Des habitants qui manifestaient dans la
cité de Maligawatta en banlieue de Colombo ont défié le 1er mars la
police antiémeute et d'autres agents du gouvernement envoyés pour démolir les
annexes ajoutées à leurs petites habitations. Plus d'une centaine de personnes,
principalement des femmes et des enfants, avaient organisé des piquets de grève
pour entraver la destruction en brandissant des pancartes où on pouvait
lire : « Nous avons voté pour ce gouvernement et il nous traite à
présent de la sorte » et « Devons-nous vivre dans la
rue ? »
Le piquet de grève des résidents
Le ministre du Logement, Wimal
Weerawansa, avait ordonné la destruction de toutes les constructions « non
autorisées » dans le domaine du logement public de Colombo comme faisant
partie intégrante des tentatives du gouvernement Rajapakse de transformer la
ville en un centre financier en Asie du Sud.
Le 1er mars à 8 h 30, des fourgons
entiers de policiers ont encerclé les appartements de Maligawatta. Les
effectifs des équipes spéciales (Special Task Force, STF) et de la police
antiémeute munis de canons à eau étaient prêts à intervenir pour réprimer toute
opposition. Les habitants ont toutefois confronté la police et le président du
Condominium Management Authority (CMA), Kapila Gamage, et empêché ensuite qu'un
bulldozer n'entreprenne les démolitions.
Le CMA, qui est relié au ministère du
Logement, avait précédemment, vers la mi-février, tenté de démolir les annexes,
mais avait été obligé de battre en retraite en raison de l'opposition des
habitants. Il fixa ensuite un délai maximum d'une semaine qui plus tard fut
prolongé jusqu'au 1er mars. Contraint de reporter les opérations de
la semaine passée, le CMA a fait parvenir une lettre à toutes les familles leur
ordonnant de démolir toute construction « non autorisée » en les
avertissant que si elles n'obtempéraient pas, les autorités effectueraient les
démolitions à leurs frais.
Les habitants de Maligawatta, sous
couvert d'une autorisation préalable du développement urbain (Urban Development
Authority, UDA), avaient ajouté de nouvelles pièces à leurs appartements
lorsque leurs familles s'étaient agrandies. Le CMA affirme injustement que les
annexes empêchaient les autorités du gouvernement de nettoyer la canalisation.
Les habitants ont catégoriquement rejeté cette affirmation en signalant que,
depuis 28 ans, ce sont eux qui nettoient la canalisation, pas les autorités
gouvernementales.
Le personnel des forces spéciales prêt à intervenir
Un avocat qui vit dans l'un de ces
appartements, Khrishantha Nishantha, a dit le 1er mars lors d'une
conférence de presse improvisée, que les efforts du CMA de détruire les annexes
étaient illégaux sans une injonction du tribunal ou une autorisation spéciale.
Il a montré aux médias une copie d'une lettre de l'UDA autorisant les
constructions. Nishantha a dit : « Ces maisons sont nos propriétés
privées. Personne ne peut les démolir. Nous possédons les actes de propriété de
ces maisons et lorsque les responsables ont évalué nos maisons, les nouvelles
constructions étaient incluses. »
Selon les statistiques du gouvernement,
1.700 familles vivent dans 1.512 logements du Maligawatta National Housing
Scheme. Les petites habitations, qui furent construites en 1973 et en 1978,
disposent tout juste d'une chambre à coucher, d'un petit salon, d'une cuisine
et d'un cabinet de toilette. Aucun nouveau projet de logements n'a été
construit pour les familles qui se sont agrandies, obligeant ainsi les
habitants à construire des pièces supplémentaires.
Des partisans du Parti de l'Egalité
socialiste (Socialist Equality Party, SEP), qui font régulièrement campagne
parmi les habitants de Maligawatta, ont distribué un tract qui s'oppose aux
démolitions et qui explique le programme du gouvernement.
« Le gouvernement Rajapakse
planifie des évictions de masse de Colombo comme partie intégrante de ses
tentatives de transformer la ville de Colombo en un centre d'affaires en Asie
du Sud », déclare le tract. « Dans le but de réprimer toute
opposition, Rajapakse a placé l'UDA sous l'autorité du ministère de la Défense
qui supervise aussi l'armée. Pour la première fois depuis 38 ans, ces
appartements sont en train d'être "réparés" dans le
cadre d'un soi-disant projet d'embellissement du gouvernement visant à attirer
des investisseurs et des touristes dans la cité. »
En 2008 et en 2010, le gouvernement
avait expulsé une centaine de familles de Slave Island et de Dematagoda à
Colombo, en recourant à l'armée et à la police pour faire exécuter ses ordres.
De nombreux habitants furent obligés de se loger en dehors de la ville dans des
cabanes en bois provisoires sans installations sanitaires
Le conseiller municipal de Colombo
Mahinda Kahandagama a visité les appartements de Maligawatta, en suppliant les
habitants de « juste permettre l'enlèvement de trois pieds [un mètre]
derrière les appartements ». Kahandagama fait partie du Front démocratique
de gauche (Democratic Left Front, DLF) qui est allié à l'Alliance de la liberté
du peuple uni (United People's Freedom Alliance, UPFA) de Rajapakse. Les
habitants se sont opposés à sa lamentable tentative d'un supposé compromis et
il fut contraint de quitter la région.
Un député du parti d'opposition l'United
National Party (UNP), Sujeeva Senasinghe, a dit aux habitants en colère que son
parti était opposé à la destruction des annexes et a promis de les aider pour
intenter des actions en justice contre le CMA. Il avait promis précédemment
d'engager des poursuites contre les évictions des habitants de Slave Island,
mais il n'a pas empêché la moindre éviction. Une fois au pouvoir, le parti de
Senasinghe n'a pas hésité à expulser des locataires des logements publics.
Durant les récentes élections
municipales, le maire UNP de Colombo, M. Muzammil, a affirmé s'opposer aux
décisions du gouvernement Rajapakse visant à expulser 75.000 habitants des
bidonvilles. Il vient à présent d'exprimer sa volonté de coopérer avec les
projets de « développement » et d'« embellissement » du
gouvernement.
L'éviction de milliers de pauvres de
Colombo ne peut être stoppée par des protestations visant à exercer une
pression sur le gouvernement Rajapakse ou les autorités municipales pour les
faire changer de cap. Cette attaque fait partie d'un programme plus général du
gouvernement et de mesures d'austérité qui lui sont dictées par le Fonds
monétaire international (FMI).
Ce qui est requis c'est la mobilisation
de tous les travailleurs - urbains et ruraux - comme partie intégrante d'une
lutte politique unie contre le gouvernement Rajapakse et en faveur d'un
programme qui défend le logement comme un droit social fondamental en allouant
des milliards de roupies pour des habitations décentes pour les nécessiteux.
Le SEP en appelle à tous les
travailleurs pour s'opposer aux attaques du gouvernement contre les locataires
des logements publics en appelant à la formation de comités d'action
indépendants pour le droit au logement dans le cadre de la lutte pour la
défense des niveaux de vie et des droits fondamentaux de tous les travailleurs.
La mise à disposition de logements décents pour tous ne peut être concrétisée
dans le cadre du système capitaliste à but lucratif et en crise, mais seulement
par l'établissement d'un gouvernement ouvrier et paysan basé sur un programme
socialiste.