Juste avant Noël, le parlement italien a
adopté un plan d’austérité totalisant 80 milliards de coupes touchant
notamment les retraités, les travailleurs et les pauvres.Les lois de
protection contre les licenciements sont à présent dans le collimateur du premier
ministre « technocrate » Mario Monti : d’ici le 23
janvier, il projette de soumettre des réformes supprimant en grande partie les
protections juridiques contre le licenciement, ainsi que d’autres droits
sociaux.
Le plan d’austérité de Monti a été soutenu
au parlement par le Parti Démocrate (Partito Democratico, PD, successeur du
Parti communiste), par le parti Peuple de la Liberté (PDL) de Silvio Berlusconi
et par le Troisième Pôle (Terzo Polo), formé par les Chrétiens démocrates et
les « post-fascistes ».
Ont voté contre, le parti de l’Italie
des Valeurs (Italia dei Valori), parti de l’ancien juge
d’instruction Antonio di Pietro, et la Ligue du Nord, le précédent
partenaire de la coalition de Berlusconi. Italie des Valeurs a critiqué les
mesures d’austérité de Monti disant qu'elles ne comportent pas
suffisamment de mesures contre la corruption alors que la Ligue du Nord de
droite a tenté de tirer un certain capital politique de son opposition au plan
d’austérité.
Le caractère de classe du plan d’austérité
est tellement évident que pour la première fois depuis bien des années les
trois principales fédérations syndicales de l’Italie se sont senties
obligées de lancer un mot d’ordre de grève de trois heures pour la
journée du 12 décembre. L’action a, toutefois, été purement symbolique et
était censée être une soupape de sécurité inoffensive pour contenir le
mécontentement populaire grandissant.
Les syndicats collaborent étroitement avec
Monti et sont régulièrement invités pour consultation avant que celui-ci
n’annonce ses décisions. Ils sont personnellement liés aux Démocrates et
aux autres partis qui ont voté en faveur du plan d’austérité. Il est
significatif de noter que d’éminents Démocrates sont également intervenus
dans les rassemblements syndicaux du 12 décembre où ils ont pesté contre un
plan de rigueur « injuste, déséquilibré, récessif », pour ensuite le
soutenir quelques jours plus tard au parlement.
Un rôle semblable est joué par Nichi
Vendola, président de la région des Pouilles, qui, après que le parti de la
Refondation communiste (Rifondazione Comunista, RC) a quitté le parlement
italien, est devenu le porte-parole de la pseudo-gauche. Il avait dûment
dénoncé le « budget faux et socialement injuste » pour ensuite placer
tous les espoirs dans le gouvernement Monti.
« Si le gouvernement a besoin
d’une deuxième tentative pour prendre ces mesures de justice sociale, de
durabilité de l’environnement et de croissance économique qui jusque-ici
font défaut, nous l’apprécierons, » avait-il dit à la fin de l’année
lors d’une conférence de presse.
Emma Marcegaglia, présidente de
l’association patronale Confindustria, n’a pas caché son
enthousiasme pour le plan d’austérité. Monti est considéré comme
l’un des leurs par de nombreux entrepreneurs, « il est tout à fait
sur notre ligne pour ce qui est des questions de politique économique, »
a-t-elle jubilé. Maintenant, que le marché du travail doit être libéralisé,
« il ne devrait pas y avoir de sujets tabous lors des discussions. »
L’idée maîtresse du plan de rigueur
est une nouvelle réduction des retraites d’Etat. D’ici 2018, les
hommes tout comme les femmes devront travailler jusqu’à l’âge de 66
ans. Jusque-là, certains travailleurs pouvaient prendre leur retraite après 35
ans de service – ce qui représentait un important acquis social. Dès le
mois de décembre, près de 100.000 travailleurs de moins que prévu ont pu partir
à la retraite.
Dans le même temps, la situation sur le
marché du travail est catastrophique. Selon Confindustria, un million
d’emplois ont été détruits depuis le début de la crise en 2008. Une étude
de l’Institut national des Statistiques, Istat, a constaté qu’un
Italien sur quatre était menacé de pauvreté. De plus, le pays est en train de
glisser vers la récession qui est également exacerbée par le plan
d’austérité. En 2012, le produit intérieur brut se contractera de 1,5
pour cent.
