immobilier avaient réduit la demande d’acier. De plus, une faible demande
de l’industrie manufacturière, de la construction ferroviaire, de la
construction navale et des entreprises automobiles a également eu des
conséquences négatives.
Les grèves à Sichuan, dans le Sud-Ouest de
la Chine, montrent que les troubles qui avaient commencé le mois dernier par
des débrayages contre la réduction des salaires, les conditions de travail et
pour des primes de fin d’année, dans les villes exportatrices de
Guangdong sont en train de se propager aux provinces côtières.
Les autorités de Guangdong avaient
initialement décidé de suspendre une augmentation prévue de 20 pour cent du
salaire minimum. Mais, la menace de protestations plus vastes de la part des
travailleurs et des masses rurales a forcé le gouvernement de Guangdong à
changer d’avis, et les centres clé de production tel Shenzhen à relever
le salaire minimum de 15,9 pour cent en le faisant passer à 1.500 yuans.
D’autres villes telles Beijing ont également augmenté le salaire minimum
de 8,6 pour cent pour atteindre à 1.260 yuans à partir du 1er
février.
Il ne reste au régime chinois que peu de
marge de manoeuvre pour faire des concessions à la classe ouvrière vu que les
industries telles celle de l’acier opère avec une marge de profit mince
d’environ 2,5 pour cent.
Vu l’état désastreux des perspectives
économiques mondiales, les employeurs ont fortement fait pression contre toute
hausse des salaires minima – le salaire de base habituel de la plupart
des travailleurs. Le vice président de la Fédération des industries de Hong
Kong, Stanley Lau, a dit à Reuters que toute augmentation se « révèlerait
être un sérieux coup porté aux industriels. » Il a dit que tout indiquait
que les commandes d’exportation au premier trimestre 2012 subiraient une
nette baisse.
Il est significatif de noter que les
autorités de Sichuan avaient déjà annoncé dès le 1er janvier, avant
donc les dernières grèves, une augmentation de 23 pour cent des salaires
minima. Etant donné que de nombreux fabricants quittent les zones de bas
salaire des régions côtières pour se réinstaller à Sichuan et dans
d’autres provinces métropolitaines, les récents conflits à Sichuan
montrent que l’ensemble de la classe ouvrière est poussée vers une
confrontation avec l’élite patronale et le régime de Beijing.