Le 31 décembre, le président Nicolas Sarkozy annonça, à l’occasion de ses
vœux pour l’année 2012, l’introduction d’une « TVA sociale ». Celle-ci
consiste en une forte réduction des charges sociales des employeurs (un des
chiffres avancés est de 5,4 pour cent) qui seraient remplacées par une
hausse équivalente de la TVA.
Cela reviendrait à transférer la charge du financement de la protection
sociale sur les travailleurs et cette mesure est par conséquent profondément
impopulaire.
C’était la principale mesure discutée au sommet social entre le
gouvernement, les représentants du patronat et les responsables syndicaux.
Parce qu’elle est très impopulaire il n’y eut pas d’accord officiel à son
sujet, mais Sarkozy dit qu’il annoncerait une décision la concernant d’ici
la fin du mois de janvier.
Le sommet annonça toutefois une mesure destinée à supprimer les
restrictions existantes à la possibilité de forcer les ouvriers au chômage
technique. Le sommet se mit aussi d’accord pour réduire de 20 à 10 jours la
période dont disposent les inspecteurs du travail pour autoriser le chômage
technique ; il ajouta que ce délai pourrait être entièrement supprimé si se
produisait « une dégradation forte et subite de l’activité de l’entreprise. »
De tels accords ne font que souligner le caractère profondément anti-ouvrier
de ces sommets.
Le gouvernement a présenté sa mesure de façon cynique comme allant « favoriser
la création d’emplois » ou encore « garder les entreprises en France ».
Encore appelée « mesure anti-délocalisation », elle signifie en fait une
baisse massive des salaires et une attaque frontale des droits sociaux des
salariés.
Le projet de « TVA sociale » opère sur deux plans : il réduit
l’obligation du patronat de financer la protection sociale en général et il
taxe effectivement les produits importés.
Une étude commanditée par l’organisation patronale Medef et rapportée
dans le Financial Times dit qu’un « scénario minimum d’une réduction
des charges salariales de 30 milliards d’Euros exigerait une augmentation de
la TVA à 22 pour cent, plus une augmentation supplémentaire limitée d’autres
impôts. » L’étude ajoute qu’« une réduction de 70 milliards d’Euros serait
nécessaire afin de correspondre aux charges salariales équivalentes en
Allemagne – ce qui exigerait une forte augmentation de la TVA à 25 pour
cent, le niveau maximum autorisé en Europe. »
La TVA sociale est une mesure protectionniste, destinée à augmenter la
marge de profit des entreprises françaises et améliorer leur compétitivité
vis-à-vis des rivales étrangères. Devant la perte de compétitivité des
produits français dans le monde, la bourgeoisie veut imposer une réduction
drastique et généralisée du coût horaire du travail.
Le Wall Street Journal estimait le 3 janvier: « comme la France ne
peut pas approcher les coûts de travail de la Chine, la TVA sociale est
plutôt comparable à un assaut compétitif de la part de la France vis-à-vis
de ses voisins de l’euro zone. … Cette mesure équivaut à une dévaluation,
parce qu’elle augmente effectivement le prix des importations et réduit le
prix des exportations ».
Avec le transfert du financement de la protection sociale du patronat à
la TVA, la bourgeoisie prépare à faire porter aux seuls salariés, retraités,
et chômeurs ce qui, depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, était
financé conjointement par le patronat et les salariés. Une hausse de la TVA,
qui taxe surtout les achats des travailleurs et des revenus modestes,
signifie une baisse équivalente, et supplémentaire de ces revenus.
Un financement aléatoire par une taxe sur la consommation, et dans des
conditions de salaires bas et d’emploi précaire, conduira à une réduction
massive des prestations sociales—surtout en matière de soins et d’assurance
maladie, de retraite et d’assurance dépendance. C’est toute la sécurité
sociale qui est remise en cause.
La réaction des partis de la « gauche » bourgeoise à cette mesure montre
que les travailleurs n’ont rien à en attendre pour se défendre contre cet
assaut. Le Parti socialiste, qui brigue la présidence pour prendre des
mesures d’austérité plus dures que celles imposées jusque-là, a mollement
critiqué la mesure.
François Hollande, le candidat du PS à la présidence a dit que c’était un
« mauvais impôt » qui allait « pénaliser la croissance ». Cette critique
cynique qui ne correspond en rien aux convictions politiques de Hollande ni
à celles du Parti socialiste, est dictée par ses calculs électoraux
vis-à-vis de Sarkozy.
Le PS n’est pas contre une « TVA sociale »; Manuels Valls, qui est à
présent chargé de la communication de Hollande, avait même déclaré lors de
la primaire socialiste : « La solution, c’est la TVA sociale ». Le PS a
lui-même proposé une taxe « écologique » sur les importations.
La CGT est, à l’en croire, farouchement opposée à la TVA sociale. Son
secrétaire général, Bernard Thibault, a même déclaré que le projet de TVA
sociale constituait « l'arnaque la plus importante de ce début d'année »
Ces déclarations n’ont pour but que de masquer son véritable objectif :
négocier avec le gouvernement des moyens de renforcer la compétitivité du
patronat français. Dans la mesure où la CGT a négocié toute une série de
coupes sociales, en particulier celles des retraites en 2010 et se prépare
en même temps dans les coulisses à s’entendre avec le patronat et le
gouvernement sur toute une suite de mesures anti-ouvrières, de telles
déclarations ne sont pas crédibles.
La seule crainte de la CGT, comme celle des autres bureaucraties
syndicales, est de perdre, si elle ne défend pas ses propres intérêts
bureaucratiques dans les négociations en cours sur les coupes sociales,
certaines de ses prérogatives en tant que « partenaire social » du patronat,
comme la gestion des dépenses sociales
(Article original publié le 19 janvier 2012)