Le deuxième élément important du plan
d’austérité – l’augmentation de la TVA (taxe sur la vente) de
21 à 23 pour cent, une augmentation des taxes sur l’énergie et l’immobilier
– touchera tout particulièrement les personnes aux revenus plus faibles
et moyens. Le coût de l'essence et du gaz a augmenté de cinq pour cent au 1er
janvier, l’électricité et le péage autoroutier de trois pour cent. Les
propriétaires hautement endettés (qui forment 80 pour cent de la population)
doivent payer en moyenne 800 euros de taxes supplémentaires sur leur maison.
Les retraités sont tout particulièrement
durement touchés par l’inflation étant donné que leurs retraites sont
déjà gelées par le plan d’austérité. Les retraites s’élevant à 900
euros par mois ne seront plus revalorisées en raison de l’inflation ce
qui représente une réduction substantielle du revenu réel.
Le déclin du pouvoir d’achat a affecté
les ventes au détail qui ont chuté de 17 pour cent durant la période de Noël
par rapport à l’année précédente. Par contre, la rue Montenapoleone à
Milan qui héberge le commerce de luxe et qui regorge de boutiques chic a
enregistré une augmentation de 25 pour cent de ses ventes.
Le plan d’austérité épargne en grande
partie les riches. Il ne renferme pour ainsi dire aucune mesure contre la
fraude fiscale et l’évasion fiscale qui sont répandus au sein de la
classe dirigeante italienne. L’église catholique continue d’être
épargnée en ne payant pas la taxe immobilière – faisant perdre trois
milliards d’euros par an au Trésor public.
De plus, le gouvernement a renoncé à mettre
aux enchères des fréquences utilisées pour la télévision, garantissant ainsi la
survie de l’empire du groupe de TV Mediaset de Berlusconi.
A peine le parlement avait-il adopté le plan
de rigueur que Monti lançait la prochaine offensive. Après que le plan
« sauver l’Italie » a été passé, le plan « l’Italie
croît » a été annoncé par le premier ministre lors d’une conférence
de presse qui s'est tenue à la fin de l’année. A cet effet, le marché du
travail et le secteur public doivent largement être libéralisés et le tissu
social du pays « modernisé ».
L’assaut cible l’article 18 du
code du travail qui confère aux employés et aux ouvriers dans les entreprises
de plus de quinze salariés une protection contre les licenciements. En 2002,
trois millions de personnes avaient manifesté à Rome, l’une des plus
vastes manifestations de l’histoire de l’Italie, contre la tentative
du gouvernement Berlusconi de supprimer la protection juridique contre les
licenciements.
Avec le soutien des Démocrates et des
syndicats, Monti veut à présent accomplir ce que Berlusconi n’avait pas
réussi à faire en son temps. Il a déjà invité dans les jours à venir les
« partenaires sociaux » pour discuter des réformes du marché du
travail. « Nous voulons appliquer des mesures sur lesquelles les syndicats
et les employeurs peuvent se mettre d'accord, » a-t-il annoncé.
Monti sait qu’il peut compter sur le
soutien des syndicats. Eux aussi considèrent que les mesures de libéralisation
sont inévitables. Un accord est déjà en vue. Les syndicats ont signalé leur
volonté d’accepter l’assouplissement de la protection des
travailleurs contre les licenciements en échange d’une promesse de
salaires plus élevés. Face à une hausse rapide de l’inflation –
faisant que de faibles augmentations de salaire se traduiront encore très
probablement par une perte du pouvoir d’achat des travailleurs – le
patronat n’aura pas trop de difficulté à accepter.
Certains représentants influents du parti
des Démocrates, tel l’ancien président Walter Veltroni, et le Troisième
Pôle ont déjà réclamé l’abolition de la protection contre les
licenciements.
Monti projette de finaliser ses projets au
cours des trois prochaines semaines au plus tard, afin de les présenter le 23
janvier aux ministres des Finances de la zone euro.