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Le discours sur l'état de
l'Union
Par Patrick Martin et Joseph Kishore
28 janvier 2012
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Même selon le niveau traditionnel de
dégénérescence du discours annuel sur l'état de l'Union prononcé par le
président des États-Unis, le discours d'Obama de mardi soir était un
remarquable ramassis de panacées pro-patronales, d'intimidations
militaristes et de mensonges.
Les médias, tant ceux de droite que « de gauche »,
on tenté de présenter le discours comme un appel populiste aux travailleurs
qui marquait un virage abrupt dans le ton adopté par l'administration. Ce
n'était toutefois rien de la sorte.
L'objectif de l'administration, tel qu'exposé dans
le discours d'Obama, est d'abaisser considérablement, et de façon
permanente, les conditions de vie de la classe ouvrière. Devant une misère
sociale de masse, Obama a appelé pour une mesure secondaire (un programme de
formation à l'emploi pour les chômeurs), mais surtout pour un programme
pro-patronal de déréglementation, de « réforme » de l'éducation, et de
coupes dans les programmes sociaux. Pour la population du globe, il a évoqué
de nouvelles guerres, mentionnant la possibilité d'une guerre contre l'Iran
et louangeant les bombardements en Afrique et au Moyen-Orient par des drones
américains.
Un an plus tôt, dans son dernier discours sur
l'état de l'Union, Obama affirmait avoir « brisé les reins de la
récession ». Pour démontrer cette position, il a expliqué que « la bourse
est de retour en force et les profits sont en hausse », c'est-à-dire que les
spéculateurs financiers qui avaient généré la crise ont été indemnisés.
Cette année, il a acclamé le retour à la
profitabilité des sociétés américaines de l'automobile. « Ce qui arrive à
Détroit peut se produire dans d'autres industries », a-t-il déclaré. « Ça
peut arriver à Cleveland, Pittsburgh et Raleigh. »
En présentant comme un modèle une ville ayant un
taux de chômage réel de 50 pour cent, Obama exprime le mépris et
l'indifférence de l'establishment politique devant les conditions de vie
difficiles de millions de gens.
Le supposé « succès » de l'industrie de l'auto
acclamé par Obama a été réalisé entièrement aux dépens de la classe
ouvrière. Les salaires des nouveaux travailleurs ont été diminués de moitié
et les avantages sociaux, considérablement réduits. Le nombre d'emplois
créés durant la dernière année ne représente qu'une petite fraction de ceux
qui ont été supprimés durant la faillite, supervisée par les tribunaux, de
GM et Chrysler, sous la direction de l'administration.
Les commentaires d’Obama font suite à la sortie
d’un rapport la semaine dernière par le President’s Council on Jobs and
Competitiveness, sous la direction du PDG de General Electric Jeffrey
Immlet, appelant pour des baisses d’impôt aux sociétés, des
déréglementations et d’autres mesures visant à diminuer les coûts pour les
sociétés américaines. Le rapport sur l’emploi reproche que le krach de 2008
est arrivé en raison de « trop de consommation et pas assez de production ».
Il va sans dire que la consommation que les entreprises américaines visent à
réduire est celle des travailleurs.
En ce qui concerne la défense d’Obama pour la
fameuse « loi Buffet», une proposition qui vise à taxer les revenus de
placement et de salaire au même taux, laquelle a été présentée comme
l’exemple principal du supposé tournant populiste d’Obama, elle a été en
fait un élément mineur de ses remarques.
La loi ne sera pas mise en oeuvre par
l’administration Obama, qui est dévouée à défendre tous les privilèges de
l’aristocratie financière américaine; et même si elle l’était, cela ne
renverserait pas la croissance l’inégalité sociale croissante. En fait, dans
ce contexte, le taux d'imposition sur les revenus les plus élevés pourrait
être réduit à 30 pour cent.
Par ailleurs, Obama a précisé que peu importe la
modification de l’impôt apportée, elle ferait partie d’une entente bipartite
qui serait conclue après les élections, laquelle inclurait des baisses
d’impôt aux sociétés avec de nouvelles attaques sur les programmes sociaux
clés, y compris
Medicare, Medicaid et l’aide sociale.
Le discours sur l’état de l’Union souligne une
fois de plus l’unanimité essentielle au sein de l’establishment politique
par rapport aux aspects les plus importants de la politique. Obama et ses
adversaires républicains sont tous d'accord pour affirmer qu'il faille
sabrer les emplois et les conditions de vie des travailleurs américains,
mais ils ne s'entendent pas nécessairement sur la manière de procéder.
La position des démocrates et des républicains
diffère aussi quant au rôle des syndicats. Les démocrates misent davantage
sur le recours aux services des dirigeants syndicaux pour supprimer
l’opposition de la classe ouvrière.
Le président de l’AFL-CIO, Richard Trumka, a salué
le discours sur l’état de l’Union d’Obama, louangeant son « engagement
envers le secteur manufacturier américain, rendu possible en partie par des
sanctions plus fermes pour la violation des lois commerciales par la
Chine… » Le président de la United Auto Workers, Bob King, a déclaré ceci :
« La reprise de l’industrie américaine de l’automobile est l’un des plus
grands succès économiques du pays. » La déclaration appuie les propositions
d’Obama visant à « égaliser les chances pour les manufacturiers américains
sur le marché mondial ».
Cette phrase a un contenu profondément sinistre et
réactionnaire. « Égaliser les chances sur le marché mondial » veut dire de
créer aux États-Unis les mêmes conditions de super-exploitation que celles
dont profitent les manufacturiers américains en Chine, en Inde, au Mexique
et ailleurs, c’est-à-dire là où les travailleurs œuvrent pour de bas
salaires, sans avantages sociaux, sans normes de santé et de sécurité et
fréquemment sous des régimes dictatoriaux, menacés à la pointe du fusil.
Les travailleurs aux États-Unis, tout autant que
leurs frères et sœurs de classe partout dans le monde, vont résister à ce
programme de coupes dans les salaires et d’exploitation accrue. L’année à
venir en sera une de luttes de classe explosives. N'ayant rien à offrir aux
travailleurs, la classe dirigeante est profondément inquiète de
l’augmentation de l’opposition à un programme qu’elle est absolument
déterminée à mettre en oeuvre.
C’est dans ce contexte que doivent être
interprétés les éloges obséquieux d’Obama pour l’armée, avec lesquelles il a
commencé et terminé son discours. Il a louangé la performance des commandos
de marines qui ont tué Oussama Ben Laden et il a présenté l’armée comme le
modèle dont la société américaine doit s'inspirer pour aller de l'avant.
Ayant établi l’infrastructure d’un État policier
au cours de la « guerre contre le terrorisme » et des attaques contre les
droits démocratiques, l’aristocratie financière a l’intention de l’utiliser
pour son utilité fondamentale de classe : défendre sa richesse et ses
privilèges de classe contre la classe ouvrière américaine.
La classe ouvrière va entrer en lutte pour
défendre ses droits, mais en agissant de la sorte, elle entrera dans un
conflit de plus en plus ouvert non seulement avec Obama, mais avec
l’ensemble du système économique et politique corrompu qu'il représente. La
classe ouvrière doit rompre avec le système bipartite de la grande
entreprise et construire son propre parti politique, basé sur un programme
socialiste, et se battre pour l’abolition du capitalisme.
(Article original paru le 26 janvier 2012)