Un homme sans domicile fixe dans la rue Sophokleous
Au cours de ces trois dernières années,
la dévastation sociale de la Grèce a entraîné une augmentation drastique de la
famine et du nombre des sans domicile fixe (SDF).
Officiellement l'on estime qu'un tiers
des Grecs vit à présent sous le seuil de pauvreté mais en réalité les choses
sont bien pires. Selon les statistiques nationales de l'agence ELSTAT, au début
de la crise en 2010, plus de 3 millions (27,7 pour cent) sur les 11 millions
d'habitants que compte la Grèce vivaient déjà au bord de la pauvreté ou de
l'exclusion sociale. Depuis, les conditions de vie de millions de gens ont
considérablement empiré.
Des personnes sans abri à la station de métro Monastiraki
Le chômage de masse est à présent un
phénomène permanent avec des taux officiels de 21 pour cent. Pour la première
fois, plus de 50 pour cent des jeunes sont sans emploi. Plus de 500.000
personnes n'ont aucun revenu d'aucune sorte dans ce qui était jusque il y a
quelques années un pays au niveau de vie en hausse. La situation est si
désespérée que quelque 500.000 personnes ont quitté le pays.
Avec un millier de personnes par jour
réduites au chômage et une attaque continue contre les salaires et les
prestations sociales, il y a à présent une couche de la société qui ne cesse de
croître, les « nouveaux SDF. »
Ce mois-ci, Christos Papatheodorou,
professeur de politique sociale à l'université Democritus de Thrace, a dit à
l'agence AFP que le nombre de SDF « risque d'exploser. »
Les chiffres officiels de la pauvreté
cités par ELSTAT n'incluent pas les milliers de SDF en Grèce. Papatheodorou a
souligné que les statistiques de l'Office statistique de l'Union européenne et
des agences nationales « basent leurs chiffres sur le ménage type,
c'est-à-dire des personnes ayant un toit. Et donc, l'augmentation de l'extrême
pauvreté dans laquelle se trouvent les SDF n'apparaît pas dans les
statistiques. »
Le Financial Times a commenté ce
mois-ci: « Au fur et à mesure que la crise s'aggrave en Grèce, le tissu
social donne des signes de déchirure, soulevant des questions quant à savoir
quel degré d'austérité le pays peut encore supporter. Les pertes d'emplois
ainsi que les réductions des droits à la retraite ont créé une nouvelle classe
de pauvres urbains.
La queue devant la soupe populaire
Cette pauvreté persistante est visible
partout à Athènes. Rien que l'année dernière l'on avait évalué à 20.000 le
nombre de sans-abri dans la capitale grecque. Cette nouvelle armée de SDF a dû
supporter l'un des hivers les plus froids de mémoire d'homme.
Une équipe de reporters du World
Socialist Web Site a visité deux soupes populaires dans la ville.
Leorgia Exarchou et une autre bénévole en train de préparer un repas pour la soupe populaire assurée par l'église
Georgia Exarchou travaille comme
cuisinière bénévole à la soupe populaire organisée par l'église Agia Asomaton
dans la rue Thermopylon, près de la place du marché historique Agora. Elle a
dit au WSWS : « Quand j'ai commencé ici en 2004, 20 à 30 personnes
venaient chercher un repas par jour. Il y a un an et demi le nombre est passé à
100. Depuis il est passé à 250 par jour et parmi eux il y a de plus en plus
d'enfants. »
Exarchou fait depuis huit ans du bénévolat
à la cuisine qui est surtout utilisée par des Grecs autochtones. Elle travaille
avec dix autres bénévoles.
Son église reçoit des grandes surfaces
les excédents alimentaires et les aliments dont la date de vente est périmée.
