Les deux principaux syndicats espagnols, l'Union
générale des travailleurs (UGT) alignée sur le PSOE (Parti socialiste), et
les Commissions Ouvrières (CC.OO) alignées sur le Parti communiste (PCE),
ont appelé à une grève générale le 29 mars contre les dernières réformes du
droit du travail.
La nouvelle loi permet aux employeurs de réduire
les salaires et de licencier des travailleurs plus facilement, et facilite
également l'extension des emplois à bas salaire, et limite les négociations
syndicales nationales et régionales. Depuis l'annonce de la grève générale,
les partis de pseudo-gauche s'en sont emparés pour dire que les travailleurs
peuvent et doivent faire confiance aux syndicats pour s'opposer à la
contre-révolution sociale menée par l'élite dirigeante en Espagne et dans
toute l'Europe.
En réalité, les CC.OO et l'UGT n'ont appelé à
cette grève de protestation d'un jour qu'après des mois de négociations
tripartites entre les syndicats, le gouvernement du Parti populaire (PP – de
droite) et les employeurs. Après que le projet de loi a été adopté par le
conseil des ministres et envoyé pour ratification au Parlement, les CC.OO et
l'UGT ont continué à plaider auprès du gouvernement pour en retirer les
parties les plus dures, tout en organisant des manifestations pour la forme.
La même comédie avait eu lieu il y a un an et
demi, en septembre 2010, lorsque les syndicats avaient appelé à une grève
générale d'un jour contre la réglementation du travail du précédent
gouvernement, dirigé par le PSOE. Quelques mois plus tard, les syndicats
signaient le « Grand pacte social, » comprenant le relèvement de l'âge de la
retraite de 65 à 67 ans à partir de 2013.
Depuis lors, la bureaucratie syndicale a fait
taire la résistance de la classe ouvrière aux atteintes à ses conditions de
vie. En décembre, 637 544 heures ont été perdues durant des grèves, soit une
baisse de 68 pour cent par rapport au même mois de l'année précédente. En
janvier, 564 852 heures ont été perdues, soit en baisse de 20,61 pour cent
par rapport à janvier 2011.
Durant tout ce temps, le Parti communiste espagnol
(PCE) stalinien, la Gauche anti-capitaliste (
Izquierda
Anticapitalista - IA) appartenant au Secrétariat
unifié pabliste, En Lucha (En Lutte), la branche espagnole du
Socialist Workers Party britannique, El Militante, l'ex-section
espagnole de la Tendance marxiste internationale, ainsi que Classe contre
classe, la section espagnole des Morenistes, ont fonctionné comme des
promoteurs sans retenue de la bureaucratie syndicale.
Le PCE a de nombreux membres de haut niveau à la
direction des CC.OO, qu'il avait fondé en 1976. Un communiqué récent révèle
à quel point les syndicats servent de soupape de sécurité à la colère
accumulée de la classe ouvrière. D'après le PCE, les tentatives des
syndicats d'obtenir un accord négocié « ont rencontré un mur » et « la
pression des citoyens sur la base du syndicat augmentait et le résultat en a
été l'appel à la grève générale. »
Il omet le fait que la réforme du droit du travail
était totalement en service avant d'être votée par le Parlement, car le
gouvernement l'avait adoptée par ordonnance. Entre l'ordonnance et
l'approbation par le Parlement, les syndicats ont tenté de dissiper la
résistance de la classe ouvrière par des manifestations le week-end qui ont
fait descendre des dizaines de milliers de travailleurs dans la rue,
exigeant la fin des réformes et pas simplement une modification de la loi
sur le travail, contrairement à ce que demandaient les syndicats et le PCE.
