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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Espagne: Garzón acquitté pour l'enquête sur les crimes de l'ère franquiste

Par Alejandro López et Chris Marsden
15 mars 2012

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La décision de la Cour suprême d'acquitter Baltasar Garzón du chef d'accusation de faute grave pour avoir enquêté sur les crimes du régime fasciste de Franco est un recul tactique de l'élite dirigeante espagnole face à l'hostilité populaire envers sa poursuite en justice.

L'affirmation que la classe dirigeante a quelque peu restauré la réputation du système judiciaire espagnol doit toutefois être rejetée avec mépris.

Le ministre de la Justice, Alberto Ruiz-Gallardón Jiménez, a déclaré que la décision de la cour était la preuve qu'il y avait en Espagne « une autorité judiciaire forte et indépendante ». « aucune des critiques, à mon avis injustifiées, allant à l'encontre de la Cour suprême ne lui a fait perdre son prestige aux yeux des citoyens espagnols. »

Rien ne saurait être plus éloigné de la vérité. C'est pour tenter de rétablir le prestige du système judiciaire - et renoncer à des poursuites politiquement dommageables - que le gouvernement du Parti populaire (PP) a donné son approbation à la décision de la Cour suprême. L'objectif est, comme toujours, de continuer à couvrir les crimes du fascisme en empêchant un règlement de compte politique avec les auteurs de ces crimes et leurs héritiers.

En 2008, Garzón avait ouvert la première enquête contre les responsables du coup militaire du 17 juillet 1936 en instruisant la disparition de 114.266 personnes ainsi qu'en inculpant Franco, 44 anciens généraux et ministres et 10 membres du parti la Phalange. Il avait alors ordonné l'exhumation de 19 charniers anonymes.

C'est pour cela qu'il fut accusé d'entrave au cours de la justice et d'avoir enfreint la Loi d'Amnistie votée en 1977, qui amnistie quiconque avait commis un quelconque délit pour des raisons politiques avant cette date.

Dès le début, la Cour suprême avait utilisé tous les moyens à sa disposition pour stopper Garzón. Le 17 novembre 2008, il avait accepté d'abandonner son instruction après que les magistrats avaient mis en cause sa compétence.

Ceci n'avait toutefois pas rassuré ses adversaires. La droite voulait sa tête. En 2010, la Cour suprême avait déclaré comme recevables trois plaintes criminelles contre Garzón, une, l'accusant d'avoir accepté un pot-de-vin, fut abandonnée par la suite, une autre pour avoir enfreint la Loi d'amnistie déposée par la Phalange et le syndicat de droite nommé Mains propres (« Manos Limpias ») et une autre enfin pour avoir ordonné des écoutes téléphoniques dans la tristement célèbre affaire de corruption Gürtel impliquant le PP.

Des milliers de personnes ayant toutefois manifesté en faveur de Garzón, les raisons pour lesquelles la bourgeoisie espagnole avait besoin et a encore besoin du « Pacte du Silence » sont clairement apparues.

Il est évident que la Cour suprême avait fait le calcul qu'en menant un grand procès contre un juge espagnol pour avoir enquêté sur des meurtres de masse commis par le régime précédent au nom de la préservation du caractère sacré de ces arrangements constitutionnels auraient eu l'effet inverse. Elle décida donc de désamorcer une situation potentiellement dangereuse.

Le 9 février, Garzón était suspendu de la magistrature pour 11 ans dans le cadre de l'affaire Gürtel, décision qui a été levée lundi par son acquittement concernant la violation de la Loi d'amnistie. Mais les juges l'ont fait d'un point technique par un vote de six contre un, tout en défendant catégoriquement la loi.

Ils ont décrété que Garzón avait « mal interprété la loi espagnole, mais n'avait pas sciemment et volontairement outrepassé les limites de sa juridiction. »

Les crimes commis sous le fascisme - meurtres, disparitions forcées, viols, torture, esclavage, etc. - « sont prescrits depuis longtemps ayant dépassé le délai fixé dans le code pénal, » a souligné la Cour suprême. Le « droit de la recherche de la vérité historique n'est pas du ressort de la procédure pénale. »

Dans le jugement de la cour il est dit, « Il est à remarquer que la Loi d'amnistie fut promulguée avec le consentement de l'ensemble des forces politiques durant la période postérieure aux élections démocratiques de 1977. »

La loi était « le résultat de la volonté claire et nette des forces politiques idéologiquement opposées au franquisme » incorporant « d'autres positions, de gauche et du centre et même de droite. »

« Ce faisant, le démantèlement du cadre du régime de Franco [a été] jugé nécessaire et légitime. aucun juge ou aucune cour ne peut en aucune manière mettre en doute la légitimité de ce processus. »

La « réconciliation nationale », affirme-t-on fut réalisée en partie grâce à la Loi d'amnistie qui a évité que « deux Espagne s'affrontent. » C'était « la volonté du peuple espagnol. »

La Loi d'amnistie n'avait rien à voir avec la volonté du peuple qui ne voulait rien moins que faire payer les fascistes pour leurs crimes. C'était la volonté des représentants politiques de la bourgeoisie espagnole, de gauche comme de droite, qui étaient déterminés à rétablir le régime capitaliste après la période mouvementée qui avait suivi la mort de Franco et l'effondrement de son régime.

Les principaux auteurs politiques en furent le Parti communiste, le Parti socialiste (PSOE) et leurs syndicats dont la tâche fut d'empêcher à tout prix le développement d'une confrontation révolutionnaire- y compris en pardonnant à ceux qui avaient assassiné bon nombre de leurs compatriotes.

Et pourtant, pour le Wall Street Journal, le jugement n'est pas allé assez loin. Garzón aurait dû être puni pour « avoir violé la loi, » et la décision de ne pas le faire est qualifiée d' « inquiétant coup porté contre l'amnistie de 1977 couvrant les méfaits sanglants de la période autoritaire espagnole - l' « oubli » délibéré du passé, oubli auquel l'Espagne contemporaine doit tellement. »

Le WSJ attaque Garzón pour avoir « annulé le jugement des fondateurs de la démocratie espagnole quant à la manière dont le pays devrait se réconcilier avec son passé. »

Le WSJ termine en prenant la défense de l'amnistie parce qu'elle a garanti que « les péchés des coupables n'engendrent pas de nouveaux conflits entre les innocents et que ces péchés ne soient pas exploités à des fins politiques. »

Au contraire: c'est l'élite dirigeante qui « doit tellement » à l'amnistie acceptée par les staliniens et les sociaux-démocrates. Il est absolument nécessaire et correct que les « péchés du passé » « engendrent de nouveaux conflits » et soient « exploités à des fins politiques » par les victimes de ces crimes. La loi d'amnistie ne protège que les coupables et permet aussi à leurs fils et filles et à leurs enfants de se présenter en démocrates tout en jouissant pleinement de la richesse illégalement acquise et des privilèges qui leur ont été transmis.

C'est à cause de la trahison des luttes révolutionnaires de la classe ouvrière, que les fascistes ont pu garder leur position de force, et les anciens ministres et conseillers de Franco ont pu former le PP qui gouverne actuellement et jette, par le biais de mesures d'austérité, des millions de gens dans une pauvreté abjecte.

(Article original paru le 9 mars 2012)

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