Jean-Pierre Mercier,
secrétaire du syndicat stalinien CGT (Confédération générale du travail) à
l'usine automobile PSA d'Aulnay-sous-Bois a pris la parole lors d'une assemblée
générale des travailleurs de l'usine Goodyear d'Amiens vendredi 4 mai.
Mercier avait été
invité par le secrétaire de la CGT de Goodyear Mickaël Wamen qui avait appelé à
ce meeting pour discuter de la lutte des travailleurs, depuis quatre ans,
contre la fermeture de l'usine de production de pneus. Les représentants d'Aulnay
et d'Amiens ont tous deux évité d'appeler la classe ouvrière à une action plus
large pour combattre les projets patronaux de fermeture.
Un document de PSA,
divulgué l'année dernière, avait révélé un plan de licenciement pour 2013 à
l'usine d'Aulnay qui conduirait à sa fermeture en 2014. D'autres usines sont
menacées à Hordain dans le Pas-de-Calais au nord de la France et une usine
Peugeot à Madrid, soit au total 9 500 emplois menacés de suppression. A
Aulnay, les syndicats ont concentré leurs efforts sur une demande faite au
président sortant Nicolas Sarkozy d'intervenir.
Depuis la divulgation
de ce document, les syndicats d'Aulnay ont organisé des manifestations
mensuelles, mais Mercier s'est plaint que «seulement 800 des 3 500 travailleurs
ont participé. » Qualifiant les travailleurs de sceptiques il a justifié
la décision des syndicats de ne pas développer une lutte plus large
« parce que nous ne sommes pas assez forts. »
Les raisons du
scepticisme des travailleurs d'Aulnay à l'égard de Mercier sont vite devenues
claires. Il a dit aux travailleurs de Goodyear que la CGT n'avait pas cherché à
contacter d'autres usines PSA, ou des travailleurs d'autres usines automobile,
«parce qu'on n'a pas fait assez. »
Mercier n'a pas essayé
d'expliquer les raisons pour lesquelles les syndicats n'avaient pas «fait
assez » mais il a poursuivi par des menaces en l'air: «Il y a une énorme
crise. Il faut leur foutre une sacrée trouille. »
C'est tout simplement
absurde. Mercier n'a pas essayé de «foutre une sacrée trouille » à
Sarkozy, mais a plutôt essayé de négocier un accord avec lui. Mercier a envoyé
une lettre à Sarkozy lui demandant d'obtenir de la direction de PSA la promesse
de maintenir l'usine ouverte jusqu'en 2016, date où la production de la C3
cessera, et de «discuter » de la production d'un nouveau véhicule qui
remplace la C3 afin de garder l'usine ouverte « après cette date. »
Les syndicats
envisageaient manifestement un arrangement visant à accroître la profitabilité
d'Aulnay par rapport aux autres usines PSA, ce qui serait la condition
permettant à PSA d'envisager de garder Aulnay ouvert. Mais accroître la
profitabilité d'Aulnay ne pourrait se faire qu'en attaquant les conditions de
travail à l'usine.
Mercier a dit aux
travailleurs de Goodyear, « Il nous a fallu 10 mois pour rencontrer Besson
et se mettre d'accord pour une réunion tripartite, » au cours de laquelle
les syndicats ont rencontré la direction de PSA et des représentants du
gouvernement.
Les intervenants à
l'assemblée générale ont parlé de la concurrence de l'industrie française avec
la Chine, l'Europe de l'est et d'autres pays low cost. Aucun n'a évoqué une
lutte commune internationale avec ces travailleurs de l'automobile contre les
baisses de salaires et les suppressions d'emplois.
Depuis le début de la
crise économique en 2008, des dizaines d'usines ont fermé en France, dont
l'usine de pneumatiques de Continental à Clairoix et l'usine Sodimatex de
Crépy-en-Valois. Les syndicats ont isolé ces luttes, procédant à des
négociations usine par usine avec les patrons et l'Etat. C'est ce qui a permis
aux entreprises et à l'Etat de fermer ces usines, conduisant à une succession
de défaites pour les travailleurs. Les syndicats ont à maintes reprises arrangé
des «fermetures négociées» des usines s'accompagnant de maigres
indemnités de départ pour les travailleurs.
Ces événements
soulignent le rôle politique joué par le groupe petit-bourgeois Lutte ouvrière
(LO) dont la ligne nationaliste et l'intégration dans la bureaucratie syndicale
se reflètent dans ses décisions répétées d'isoler et de trahir les luttes des
travailleurs.
Les syndicats de
Continental-Clairoix, conseillés par Roland Szpirko de LO, avaient accepté un
accord de licenciement entérinant la fermeture de l'usine et engageant les
syndicats à empêcher toute tentative de perturbation des projets de fermeture
de l'entreprise ailleurs en Europe.
Quant à Jean-Pierre
Mercier, il était le directeur de campagne de Nathalie Arthaud, candidate de LO
à la récente élection présidentielle. Ses remarques à Amiens montrent
clairement qu'il suit la même ligne de collaboration de classes que ses
co-penseurs de Clairoix.
De tels événements
soulignent le fait qu'une lutte internationalement unie des travailleurs de
l'automobile ne peut être organisée qu'indépendamment et en opposition à la
bureaucratie syndicale et aux partis petits-bourgeois de « gauche. »