L'IA du Secrétariat unifié pabliste a dit qu'elle
accueillait favorablement l'appel à la grève générale comme un « premier pas
» de la classe ouvrière. Elle a appelé à la construction de « Comités et
organes de la base, » non en tant qu'organisations authentiquement
indépendantes de la bureaucratie syndicale, mais comme des groupes de
pression sur les syndicats « pour s'assurer qu'après [le 29 mars] la
direction syndicale ne détourne pas les résultats [de la grève générale]. »
L'IA incite les CC.OO et l'UGT à « rompre avec la
stratégie syndicale qui consiste à rechercher un pacte social et des
arrangements » avec le gouvernement et les employeurs, leur conseillant que
cela est nécessaire pour « restaurer la crédibilité perdue parmi des
sections importantes de travailleurs et leur envoyer un message disant que
maintenant "nous sommes sérieux". »
Ces acolytes de la bureaucratie syndicale
déclarent que la crédibilité peut être restaurée par les CC.OO et l'UGT en
construisant « des ponts vers un syndicalisme alternatif, qui a critiqué
leur stratégie avec justesse. »
C'est une référence aux syndicats plus petits
comme la Confederación General del Trabajo (Confédération générale du
travail, CGT). La CGT joue le rôle politique particulier consistant à
absorber les travailleurs désenchantés par fédérations syndicales plus
grosses grâce à une phraséologie radicale et militante. Si ces syndicats
plus petits conservent une quelconque crédibilité, c'est largement dû au
rôle de la pseudo-gauche dans la couverture de leurs propres trahisons,
comme l'annulation à la dernière minute par la CGT de la grève de quatre
jours prévue par les travailleurs du métro et des bus de Barcelone en
Février.(Voir en anglais,
Le petit parti moreniste Classe contre classe sert
de conseiller à la CGT et d'autres syndicats "de gauche", les implorant
d'organiser « les secteurs les plus combatifs. » Le groupe moréniste déclare
que ces syndicats doivent « jouer un grand rôle dans la lutte pour la grève
générale et prendre des mesures importantes pour unir tous les travailleurs
qui sont contre la politique de "négociation" de Toxo et Mendez [dirigeants
respectivement des CC.OO et de l'UGT]. »
En Lucha, affilié au SWP britannique, est
encore plus explicite dans son soutien à la bureaucratie syndicale. Ses
déclarations disent tout bonnement qu'il « est tout à fait possible qu'une
grève générale d'un jour ne soit pas suffisante pour arrêter la réforme du
travail, » comme si cela n'était pas bien compris par les syndicats. À la
place, continue cette déclaration, « la lutte continuelle et dans de
nombreux cas, les succès de la classe ouvrière grecque devrait servir
d'exemple. »
Quels succès ? La Grèce a maintenant plus du tiers
de sa population vivant en dessous du seuil de pauvreté. Vingt-et-un pour
cent des travailleurs grecs sont au chômage et jusqu'à un demi-million ont
émigré. Le pays est dirigé par un gouvernement non élu qui est un pantin du
capital financier européen et international.
Tel est le bilan grâce au refus des syndicats de
faire tomber d'abord le gouvernement du PASOK et maintenant la coalition
entre le PASOK, la Nouvelle démocratie conservatrice et le LAOS fasciste,
qui a été installée à la demande de l'Union européenne et du Fonds monétaire
international.
El Militante, ancien affilié à la Tendance
marxiste internationale, dépeint également la longue liste des accords et
des pactes entre le gouvernement et les syndicats « de lutte de classe » (CC.OO
et l'UGT) comme étant le résultat d'une simple « mauvaise stratégie ». Il
jure qu'il « exigera que le 29 mars ait des suites et ne soit pas détourné
vers un processus de négociations avec le gouvernement du PP. »
Les travailleurs ne devraient pas se laisser dire
que les grèves symboliques d'un jour peuvent arrêter l'élite dirigeante dans
l'imposition de ses attaques, pas plus qu'ils ne peuvent faire confiance aux
syndicats pour mener la lutte des classes. Le seul impératif de toute cette
confrérie d'ex-gauchistes est d'empêcher les travailleurs et les jeunes de
tirer les leçons des expériences douloureuses en Espagne et partout dans le
monde et de se lancer sur la seule route politique viable – celle d'une
rébellion contre ces organisations moribondes et de construire un mouvement
politique de masse pour lutter pour le pouvoir ouvrier et le socialisme.