L'église organise 67 soupes populaires à Athènes. Les églises nourrissent plus
de 250.000 personnes par jour partout en Grèce. « Nous ne recevons aucun
soutien du gouvernement pour ce travail, » a-t-elle expliqué. « Ils
ont détruit la société en Grèce. La Grèce était un pays agréable mais ils l'ont
détruit. »
Georgia Exarchou
Elle a poursuivi en disant: « Les
gens viennent ici avec un tas de problèmes. Beaucoup d'entre eux sont sans
abri. La
plupart d'entre eux ont des problèmes de santé. Nous les envoyons à d'autres
organisations d'aide. Un grand nombre de gens ont perdu leur emploi et
n'ont plus les moyens pour s'acheter de la nourriture. Ils sont incapables de
trouver un emploi, ne reçoivent aucune aide financière et n'ont plus d'argent
pour nourrir leur famille. »
En 1967, Exarchou était une jeune fille
lorsque le régime militaire fasciste avait pris le pouvoir en Grèce. « Si
ça continue comme cela, ça ira encore une fois vers une dictature de la
junte, » a-t-elle averti.
Dans un bâtiment de la rue à côté, rue
Sophokleous, on distribue de la nourriture surtout aux étrangers et aux
demandeurs d'asile. C'est une des plus anciennes soupes populaires d'Athènes.
L'un des services de repas est assuré par l'église Agia Asomaton.
Ce jour-là, quelque 200 personnes ont
fait la queue pour recevoir une petite portion de riz et un morceau de poulet.
Parmi les gens qui ont reçu de la nourriture il y avait de jeunes mères et
leurs enfants. Peu de chaises étaient disponibles et la plupart des gens
mangeaient debout dans la cour, à peine protégés de la plus battante.
Les gens mangent leur repas à la soupe populaire rue Sophokleous
Au bout d'une demi heure, tous les gens
doivent quitter la cour et le reste des aliments est laissé à des dizaines de
pigeons. Ceux qui venaient tout juste de prendre leur repas se sont mis à
rentrer chez eux ou à marcher dans les rues en quête d'un endroit sec pour
passer la nuit.
Un homme venu d'Algérie avait vécu un
temps à Paris avant de venir en Grèce. « La situation sociale en Grèce est
terrible, » a-t-il dit. « Ce n'est pas l'Europe, Paris c'est
l'Europe, mais pas ici. » Il veut retourner en Algérie parce que là-bas
ses conditions de vie étaient meilleures que de vivre dans la rue en
Grèce. »
Aamen a dit qu'il était arrivé en Grèce
il y a un an en provenance de l'Iran en espérant trouver une vie meilleure.
« Pendant des années j'avais voulu venir en Grèce, » a-t-il dit.
« Maintenant je suis là, mais il n'y a plus de meilleure vie ici. »
Le gouvernement a détruit notre avenir à tous. »
A la soupe populaire, l'une des
personnes sans abri a dit que c'était maintenant chose courante de voir les
gens demander de la nourriture à leurs voisins. Il a dit que plus tard ce soir
il y aura des SDF qui feront les poubelles sur les places principales.
En quittant la soupe populaire rue
Sophokleous on a pu voir un grand nombre de SDF assis ou dormir dans les
entrées d'immeubles. Un Grec plus âgé était allongé sur un lit de fortune près
de la station de métro Monastiraki dans le centre d'Athènes. Il a expliqué
qu'il vivait dans la rue depuis dix ans et que son revenu total était de tout
juste huit euros par semaine.
« On ne voit pas les nouveaux SDF
dans les endroits bien en vue comme par exemple les stations de métro parce
qu'ils ont honte et préfèrent dormir dans des coins isolés, » a-t-il dit.
« Le nombre de SDF a tellement augmenté. La Grèce est en train de retomber
dans le Moyen-Age. »
Il a besoin de soins médicaux quotidiens
en raison des plaies infectées qui couvrent le bas de ses jambes et ses pieds.
Jusque-là, il avait réussi à obtenir des médicaments de Médecins du monde, une
organisation d'aide humanitaire non gouvernementale. Toutefois, suite à
l'aggravation de la crise économique, l'accès à des traitements est devenu de
plus en plus difficile. Il a dit qu'il avait reçu cette semaine une dose de
médicaments plus petite que d'habitude.