Des ONG et des syndicats français se
sont rencontrés ce week-end pour discuter d'un nouveau « Pacte
social. » Il a été signé par des syndicats sociaux-démocrates, la
Confédération française démocratique du travail (CFDT), proche du Parti
socialiste (PS), et l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) ainsi que
par plusieurs groupes d'étudiants et d'organisations non gouvernementales
(ONG).
Le manifeste qu'ils ont publié vise à
nourrir des illusions dans l'establishment politique, dans un contexte
de mécontentement populaire grandissant avant les élections présidentielles
françaises du mois prochain. Le manifeste cherche à suggérer que sous le
capitalisme les travailleurs sont encore en mesure d'obtenir des réformes
sociales - alors même que les gouvernements appliquent partout en Europe une
politique de rigueur pour détruire les acquis sociaux gagnés dans le passé par
la classe ouvrière.
Le document débute en reconnaissant
brièvement que cette politique mine le niveau de vie et les droits
démocratiques des travailleurs. On peut y lire, « Notre modèle de
développement traverse une crise durable qui engendre la montée des inégalités
et de l'exclusion sociale. Il y a là un facteur d'affaiblissement de la
démocratie. et un terrain favorable à tous les populismes. » Mais les
bureaucrates syndicaux et des OGN demandent à leurs lecteurs de reprendre
courage étant donné que « les élections présidentielles et législatives
sont un temps fort de la démocratie. »
En fait, la classe ouvrière est
totalement aliénée dans l'actuelle élection qui a lieu au milieu d'une profonde
crise capitaliste, comprenant la crise de l'endettement de la zone euro. Les
deux principaux candidats, le président conservateur sortant Nicolas Sarkozy et
son principal rival, le candidat du PS, François Hollande, font campagne sur la
base de coupes budgétaires, d'attaques contre les droits sociaux et
démocratiques et de participation aux guerres impérialistes de l'OTAN.
Quiconque remporte cette élection poursuivra cette politique et de manière même
encore plus agressive contre la classe ouvrière.
Les bureaucrates petits-bourgeois qui
mettent en avant le manifeste sont eux-mêmes des agents clé de la réaction
sociale en ce qu'ils répriment les luttes des travailleurs contre la réaction
sociale sur le front intérieur.
En 2010, les syndicats, dont la CFDT et
l'UNSA, avaient collaboré avec Sarkozy pour imposer une réduction des droits à
la retraite relevant l'âge légal de départ à la retraite de 60 62 ans et
imposant de lourdes pénalités aux travailleurs qui ne disposent pas de 42 ans
de cotisation. L'opposition populaire aux coupes sociales, dont une grève
nationale dans le secteur pétrolier, fut isolée et étouffée par les syndicats.
Ces derniers ne se sont pas non plus opposés aux mesures telles l'interdiction
de la burqa, la déportation en masse des Roms et d'autres attaques contre les
droits démocratiques.
Le manifeste montre clairement que les
bureaucrates petits bourgeois qui dirigent les syndicats et les ONG planifient
davantage d'attaques de ce genre à l'encontre des travailleurs après les
élections : « Les transformations profondes qui doivent être menées
seront possible si toute la société est en mouvement, si tous les citoyens se
sentent impliqués. Les défis immenses que nous avons à relever supposent un
vrai renouveau démocratique. Toutes les forces de la société civile doivent s'y
investir. »
Il est significatif de noter que le
document ne précise pas quelles « transformations profondes » sont
planifiées. Il n'énumère qu'une longue liste de vagues mesures dont aucune
n'est nouvelle et que peut saluer n'importe quel politicien bourgeois qui
n'aura pas à les payer - y compris l'accès à l'éducation, la question de
l'environnement, de la santé et du logement.
Néanmoins, il souscrit
explicitement à la réduction du budget tel que la propose Hollande et telle
qu'elle est appliquée en Europe par tous les gouvernements sociaux-démocrates
depuis l'éclatement de la crise financière mondiale en 2008. Il préconise la
« compétitivité économique » tout en soutenant une « réduction
des déficits publics [qui] préserve la cohésion sociale et que les services
publics en demeurent les garants. »
Le document ne dit mot de l'impact
dévastateur d'une telle coupe budgétaire et que l'Union européenne (UE) et le
Fonds monétaire international (FMI) ont appliquée en Grèce, au Portugal, en
Espagne et ailleurs, au mépris absolu de l'opinion publique. Malgré une
opposition populaire grandissante en Grèce, l'UE et le parti social-démocrate
grec PASOK ont imposé des réductions drastiques négociées avec les syndicats -
dont la réduction de 20 à 40 pour cent des salaires, la réduction des droits à
la retraite et des primes, la privatisation des biens publics et une réduction
considérable des emplois du secteur public. Cette politique a appauvri la
classe ouvrière grecque.
L'UE - que le manifeste vise à
« réformer » - ne peut pas être réformée parce ce qu'elle est un
instrument réactionnaire au service de l'oligarchie financière. Pour la classe
ouvrière européenne, l'unique politique viable consiste à mener des luttes
politiques de masse pour garantir ses droits sociaux dans une lutte pour le
renversement de l'oligarchie capitaliste et de l'Union européenne. Ceci
requiert l'unité de la classe ouvrière européenne sur la base d'une perspective
socialiste révolutionnaire visant à mettre en place les Etats socialistes unis
d'Europe.
Les syndicats et les ONG qui promeuvent
le « Pacte social » visent au contraire à désorienter la classe
ouvrière en dissimulant, derrière des promesses creuses de « cohésion
sociale », des projets de négocier avec l'Etat la poursuite des coupes
sociales.
Le document conclut en disant,
« Nous voulons que la méthode d'élaboration des choix économiques et
sociaux, des régulations et des règles qui en découlent soit le fruit d'une
large concertation et permette de dégager les consensus nécessaires. »
C'est-à-dire, les bureaucraties petites
bourgeoises veulent des coupes budgétaires afin de stimuler la compétitivité
mondiale du capitalisme français et qui a été négociée lors de pourparlers avec
l'Etat et les associations du patronat. Elles soutiennent ces coupes et
craignent l'émergence des luttes de classe des travailleurs qui démoliraient le
« consensus » bidon que les bureaucraties tentent de promouvoir
autour des attaques contre la classe ouvrière.
L'objectif que ce « Pacte
social » se fixe - à savoir forger un consensus entre le capital et la bureaucratie
syndicale tout en planifiant des attaques contre les droits sociaux et
démocratiques des travailleurs pour essayer d'étouffer la lutte de classe - est
profondément réactionnaire. Dans sa conception de base, il est bien plus proche
de la Charte du travail promulguée en 1941 par le régime collaborationniste de
Vichy que des réformes sociales octroyées durant la reprise économique de la
période après la Deuxième guerre mondiale.
Conçue par René Belin, bureaucrate
syndical qui était devenu ministre du Travail sous Vichy, la Charte du travail
visait à établir la paix sociale entre le capital et les travailleurs en
détaillant diverses prestations sociales et en mettant en place une
bureaucratie complexe au service de la collaboration entre les organisations
des travailleurs et le patronat. La charte avait interdit les grèves. Son titre
renfermait une citation cynique du maréchal Philippe Pétain dénonçant
l'« injustice de la condition prolétarienne » alors que la
bureaucratie qu'elle organisait supervisait sous Vichy la destruction
systématique des conditions de vie des travailleurs.
De nos jours, les tentatives entreprises
pour faire passer en force les coupes sociales anti-ouvrières au moyen d'un
faux « Pacte social » ne font que jeter les bases de luttes
explosives entre le prolétariat et les bureaucraties petites bourgeoises.